L'explosion d'une voiture piégée fera trois morts et 47 blessés.
Source :
20e siècle - Histoire des grands conflits.
Guerre d'Algérie vol II.
Collection du Patrimoine, pages 172, 173, 174.
L'OAS Métro
On peut lire dans un document en provenance de la Préfecture de Police de Paris, à propos de l'année 1961 :
" année redoutable pendant laquelle le Pays a eu à faire face à deux rébellions ", " les éléments de choc et l'organisation spéciale du FLN vont se déchaîner, en particulier sur Paris et sa banlieue, et se livrer même à de véritables opérations militaires visant des gardiens de la paix, des véhicules de police, des commissariats ou des postes de police, des installations techniques et, bien entendu, en privilégiant la force de police auxiliaire (1) ... Ces opérations ont duré jusqu'à la mi décembre 1961 ".
1- Force auxiliaire de police = harkis de la Préfecture de Police de Paris
Pour cette année 1961, la presse relève le chiffre de 886 tués en métropole, pour la plupart musulmans (résultats de la lutte MNA-FLN, actions du FAAD). Ce chiffre et ces commentaires permettent de juger de l'ambiance régnant en métropole. Le document poursuit :
" Mais dès le début de 1961, apparaissent en métropole les premières manifestations de violence de type terroriste, revendiquées ou à mettre au compte de l'Organisation Armée Secrète ou du moins de différents organismes, groupes et groupuscules se réclamant de ce qu'il était convenu d'appeler alors les partisans de l'Algérie française qui estimaient devoir dénoncer, par n'importe quel moyen, y compris la violence, la politique algérienne du chef de l'État ".
" Les premières actions étaient déclenchées dans la nuit du 6 janvier 1961. Vers 1 h 45, six engins
explosifs éclataient dans différents quartiers de Paris (2)".
On peut lire, sous la signature d'Yves Courrière (Historia Spécial n° 424 bis), que dans les jours qui ont suivi le putsch d'avril, 200 officiers, 400 civils ont été arrêtés en métropole. Les chiffres sont très nettement exagérés mais il est vrai que de nombreux comploteurs dont plusieurs officiers de haut rang et des civils de haut niveau, liés au projet de rébellion, furent arrêtés dans les heures qui suivirent l'annonce de l'événement. Cette réaction immédiate au pouvoir tend à prouver :
que ce mouvement (dans lequel l'OAS n'avait aucune part) comptait en métropole bon nombre de partisans, d'ailleurs certains hommes politiques : G. Bidault, J. Soustelle, Max Lejeune, R.Lacoste ne font pas mystère de leurs positions, que la police, grâce aux écoutes téléphoniques et au manque de discrétion des conjurés, était très informée des événements à venir (le secret était si mal respecté que " la lettre confidentielle " de Paul Dehème avait annoncé le coup de force avec 24 heures d'avance).
2- L'OAS n'a été officiellement créée qu'en mars 1961.
De ce fait, les interventions prévues, en particulier en région parisienne (mouvements d'unités militaires favorables, occupations d'objectifs stratégiques...), échouent totalement. S'il n'existait alors en métropole aucun mouvement activiste comparable à ceux d'Algérie, il faut cependant noter l'existence des groupes de pensée et même de réseaux hostiles à la politique algérienne de de Gaulle (conservateurs de diverses obédiences royalistes, antigaullistes déçus du13 mai, poujadistes, anciens combattants d'Indochine et d'Algérie, pieds-noirs de métropole, jeune Nation, etc...). On peut imputer à l'une ou l'autre de ces tendances informelles les 16 explosions de janvier 61 à Paris, l'attentat d'Évian le 31 mars.
Le capitaine Sergent, qui a regagné clandestinement la France dans les premiers jours de juin (bientôt suivi par le lieutenant Godot), va tenter de rassembler groupes, réseaux et bonnes volontés disparates. Utilisant sa connaissance du milieu et ses relations dans l'armée, il va calquer son organisation sur le découpage territorial militaire (hormis deux zones autonomes : Paris et Zone d'occupation française en Allemagne). D'autres contacts chez les civils lui permettront un autre type de recrutement et d'entraîner dans sa mouvance un industriel, Maurice Gingembre, qui financera son activité et qui, grâce à sa profession, assurera les contacts avec Madrid et Alger.
Le capitaine Sergent dans la clandestinité en Italie.
Le 8 juillet, au cours du procès des officiers ayant participé au putsch d'Alger, le capitaine Estoup confirme devant le tribunal militaire, au nom de ses camarades, leur absence totale de motivation politique dans la rébellion d'avril.
Pendant que Sergent, conformément a la mission reçue de Salan et de Godard, s'efforce de bâtir l'OAS-Métro, la confusion s'installe au sommet du mouvement en raison de l'intervention du groupe résidant en Espagne (Argoud, Lacheroy, Lagaillarde). Ce groupe crée une " Direction Centrale de l'OAS, " qui réclame à Salan et à jouhaud de s'installer à Madrid. Des émissaires et des courriers sont expédiés aux groupes et équipes déjà contactés par Sergent, annulant en partie les efforts de ce dernier
Le 2 septembre, l'instruction particulière n°1 de Salan remet les pendules à l'heure :
" Il ne doit exister qu'une seule et même Organisation de l'Armée Secrète pour l'ensemble du territoire métropole et Algérie-Sahara. Cette organisation placée sous mes ordres assisté par le général Jouhaud, comporte deux grandes branches : OAS-Métropole et OAS Algérie-Sahara ".
Le même document désigne deux responsables comme base d'état-major de l'OAS-Métropole :
" Verdun (général Vanuxem) et Raphaël (un haut fonctionnaire).
Le 7 septembre, l'arrestation de Gingembre à Alger met en grand péril l'OAS-Métro encore à ses balbutiements. Elle provoque de nombreuses arrestations (généraux Vanuxem et de Crèvecoeur, colonel de Blignières, Raoul Girardet, etc...). Les responsabilités de Sergent sont dévoilées. Le 8 septembre, ce dernier apprend par la télévision l'attentat contre de Gaulle a Pont-sur-Seine. Il n'en est en rien responsable mais il devient l'ennemi public n°1.
Salan refuse toute responsabilité dans cet attentat mais, auparavant, de nombreuses explosions ont dejà secoué Paris (25 du 11 au 27 juillet, 13 dans la nuit du 21 au 22 août). Elles sont dues à l'initiative d'un ou de plusieurs groupes ou réseaux, qui, cherchant leur voie dans l'action antigaulliste, se baptisent OAS, sans pour autant obéir aux règles d'action psychologique préconisées par Sergent. Sous ce signe, à l'imitation de l'Algérie, se constitue une espèce de nébuleuse terroriste désordonnée. Les causes de ce phénomène ressemblent a celles constatées en Afrique du Nord : ambition et querelles de personnes, motivations politiques différentes, caractère particulariste des Français, méfiance entre civils et militaires, tout cela sur fond de romantisme révolutionnaire et de souvenirs d'une résistance idéalisée et encore récente.
Mais, à la différence de l'Algérie, l'OAS (ou ceux qui s'en réclament) ne bénéficie pas de l'appui de la population, au contraire. En métropole, la désinformation entretenue sur le problème algérien, la politique du pouvoir et ses conséquences prévisibles, les traumatismes résultant de plusieurs années d'une guerre particulièrement sauvage menée autour d'elle par le FLN avec la complicité avouée d'une bonne partie de l'intelligentsia et de la classe politique, conduisent immédiatement à une réaction d'hostilité générale à l'égard des nouveaux fauteurs de troubles.
L'attentat de Pont-sur-Seine, visant un chef d'État emblématique, ajoutera à la diabolisation de l'OAS-Métro.
Le 6 octobre, sous la pression du gouvernement français, la sûreté espagnole procède à l'arrestation du groupe OAS de Madrid (Argoud, Lagaillarde, Lacheroy...).
Le Comité de Vincennes, qui regroupait un certain nombre d'hommes politiques de tendances diverses, partisans de l'Algérie française, est dissous le 22 novembre. Toutes formes d'opposition légale aux projets du pouvoir ayant ainsi disparu, l'OAS en tire argument pour prôner l'insurrection armée contre une dictature.
De nouveau, des explosions secouent la capitale (17 du 16 au 22 octobre, 17 du 7 au 8 novembre). Le 17 novembre, le Drugstore de l'Étoile est plastiqué ; on note également 12 explosions le 22. Le 25 novembre, alors que de Gaulle parle aux militaires rassemblés à Strasbourg, des explosions visant le train présidentiel endommagent la gare. Le 14 décembre, en désertant, le lieutenant Bernard livre à l'OAS l'armement de sa section (une trentaine d'armes dont plusieurs automatiques). Le 30 décembre, 12 plasticages visent des personnalités gaullistes ou d'extrême-gauche à Paris et en province.
Au début du mois de décembre, la situation de l'OAS-Métro se complique sérieusement avec l'arrivée à Paris d'André Canal, alias " le Monocle ", mandaté par Salan pour " coordonner les divers groupes et individualités de métropole ". L'opposition est extrêmement vive entre Sergent qui refuse d'être dépossédé de ses responsabilités et Canal, partisan d'une recrudescence de l'action terroriste à l'instar de celle menée par l'OAS en Algérie. Cette opposition frôlera l'affrontement armé entre les tenants des deux tendances. Après un modus Vivendi, plus apparent que réel, bien que Salan ait ordonné de diminuer les plasticages, Canal constitue des " groupes d'action " baptisés " Alpha " et malgré Sergent, entame une campagne d'attentats à l'explosif. Ces " commandos " séviront jusqu'au mois de mai 1962 (arrestation de Canal le 5 mai).
Si l'année 1962 est en Algérie une année de folie sanglante, elle est particulièrement agitée en métropole.
Le 5 janvier, deux hommes, venus d'Algérie, exécutent à Alençon, Alfred Locussol au nom de l'OAS. La victime, membre influent du Parti communiste algérien, ex-complice de l'aspirant Maillot, était accusé d'organiser des cellules communistes anti-OAS.
Le 4 janvier, un commando de Sergent s'en prend au PCF et mitraille le siège du Parti, place Kossuth à Paris. Le 7, une autre équipe enlève une trentaine d'armes au camp de Satory.
Dans la nuit du 17 au 18, les commandos " Alpha " font exploser une vingtaine de plastics, d'autres charges explosent entre le 21 et le 24 janvier, visant diverses personnalités notoirement opposées à l'Algérie française, des lieux de réunion du FLN. Le 7 février, une bombe visant André Malraux blesse grièvement la petite Delphine Renard. Les médias s'emparent de l'affaire à des fins de propagande contre l'Organisation Armée Secrète. Le 8, une manifestation anti-OAS, organisée par le PCF et les partis de gauche, est réprimée par la police, fait 8 morts et plus de 100 blessés à la station de métro Charonne. Huit jours plus tard, une vingtaine d'explosions secouent l'agglomération parisienne. Une tentative d'assassinat dirigée contre Joël Le Tac, militant gaulliste, déjà blessé en Algérie et hospitalisé au Val de Grâce, échoue.
Le 22 janvier 1962, une bombe explose au Quai d'Orsay fit 1 mort et 12 blessés. Ndlr
Constantin Melnik a révéle que la bombe fut attribuée à tort à l'OAS.
La petite Delphine Renard victime de l'attentat contre Malraux.
Le 5 février, c'est tout l'état-major de la zone autonome OAS de Paris (colonel de Sèze, commandant Casati...) qui tombe aux mains de la police.
D'autres arrestations vont suivre (Gignac, Godot...). l'organisation montée par Sergent comportant de nombreux cadres militaires, la Sécurité Militaire (SM), dotée de pouvoirs extraordinaires, intervient fréquemment, opérant comme une police qui échapperait aux règles juridiques habituelles dans cette profession.
Le 10 mars, une voiture piégée explose devant l'entrée du Congrès du Mouvement de la Paix (communiste) à Issy-les-Moulineaux, faisant 5 morts et 47 blessés. Quinze bombes éclatent dans le courant du mois.
Le 19 mars, l'annonce du cessez-le-feu en Algérie provoque de profondes répercussions dans l'OAS, dont, depuis Alger, Salan décrète la dissolution. Il transmet ses pouvoirs à Georges Bidault, président d'un Comité National de la Résistance (CNR). L'Algérie perdue, le combat devrait changer de visage et de finalité. A la tête du CNR, avec Bidault on trouve Soustelle et Argoud (qui s'est évadé des îles Canaries, quelques semaines auparavant). Sergent devient chef d'état-major de ce comité. Deux tendances se révèlent aussitôt : Soustelle réclamant l'arrêt total du terrorisme, Argoud restant partisan d'attentats sélectifs, malgré un avenir incertain.
Source :
20e siècle - Histoire des grands conflits.
Missions et actions secretes en Algérie - Guerre d'Algérie vol IV
Collection du Patrimoine, pages 70 à 73.