1962 L'EXODE
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L'ACCUEIL
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Il sera , le plus souvent laissé à l'initiative de bonnes volontés.
En janvier 1962 plus de la moitié des français interrogés ne se sentent pas ou plus solidaires des Français d'Algérie.
Les Français d'Algérie qui débarquent en métropole font l'objet d'une froide indifférence, ou, même d'appréhensions. On ne les connaît pas. On ne sait d'où ils viennent ni si ils sont " vraiment " français. Jugés premiers responsables du conflit qui vient de se terminer et qui a coûté la vie de trop nombreux soldats métropolitains, ils ne semblent pas " mériter " que l'on porte sur eux le regard compatissant que beaucoup espèrent. Conseil des Ministres du 25 juillet 1962, Robert BOULIN affirme : "La plupart des "repliés" à Marseille ne tiennent pas à travailler !"(A.PEYREFITTE o.c. page 195)
L'accueil fut en quelques occasions trop rares compatissant voire chaleureux.
"Tous les Français rapatriés, qu'ils aient besoin ou non d'une aide matérielle, doivent avant tout se sentir entourés d'une atmosphère de sympathie et de compréhension. De tout temps, en France, une épreuve nationale appelait aussitôt, dans un sentiment de solidarité, l'aide de tous les Français en faveur des victimes. Il semble que le retour des Français obligés de quitter le pays où ils résident n'ait pas provoqué le même élan de solidarité. L'opinion publique, peut-être insuffisamment informée, n'a pas subi le choc psychologique et n'a pas éprouvé la nécessité d'agir. (…) La France doit savoir offrir à ses enfants le secours de la Communauté à laquelle ils n'ont jamais cessé d'appartenir; elle doit prendre la défense de leurs droits" Mais il fut le plus souvent, agressif.
"Marseille a 150 000 habitants de trop. Que les Pieds-Noirs aillent se réadapter ailleurs !"
Interview du maire de Marseille dans le journal Le Figaro du 26 juillet 1962 : A propos de la scolarité des enfants Pieds-Noirs : "Il n’est pas question de les inscrire à l’école, car il n’y a déjà pas assez de place pour les petits Marseillais." (Figaro 26 juillet 1962)
Question : « Voyez-vous une solution au problème des rapatriés de Marseille ? ».
Réponse : « Oui ! Qu’ils quittent Marseille en vitesse ».
"Ils fuient. Tant pis ! En tout cas je ne les recevrai pas ici. D'ailleurs nous n'avons pas de place. Rien n'est prêt. Qu'ils aillent se faire pendre où ils voudront ! En aucun cas et à aucun prix, je ne veux des pieds-noirs à Marseille".
"Des cadres de déménagement de rapatriés sont plongés dans la mer pour les détériorer". (Cécile Mercier page 94)
"Au moins le tiers de ces coffres (des cadres !! NDLR) était éventré. Leur contenu gisait, épars, sur le sol... Des hommes rôdaient parmi ces choses. Tous avaient les bras chargés de butin".
Il fut en général, inexistant et méprisant à l'encontre de ces gens
" Ils ont une drôle d'allure, ces passagers en provenance d'Algérie!"
Guy Mollet, l'ancien président du Conseil, demande au gouvernement qu'on intègre les rapatriés au plus vite pour ne pas les voir grossir les rangs des formations fascistes.
Le journal La Croix du 24 février 1962, recommandait, au sujet des jeunes rapatriés qu’il fallait : Louis JOXE au Conseil des Ministres du 18 juillet 1962 : "Les Pieds-Noirs vont inoculer le fascisme en France.... Dans beaucoup de cas, il n'est pas souhaitable qu'ils retournent en Algérie ni qu'ils s'installent en France où ils seraient une mauvaise graine. Il vaudrait mieux qu'ils s'installent en Argentine ou au Brésil ou en Australie."
«Il faut les obliger à se disperser sur l’ensemble du territoire. Leur répartition et leur emploi exige des mesures d'autorité».
Cette population meurtrie et communautarisée sous le coup les événements qu'elle a vécus dans sa globalité, va se trouver éparpillée, dispersée, parfois même chassée.
Nul ne pourra faire l'objet de mesures de police ou de justice, de sanctions disciplinaires ou d'une discrimination quelconque en raison :
...Le 27 mai 1962, le El Mansour, en provenance de Mers-el-Kébir, transportait neuf cents Pieds-Noirs qui accostèrent à Port-Vendres en chantant La Marseillaise et Le Chant des Africains. D'autres paquebots (El Djezaïr, le Kairouan, le Sidi-bel-Abbes, le Cazalet...), des cargos (le Canigou, le Rélizane...) et même des chalutiers (le Deux-Sourds, le Tout va bien, l'Émilia, l'Espérance...) firent traverser la mer à des milliers de familles qui n'emportaient avec elles que quelques valises. Parfois, des bateaux repartaient avec des soldats d'origine maghrébine démobilisés par l'armée française et reconduits dans leur pays devenu souverain pour y connaître un avenir plus qu'incertain...
L'accueil des Français d'Algérie sur la terre métropolitaine ne fut pas à la hauteur de leurs attentes. De détails blessants en paroles insultantes, ils comprennent rapidement à quel point cette France leur est hostile, et, de même coup, que loin d'être entendues et supportées, leur drame, et la souffrance qui en découle, paraissent niés dans leur réalité même, et dans leur légitimité à être exprimés.
Les premiers temps en métropole furent très durs. Difficultés matérielles, malgré l'action du secrétariat d'Etat aux rapatriés. Pénible isolement moral, la majorité de l'opinion, surtout à gauche, ayant à leur propos une opinion très négative. Douleur d'être des vaincus de l'histoire sans même bénéficier, au contraire, de la compassion qui va généralement aux vaincus.
Destination inconnue... "Aucun service ne fonctionne à cette date et, à la vérité, personne ne peut donner les renseignements indispensables sur un hébergement provisoire ou une direction future." Jean-Jacques Jordi, 1962 : l'arrivée des Pieds-Noirs, p. 27
L'Algérie garantit les intérêts de la France et les droits acquis des personnes physiques et morales dans les conditions fixées par les présentes déclarations. En contrepartie, la France accordera à l'Algérie son assistance technique et culturelle et apportera à son développement économique et social une aide financière privilégiée.(1)
Leurs droits de propriété seront respectés. Aucune mesure de dépossession ne sera prise à leur encontre sans l'octroi d'une indemnité équitable préalablement fixée.(1)
Attendre un peu encore
Ils ne sont pas les bienvenus car ils ont entraîné la population métropolitaine dans leur guerre
d'un autre temps. Aux yeux des Français d'Algérie qui attendent pourtant, et malgré les
différends, de leur mère-patrie qu'elle leur ouvre ses bras, qu'elle les accueille comme
citoyens au même titre que les métropolitains, il s'agit là d'une traduction trop réelle de la
volonté de la France de tourner le dos à ceux qui, jadis, auront compté parmi les meilleurs
atouts de son statut de puissance coloniale.
" A l'aéroport d'Orly, la direction interdit aux pieds-noirs d'emprunter
l'escalier mécanique parce qu'elle estime que leurs valises et leurs ballots volumineux sont
une gêne pour les autres voyageurs."
Dans le centre de Marseille, sur un panneau figure cette
inscription : " Les pieds-noirs à la mer. "
Ils recevront les garanties
appropriées à leurs particularismes culturels, linguistiques et
religieux.(1)
Ils utiliseront la langue française au sein des assemblées et dans leurs rapports avec les pouvoirs publics.(1)
Ils conserveront leur statut personnel, qui sera respecté et appliqué par des juridictions algériennes comprenant des magistrats de même statut.(1)
Nota : (1) Extraits des accords d'Evian signés le 18 mars 1962 à midi et applicables le 19 mars
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Crédits musiques : Hicham Chahidi - https://www.musicscreen.be/musique-libre-de-droit-orchestrale1.html
Mis en ligne le 10 sept 2010 - Modifié le 12 juillet 2021