Les Pieds-Noirs
1962 L'EXODE
Les Pieds-Noirs
Entrée  - Introduction  -   Périodes-raisons  -   Qui étaient-ils?  -   Les composantes  - L'attente  -   Les conditions - Le départ  -  L'accueil  -  Et après ? - Les accords d'Evian - L'indemnisation - Girouettes  -  Motif ?  -  En savoir plus  -  Lu dans la presse  -  
QUI ETAIENT-ILS ?

"Qu'est-ce que c'est que tous ces Fernandez, ces Lopez et autres Segura qui se voudraient français ? "
Charles de Gaulle

"Ce ne sont pas des français, ce sont des braillards, des marseillais puissance dix." Charles de Gaulle

"Les français d'Algérie ce ne sont pas des français. Ils ne raisonnent pas comme nous. Ils ne vivent pas avec nous." Charles de Gaulle

"JOUHAUD, ce n'est pas un français... je veux dire ce n'est pas un français comme vous et moi. C'est un pied-noir." Charles de Gaulle

Reflexion faite, ce devait être de sa part un compliment, puisqu'il traitait les "vrais" français de "veaux, de vachards et de dégonflés".

"Un ramassis de descendants déportés de droit commun, de négriers qui veulent conserver leurs privilèges". Général Katz, commandant des forces françaises, surnommé : "Le boucher d'Oran".

Ailleurs ils auraient été appelés pionniers. Ils ne furent que des colons avec tout ce que ce terme peut avoir de péjoratif. Par extension ce qualificatif sera étendu à l'ensemble des paysans voire aux autres membres de cette communauté. Il y aura donc les petits colons et les gros colons. Les deux seront mélangés sans discernement dans l'opinion métropolitaine et coupables de tous les maux.

je ne reviendrai pas sur les origines du terme "pieds Noirs" car mes compatriotes ont, dans leurs sites, examiné toutes les pistes. Sommairement, Les quelques points de repères chronologiques suivants permettront de donner des indications sans doute oubliées ou ignorées. Aprés des années de tergiversations, la France se décida d'implanter ses ressortissants. Les premiers "colons" furent les soldats démobilisés. En 1831, il y a 3000 colons, ils seront 11 000 en 1835.

Le 14 octobre 1839, "l'ancienne Régence", "nos possessions dans le nord de l'Afrique" sera à l'avenir appelé "ALGERIE"
(Lettre du Général Schneider, Ministre, Secrétaire d'Etat à la Guerre ; En date du 14 octobre 1839, au maréchal Valée, gouverneur général, officialisant l'appellation d'Algérie.)

Paris, le 14 octobre 1839

Monsieur le Maréchal,
Jusqu'à ce jour, le territoire que nous occupons dans le nord de l'Afrique , a été désigné dans les communications officielles soit sous le nom de possession française dans le nord de l'Afrique, soit sous celui d'ancienne régence d'Alger, soit enfin sous le nom d'Algérie. Cette dernière dénomination, plus courte, plus simple et en même temps plus précise que toutes les autres m'a semblé devoir dorénavant prévaloir. Elle se trouve d'ailleurs déjà consacrée par une application constante dans les documents distribués aux chambres législatives et dans plusieurs discours du trône.
Je vous invite en conséquences à prescrire les mesures nécessaires pour que les diverses autorités et généralement tous les agents qui, à un titre quelconque, se rattachent aux services civiles ou militaires de notre colonie (illisible) dans leurs correspondances officielles et dans les actes ou certificats quelconques qu'ils peuvent être appelés à délivrer à substituer le mot Algérie aux dénominations précédemment en usage.
Recevez, Monsieur le Maréchal, l'assurance de la très haute considération.
Le Ministre, Secrétaire d'Etat de la Guerre à M. le Maréchal Valée, Gouverneur Général de l'Algérie.

En 1840 il n'y avait que 35 000 français installés. A partir de cette date, quarante centres de colonisation ont été créés qui seront ensuite transformés en villages De 1842 à 1846, 198 000 arrivées et 118 000 départs dus au climat malsain et aux épidémies. Devant l'échec de l'émigration française, les autorités "importèrent" des femmes de France, d'Italie, d'Espagne et des Baléares (prime de 700F !) afin de fonder des familles avec les volontaires établis.
C'est l'époque des "mariages au tambour"et des "soldats laboureurs". l'Algérie devint pour un temps, une "colonie dépotoir" ou on s'empressa d'y envoyer les repris de justice et les opposants politiques.
Poussée par la crise économique en Europe, une vague d'immigration nouvelle apporta des Espagnols (Valence et Alicante) qui seront principalement ouvriers agricoles, des Italiens (Sardes, Napolitains, Calabrais), surtout pécheurs et maçons et des Maltais. En 1847, 10700 Européens dont 62000 non français. Les possessions terriennes seront réservées aux français de souche.
En 1848, envoi d'insurgés et de miséreux pour débarrasser la capitale. On leur fit miroiter un paradis. Il y eut 12 000 réponses positives pour 100 000 demandes. Les conditions réelles s'apparentèrent à un bagne de travail. (réveil au tambour, brimades, privation de nouriture etc..). La meme année il yeut également 20 000 déportés.
En décembre 1948 (le 9 et le 16), les provinces algériennes sont transformées en trois départements français.

Les colons du Hodna

"[...] On imagine toujours le colon triomphant. C'est faux et la réalité est autrement émouvante. Tout au long de la jointure des monts du Hodna et du plateau sétifois habitaient de pauvres villageois [...] On n'avait donné à chaque colon que trop peu d'hectares d'une terre vouée à la culture extensive. Les villages avaient été peuplés par des misérables venant des plus pauvres régions de la France de Napoléon III. Ces premiers arrivants, très frustes, avaient accepté une situation qui ne les changeait certainement pas beaucoup de celle qu'ils avaient quittée [...] En 1958, il n'y demeurait plus que des gens abandonnés, quelques Français très malheureux, terriblement menacés [...] Survivaient aussi des bourgs un peu plus importants [...] où demeuraient encore vingt, trente, cinquante Français [...] J'étais un homme très humble devant le courage et l'amour pour leur terre, je devrais dire pour leurs pierres, de ces Français-là.»
Colonel Georges Buis: Les Fanfares perdues. Entretiens avec Jean Lacouture, le Seuil, 1975

1870 le décret Crémieux naturalise 37 000 juifs indigènes.
Aprés le traité du 10 mai 1871, le Bas Rhin, le Haut Rhin, la Moselle et une partie de la Meuse, passaient sous domination Prussienne. De nombreuses familles refusant le joug étranger, s'exilèrent en Algérie. En 1875 on comptait en Algérie, 1020 familles originaires d'Alsace ou de Lorraine. Arrivée d'orphelins recueillis par le Cardinal Lavigerie et de nombreux viticulteurs du midi ruinés par le phylloxéra.
En 1893, Il y avait 530 000 Européens.
En 1899, 1183 familles d'Alsaciens, Lorrains émigrèrent. 227 regagnèrent la France.
En 1896 il ya 7300 Corses.
En 1913 il y avait 750 000 Européens.
A noter l'installation d'environ 10 000 républicains espagnols aprés la guerre civile de 1936.

Sur 400 000 actifs en 1955, il y avait environ :
96 000 ouvriers soit 24 %
65 000 artisans et commerçants soit 16 %
50 000 employés soit 12 %
93 000 fonctionnaires soit 23 %
60 000 cadres et professions libérales soit 15 %
35 000 exploitants agricoles soit 9 %, que l'on a coutume d'appeler "colons".

19 000 sont propriétaires. 7 000 sont pauvres, 12 000 vivent dans des conditions normales, 383 très riches dont 76 musulmans.
(Germaine Tillion)

On les a traité de " factieux, de fascistes, d'ultras d'extrême-droite ". Les chiffres des élections Législatives de 1951 donnent à réfléchir :
A ALGER on comptait 31 700 voix communistes (un élu) soit 20,7 % des suffrages exprimés.
A CONSTANTINE: 10300 voix communistes, soit 12,6 %.
A ORAN: 35 000 voix communistes (un élu) soit 26,5 %.
Ces résultats sont sensiblement les mêmes qu'en métropole à la même époque.

IIe législature (1951-1956) - les députés de l'Algérie de 1951 à 1956

Alger Constantine Oran
- Ahmed Aït-Ali Mouvement républicain populaire
- Adolphe Aumeran Républicains indépendants
- Abderrahmane Bentounès Centre républicain d'action paysanne et sociale et des démocrates indépendants
- Georges Blachette Républicains indépendants
- Ali Ben Lakhdar Brahimi Socialiste
- Paulin Colonna d'Istria Rassemblement du peuple français jusqu'au 27/11/1951 - Jacques Chevallier Républicains indépendants depuis le 27/01/1952
- Pierre Fayet Communiste
- Marcel Paternot Républicains indépendants
- Marcel Ribère Rassemblement du peuple français
- Menouar Saïah Républicain radical et radical-socialiste
- Amar Smaïl Républicain radical et radical-socialiste
- Allaoua Ben Aly Chérif Mouvement républicain populaire
- Mostefa Benbahmed Socialiste
- Mohamed Bendjelloul Rassemblement du peuple français - ARS
- Mohamed Bengana Républicain radical et radical-socialiste
- Abdelkader Cadi Union démocratique et socialiste de la Résistance jusqu'au 02/01/1955 (décès) - Ali Cadi Union démocratique et socialiste de la Résistance depuis le 13/03/1955 jusqu'au 08/11/1955
- Léon Haumesser Rassemblement du peuple français
- Youssef Kessous Républicains indépendants jusqu'au 01/06/1952 (décès)
- Amar Naroun Républicains indépendants depuis le 13/07/1952
- René Mayer Républicain radical et radical-socialiste - Abdelmadjid Ourabah Républicain radical et radical-socialiste
- Paul Pantaloni Républicains indépendants
- Jules Valle Français indépendants
-Henri Fouques-Duparc Rassemblement du peuple français
- Djilali Hakiki Républicain radical et radical-socialiste
- Ahmed Mekki-Bezzeghoud Républicain radical et radical-socialiste jusqu'au 23/07/1953 (décès) - Chérif Sid Cara Républicain radical et radical-socialiste depuis le 20/09/1953
- Djelloul Ould Kadi Union démocratique et socialiste de la Résistance
- François Quilici Républicains indépendants
- Maurice Rabier Socialiste
- Roger de Saivre Centre républicain d'action paysanne et sociale et des démocrates indépendants
- Alice Sportisse Gomez-Nadal Communiste
Sur 34 députés ; 15 sont classés à droite ! !

Assemblée nationale | 1951 Élection du 17 juin en métropole
Formations politiques Orientation Nombre de votes ('000) Pourcentage de votes Nombre de sièges Pourcentage de sièges
Rassemblement du peuple français (Parti gauliste NDLR) Centre 4122 21,7 106 19,5
Parti communiste français Gauche communiste 4939 26,0 95 17,5
Section française de l'Internationale ouvrière Gauche modérée 2894 15,3 95 17,5
Modérés\Indépendants Centre droit 2563 13,5 87 16,0
Mouvement républicain populaire Centre 2534 13,4 84 15,4
Rassemblement des gauches républicaines Centre 1913 10,1 77 14,2
Votes sans obtention d'un siège - - 0,0 0 0
Total - - 100 544 100

Par le jeu des apparentements, et les voix d'Outre mer, le PCF obtient 26,5 % et 103 députés, le RPF (gaulliste) obtient 21,7 % et 118 députés, la SFIO 14,5 % et 104 députés. Les attaques du Parti Communiste et du RPF (qui n'ont cessé depuis 1947) entraînent la dissolution du Ministère Queuille et la formation du ministère Pleven, sans le soutien des socialistes.

Rappelons que le 6 mai 1953, le général de Gaulle rendit leur liberté aux parlementaires RPF après le résultat des élections municipales où le RPF perd la moitié de ses suffrages et plusieurs des villes conquises en 47 (Lille, Marseille notamment). Il explique cet échec par la trahison de la droite, (passée à Antoine Pinay), coupable de l'avoir abandonné une fois que la menace communiste (en France) avait cessé de l'être. (Les "traîtres" vont fonder le mouvement des Républicains Sociaux).

Sur la gobalité de la population : 3% ont un niveau de vie supérieur au niveau moyen en France. 25 % ont un niveau de vie sensiblement égal. 72 % ont un niveau de vie inférieur de 15 à 20 %
Extrait de l'Ouvrage "Algérie inconnue" de Louis de Saint Quentin Alger, avril 1957

" Des foules entieres étaient venues ici depuis plus d'un siècle, avaient labouré, creusé des sillons, de plus en plus profonds en certains endroits, en certains autres de plus en plus tremblés jusqu'à ce qu'une terre légère les recouvre et la région retournait alors aux végétations sauvages, et ils avaient procréé puis disparu. Et ainsi de leurs fils. Et les fils et les petits fils de ceux-ci s'étaient trouvés sur cette terre comme lui meme s'y était trouvé, sans passé sans morale, sans leçon, sans religion mais heureux de l'être et de l'être dans la lumière, angoissés devant la nuit et la mort. Toutes ces générations, tous ces hommes venus de tant de pays différents, sous ce ciel admirable où montait déjà l'annoce du crépuscule, avaient disparu sans laisser de traces, refermés sur eux memes. Un immense oubli s'était étendu sur eux, et en vérité c'était cela que dispensait cette terre, cela qui descendait du ciel avec la nuit au-dessus des trois hommes qui reprenaient le chemin du village le coeur serré par l'approche de la nuit, pleins de cette anxiété qui saisit tous les hommes d'Afrique lorsque le soir rapide descend sur la mer, sur leurs montagnes tourmentées et sur les hauts plateaux, la meme angoisse sacrée que sur les flancs de la montagne de Delphes où le soir produit le même effet, fait ressurgir des temples et des autels. Mais sur la terre d'Afrique, les temples sont détruits, et il ne reste que ce poids insupportable et doux sur le coeur. "
"Le premier homme" Albert Camus

" Les politiciens, les hommes d'affaires, les hommes d'argent ont préféré sacrifier les Français qui habitaient là et qui avaient toute leur famille, tout leur passé. Cela est profondément injuste. Les Français qui vivaient autour de nous à Aumale, à Blida ou a Bône n'étaient pas des colonialistes, je tiens à le dire. C'étaient des gens " normaux " auxquels on aurait dû tendre la main. "
Jean-Claude Brialy dans "Mon Algérie, Timée éditions, 2006


Une race solide

Rares étaient ceux qui, pour y avoir séjourné, savaient que les départements algériens avaient suivi l'évolution de la vie politique de la France. En 1936, Oran s'était déjà donné un député socialiste S.F.I.O. et avait envoyé de nombreux volontaires aux brigades internationales de la République espagnole, tandis que l'Echo d'Alger, alors dirigé par Jacques Duroux, membre de la gauche démocratique du Sénat, et Oran Républicain appuyaient la politique du Front populaire. Ce sont des réseaux de la France combattante qui, en novembre 1942, avaient préparé le débarquement anglo-américain. Enfin, depuis la fin des hostilités, en 1945, Alger, Oran et d'autres grandes villes s'étaient donné des municipalités de gauche contrôlées par le parti communiste Le parti socialiste était majoritaire dans la plupart des grandes agglomérations et ses députés, comme les communistes furent nombreux à représenter l'Algérie à l'Assemblée nationale.

Il ne faut pas oublier non plus que les pionniers de la conquête, ceux qui s'étaient vu attribuer des parcelles de marais pestilentiels ou de terres à palmiers nains et à jujubiers, avaient été les indésirables de la monarchie de Juillet, les ouvriers des barricades de 1848 et de 1851 (l'ancien député d'Alger, Lagaillarde, est un descendant du député Jean-Baptiste-Victor-Alphonss Baudin mort à Paris sur les barricades le 3 décembre 1851) ; les opposants du second Empire, les déportés de la Commune, les exilés de l'Alsace et de la Lorraine annexées en 1871. Il est bon de rappeler à ce propos que Napoléon III tint longtemps rigueur à la " colonie " de ses sentiments républicains, voire socialistes, lors du plébiscite de décembre 1851 Alors que la France métropolitaine l'avait plébiscité à 92,5 %, les territoires civils d'Algérie ne lui avaient donné que 50,6 % (dans le Constantinois les non l'emportèrent par 55 %). Les abstentionnistes sont nombreux puisqu'ils représentaient 43 %. du corps électoral. Dès le coup d'état et devenu empereur, Napoléon III fit de l'Algérie une succursale de la Guyane et de la Nouvelle Calédonie en y envoyant les opposants, notamment ceux des départements du Gers, du Lot et Garonne, de la Nièvre et de l'Yonne. En l'espace de dix ans, des barricades de 1848 à la loi dite de Sécurité générale signée en 1858, 6 258 condamnés furent dirigés sur les pénitenciers militaires de Lambèse et de Douéra ou sur des centres de défrichement.
Ce sont essentiellement les Alsaciens et les Lorrains voulant rester français malgré tout qui créèrent des centres de colonisation en Kabylie et en Oranie, à Renan et à Kléber notamment, tandis qu'à quelques kilomètres plus à l'est des Rhénans du Palatinat s'établissaient à La Stidia.
Des immigrations étrangères devaient aussi contribuer au succès de cette première colonisation : les Espagnols chassés par la misère des provinces levantines et andalouses vinrent s'établir en Oranie dont la capitale avait été espagnole jusqu'au tremblement de terre de 1790, qui obligea la garnison du presidio à évacuer la ville et le port forteresse de Mers el Kébir. Ils s'implantèrent surtout dans la région de l'oued Mellah (la rivière salée), où ils créèrent le centre viticole de Rio Salado, ainsi qu'à Saint Denis du Sig et à Perrégaux, où ils développèrent la culture des orangers et des oliviers.
Les Mahonnais et les Majorquins vinrent se fixer dans la Mitidja où leur expérience de l'irrigation permit d'intensifier les cultures maraîchères, notamment les tomates, les aubergines et les piments, qui sont à la base d'un mets typiquement Pied Noir : la " frita " ou " tchatchouca ". Les Maltais et les Siciliens, enfin, furent attirés par la province de Constantine où ils se consacrèrent à l'élevage des caprins et des ovins.

A tous ces éléments méditerranéens, dont les migrations furent commandées par des nécessités économiques et des conditions géographiques bien déterminées, vinrent se mêler d'autres colons " accidentels " comme les anciens soldats de la légion étrangère et de l'armée d'Afrique et les réfugiés de la guerre civile espagnole. De cet amalgame fondu dans le même creuset est née une race solide et courageuse, fière et impulsive qui, en quelques décennies, a donné à la France deux maréchaux de France, un prix Nobel de littérature, des savants, des penseurs, des écrivains, des romanciers, des vedettes de la scène et de nombreux champions sportifs. Il aura fallu le déplacement massif de plus d'un million de personnes pour que des statistiques officielles soient établies afin de déterminer les catégories socioprofessionnelles d'une population française que beaucoup ignoraient : 72 % des Pieds Noirs connaissaient la métropole avant les "événements ". Sur 100 personnes, 52 avaient arrêté leurs études à la fin du cycle primaire, 21 avaient reçu un enseignement secondaire ou technique, 19 avaient atteint le baccalauréat, 8 avaient poursuivi des études supérieures.
Sur 360 000 chefs de famille, 24 % étaient des ouvriers, 20 %. des employés, 18 % des commerçants ou artisans, 10 % des retraités, 8 %. des agriculteurs, 8 % des cadres ou des personnes exerçant des professions libérales, 12 %. des fonctionnaires. 700 000 à 800 000 d'entre eux ne possédaient rien, devait déclarer plus tard, lors d'un débat devant l'assemblée nationale, Christian Fouchet, alors ministre de l'intérieur.

Ces employés, ces ouvriers, ces intellectuels, ces fonctionnaires, ces agriculteurs, patrons ou prolétaires, n'ont jamais envisagé, même aux heures les plus terribles du terrorisme urbain, qu'ils pourraient être conduits un jour à quitter leur terre natale. Ils appuyaient leur détermination sur les promesses du plan de Constantine, l'avenir du pétrole et du gaz sahariens, les milliards de francs investis dans la continuation des travaux de la base de Mers El Kébir et les propos tenus par Robert Buron, alors ministre des Transports du général De Gaulle, venu inaugurer l'aéroport d'Oran La Sénia et qui déclara très haut à ce propos : " Si nous avons investi des milliards pour la réalisation de cette oeuvre magnifique, c'est pour vous démontrer que la France est décidée à rester ici et pour longtemps. " En pleine guerre d'Algérie, les immeubles, en particulier les logements sociaux, ne cessèrent de croître dans les villes-champignons.
Prenons l'exemple d'Oran : en 1832, le commissaire du roi des Français, Pujol, avait recensé 3 800 habitants, dont 750 Européens, 250 musulmans et 2 800 israélites. En 1913, avant la première guerre mondiale, Oran comptait 101000 habitants dont 49 500 Français, 10000 israélites naturalisés en vertu de la loi Crémieux, 25 000 étrangers européens et 16 500 indigènes musulmans. Le département comptait 1 100 000 habitants. Quarante ans plus tard, la ville avait plus de trois cent mille âmes et le département près de deux millions. L'indépendance, contrairement aux prévisions optimistes des dirigeants de Paris, allait vider cette cité et l'hémorragie humaine devaient s'étendre au reste du pays.

Au moment du vote de la loi d'accueil du 27 décembre 1961, le secrétariat aux Rapatriés avait évalué à 200 000 au maximum le nombre des Français qui pourraient être amenés à quitter leur foyer, leur situation et leurs biens dans les mois à venir. Mais au début de 1963, 230 000 familles avaient déjà déposé les dossiers qu'elles avaient dû remplir à leur arrivée en métropole. Selon les départements, les jeunes de un à vingt ans représentaient de 34 à 38 % des rapatriés ; les adultes de vingt et un à cinquante cinq ans, de 41 à 48 %, les personnes âgées, de 14,5 à 20,5 %. Ces chiffres concernaient 640 000 rapatriés, dont 47 %. Des hommes et 17 %. Des femmes avaient retrouvé une situation ; 35 %. s'étaient concentrés dans la basse vallée rhodanienne et les Alpes, 16 % dans la région parisienne et 10 entre les Pyrénées et la Gironde.
En 1966, d'autres statistiques furent dressées : elles portaient sur 1 368 065 rapatriés. Leur masse totale représente actuellement, onze ans après l'exode, une population active de 30 % qui s'est reclassée pour 17 %. Dans le secteur primaire, pour 43 %. dans le secteur secondaire des industries de transformation et pour 40 %. dans le secteur tertiaire.

http://www.babelouedstory.com/voix_du_bled/5_juillet_2002/images/massacre_oran_05_07_1962.pdf

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Mis en ligne le 10 sept 2010
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