Général Joseph Katz
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" il n'y a pas d'aide de la France si l'Etat algérien ne répond à certains critères, et parmi ces critères, ce qui touche à la liberté des Français, la liberté des Musulmans fidèles...L'Armée française doit être présente pour garantir ces règles... ". Le président de la République, De Gaulle, au Premier ministre, M.Debré, le 23.03.1961. |
Joseph Katz est un général français, né le 1er janvier 1907 à Paris et mort le 6 mars 2001 à Amélie-les-Bains. À la fin de la guerre d'Algérie, il se voit confier la lutte contre l’OAS d’Oran. Les raisons de son intervention tardive, lors du massacre du 5 juillet 1962, ne sont pas totalement élucidées.
Né de parents inconnus, trouvé le Jour de l'an(2) sous le porche d'une église(3), il est confié à l'Assistance publique qui le place chez un couple du département de l'Allier, " deux paysans misérables avec un bout de terre, deux vaches, et vivant surtout de la pension de l'assistance publique pour l'enfant(3) ". À dix ans, il obtient son certificat d'études. À treize ans, il est placé comme domestique de ferme au château de Veauce. Il entre ensuite à l'école d'horticulture Le Nôtre de Villepreux, où il ne se plaît pas, estimant ne pas disposer des qualités " de calme et de patience(4) " nécessaires au métier d'horticulteur. Il gagne Paris, où il travaille comme apprenti-maçon, puis comme stucateur. Il adhère à la CGT(5).
En 1927, il part effectuer son service militaire au 153e régiment d'infanterie, à Sarrebruck. Bien qu'ayant de grosses difficultés en lecture et en orthographe(6 )(il n'a rien lu depuis ses treize ans), il intègre le peloton des élèves caporaux. Il devient sergent au printemps 1928(7). Il décide de se rengager et prépare le concours d'entrée à l'école des sous-officiers de Saint-Maixent(8). Il y est reçu en 1931. Il y rencontre le philosophe Jean Beaufret, qui effectue son service militaire comme sous-lieutenant et qui l'aide à se présenter au baccalauréat(9), puis à préparer une licence d'allemand(3).
Lieutenant, il est blessé à la bataille d'Abbeville en mai 1940. Il est promu capitaine. En 1942, rendu à la vie civile, il se retire dans l'Allier où il se livre à du renseignement sur les opérations menées par le Régime de Vichy contre les résistants et les maquisards. En 1944, il sert dans les FFI de l'Allier. Il y est chargé de la liaison avec les maquis d'Auvergne et les saboteurs de la SNCF(9).
Après l'armistice, il est affecté en Allemagne. De 1948 à 1950, il suit les cours de l'École de guerre. Colonel, il part à Bou-Saâda, en Algérie, en août 1956. En octobre, il prend le commandement opérationnel du sud Algérois (COSA) puis, au printemps 1957, le commandement du secteur autonome de Laghouat-Ghardaïa. Ses succès militaires lui valent trois citations et la cravate de commandeur de la Légion d'honneur(10). Le 1er avril 1958, il est promu général de brigade(11).
Il se rallie en mai 1958 au mouvement d'Alger. Il tient publiquement des propos très fermes en faveur de l'Algérie française (Le 27.05.1958, le général J. Katz, commandant la zone de Laghouat, traduisant l'état d'esprit des officiers généraux en Algérie, déclare : " L'Armée que je représente n'aurait jamais permis que l'Algérie et le Sahara fussent abandonnés. Derrière ses chefs, elle reste à vos côtés, habitants du M'Zab, et aux côtés des populations d'Algérie et du Sahara, unanimes derrière leurs Comités de salut public pour que l'Algérie et le Sahara demeurent à jamais français. Vive la France ! Vive l'Algérie française !... ".) et du retour au pouvoir du général De Gaulle(10). Mais, pressé par ses officiers et sous-officiers de former un comité de salut public, il s'y refuse, tenant à rester dans la légalité républicaine(12). Cette défection lui vaut d'être rappelé en métropole(13). Il devient commandant du groupement de subdivisions de Rennes puis, en 1959, de celui de Perpignan(9). En avril 1961, après le putsch des Généraux, il condamne publiquement leur action10. S'amorce alors son retour en grâce. Fin 1961, il est nommé général de division.
Oran
Le 19 février 1962, il est placé à la tête du secteur d'Oran, au sein du corps d'armée d'Oran commandé par le général Cantarel en remplacement du général Fritsch qui refusait de pratiquer sur les membres de l'OAS cette besogne de basse police qu'était la torture.
Les premières victimes du " boucher d'Oran " furent deux adolescentes de 14 et 16 ans : Mlles Dominiguetti et Monique Echtiron qui étendaient du linge sur leur balcon. Elles furent tuées par les gendarmes. Les projectiles d'une mitrailleuse lourde de 12/7 traversèrent la façade et fauchèrent dans leur appartement, Mme Amoignan née Dubiton, dont le père était déjà tombé sous les balles d'un terroriste du FLN, ainsi que sa petite fille, Sophie, âgée de deux ans et demi et sa sœur, Frédérique, âgée de treize ans qui, atteinte à la jambe, eut le nerf sciatique arraché et dut être amputée. " Il est beau qu'un soldat désobéisse à des ordres criminels " ; à l'évidence, ces soldats par trop zélés n'avaient pas lu Anatole France…
Cette lutte " impitoyable et par tous les moyens ", selon l'ordre donné par de Gaulle, faisait partie d'un plan mûrement concerté :
Ce " bataillon de l'ALN ", Katz allait néanmoins se le procurer ; avec l'assentiment discret de l'Elysée, en procédant au recrutement de la plus immonde espèce d'assassins qui eut été donné de voir… Le 25 mars 1962, il procède à l'arrestation d'Edmond Jouhaud, commandant l'OAS de l'Oranie(9).
Il échappe à plusieurs attentats de l'OAS, notamment à celui du 14 juin 1962, où un jeune Oranais tue par erreur le commandant du corps d'armée, le général Ginestet, le prenant pour le général Katz(9). Dès le lendemain, le général Katz commande à titre provisoire le corps d'armée d'Oran. Il exerce cette responsabilité le 5 juillet 1962, jour du massacre, jour de la proclamation de l'indépendance de l'Algérie (indépendance reconnue officiellement depuis le 3 juillet).
" Le 19 juin 1962, à Oran, le général KATZ, écrivait à ses officiers commandant les troupes : Massacre d'Oran du 5 juillet 1962
Les troubles commencent à 11 heures 15(16), et se poursuivent jusqu'à ce que l'armée française prenne position dans la ville, à 17 heures(17). Dans l'intervalle, plusieurs centaines d'Européens sont massacrés ou enlevés par des musulmans(18). Les Européens d'Oran dénoncent un non-respect des accords d'Évian (dont l'article V leur accorde la protection de l'armée française). Sous le choc de l'événement, beaucoup ne veulent voir dans la temporisation de près de six heures qu'une cruauté délibérée du général Katz. Les historiens (connaissant le réflexe qu'ont les militaires de toujours " se couvrir ") sont plus circonspects. Ils examinent les ordres que le général Katz a reçus de sa hiérarchie au mois de juin19, sous forme d'une vingtaine de notes ou messages(20) qui ne font que relayer la volonté des politiques d'éviter toute intervention de l'armée(21). Le général Katz se réfugie derrière ces ordres : il ne pouvait faire intervenir l'armée sans une demande du préfet algérien(22).
Les historiens se montrent également prudents au sujet d'un témoignage faisant état d'un ordre téléphonique de non-intervention que le général Katz aurait reçu de Paris, ce jour-là(23). Celui-ci dément(24). Mais, par ailleurs, il exprime son amertume de devoir " porter le chapeau "
" Aujourd'hui encore je suis accusé d'avoir empêché mes unités d'intervenir dans cette malheureuse affaire. Pas plus qu'après le 5 juillet 1962, Paris n'a jamais fait une mise au point pour rétablir la vérité… Je m'attendais à ce que Pierre Messmer, ministre des Armées, apporte un démenti à ces accusations dénuées de tout fondement. Il n'en fut rien… J'ai trouvé la raison du silence du ministre des Armées et du gouvernement dans l'ouvrage d'Alain Peyrefitte : C'était de Gaulle, où il rapporte ce qu'avait déclaré le Général(25) avec une sombre détermination au conseil des ministres du 24 mai 1962 : "La France ne doit avoir aucune responsabilité dans le maintien de l'ordre après l'autodétermination. Elle aura le devoir d'assister les autorités algériennes, mais ce sera de l'assistance technique. Si les gens s'entre-massacrent, ce sera l'affaire des autorités algériennes(26)." Voilà pourquoi aucun démenti ne fut fait en juillet 1962 car il aurait mis en cause le Général et son gouvernement(27). "
Fin de carrière
Le général Katz fait l'objet un mois plus tard, le 4 août, d'une citation à l'ordre de l'armée comportant l'attribution de la croix de la Valeur militaire avec palme pour, entre autres, " avoir su rétablir et préserver avec force et dignité l'autorité légale et l'ordre public(10) ". Il quitte Oran le 13 août 1962.
Muté en Allemagne, à Coblence, il y est poursuivi par des commandos de l'OAS(9). Il est nommé fin 1963 à la tête de la région militaire de Bordeaux, avec rang et appellation de général de corps d'armée. Début 1968, Edmond Michelet et Jacques Chaban-Delmas obtiennent du président De Gaulle que Joseph Katz soit élevé au rang et à l'appellation de général d'armée(9,10) (5 étoiles). Il achève sa carrière militaire en cette même année.
En 1978, ayant gagné une retraite " bien méritée ", il briguera un mandat parlementaire. Quel groupe pouvait lui accorder son investiture ? Le parti gaulliste, l'UDR, évidemment. Dans l'Allier où il se présenta, il subit un cuisant échec. Les Pieds Noirs installés dans le Bourbonnais se rappelèrent à son souvenir et eurent la gentillesse de lui offrir, à Gannat, un drapeau tricolore sur lequel était inscrit en lettres de sang :
" A Katz, bourreau d'Oran ". Plainte de familles de victimes
Le 16 octobre 1999, une plainte à l'encontre de Joseph Katz est déposée entre les mains du doyen des juges, au Palais de justice de Paris, au nom de 47 familles de victimes du massacre d'Oran, pour " complicité de crime contre l'humanité ". La plainte est déclarée recevable, requalifiée en " complicité de crimes d'enlèvements suivis d'actes de barbarie et d'assassinats ", puis suivie d'un non-lieu d'informer pour prescription(10). Un appel de cette décision n'aura pas de suite, en raison du décès du général Katz survenu le mardi 6 mars 2001 à Amélie-les-Bains (66). Rejeté par ses pairs, il finira ses jours, seul, et sa famille choisira de l'inhumer au cimetière de Rosas, en Espagne. 1. Charles-Robert Ageron, " Préface ", in Joseph Katz, L'Honneur d'un général : Oran 1962. |
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Mis en ligne le 09 juillet 2011