Qui peut rester un instant insensible à cette petite victime de la folie des hommes. Qui peut sans sourciller, fermer les yeux et porter cette petite innocente au bilan des pertes et profits ? Insoutenable, la souffrance qui touche un enfant, l'est plus que toute autre. La France fut indignée à juste titre. Que peut justifier ce châtiment aveugle inconcevable ? Se trouver là au mauvais endroit, au mauvais moment et endurer sa vie entière les séquelles physiques et psychologiques. Etre marqué pour tout le restant de son existence dons son âme et dans sa chair.
Cette enfant fut victime d'un terrorisme qui fut condamné unanimement par l'opinion publique, la presse, les politiques, les intellectuels et par tout ce que la France portait de penseurs et de philosophes.
Pourtant, d'autres bambins aussi ignorants des luttes des adultes et aussi étrangers à la fureur et à la haine que la petite Delphine, frappés par l'inconscience criminelle des hommes ou la froide détermination d'assassins en puissance, n'eurent pas la consolation d'émouvoir une société désinformée par des idéologues partisans pratiquant l'appitoiement et la condamnation à sens unique.
Cette petite communiante fut estropiée par un tir des gendarmes mobiles. Ceux-ci avaient pris l'habitude d'arroser les façades à coups de mitrailleuses lourdes. Etendre son linge sur le balcon tournait au jeu de la roulette russe.
La même balle blessa gravement deux fillettes et une jeune femme de la même famille à l'intérieur de leur appartement d'Oran en 1962. Frédérique, marquée par le destin avait perdu son père, assassiné par les indépendantistes en 1956.
Folie des hommes, hasard malheureux. Victime collatérale diront certains.
Quoi qu'il en soit les rares journaux métropolitains qui relatèrent l'évènement titrèrent :
" La malheureuse petite communiante victime des exactions de l'OAS ! "
Peu de métropolitains et de bonnes consciences s'indignèrent également de ces gamins balayés par un terrorisme aveugle également, mais qui reçoit des étonnantes démonstrations de sympathie de politiques et de personnages " officiels " à l'émotion hémiplégique.
Le premier Robert G fut touché par une bombe déposée dans un trolleybus d'Alger rempli d'enfants, le 12 novembre 1956.
Les deux autres Nicole G. et Daniele C. furent fauchés lors de l'attentat du " Milk Bar " à Alger le dimanche 30 mars 1956.
La poseuse de bombe du " Milk Bar " qui ne regrette rien, prétend qu'elle n'a posé qu'une " petite bombinette ». Ce qui conduit à se demander si elle minimise les dégats causés ou si elle regrette de ne pas avoir pu en déposer une " grosse " pour augmenter le dommages.
Elle participe à des colloques et conférences sans jamais un mot de compassion pour les victimes.
Le 1er juillet elle fut reçue chaleureusement par le Maire de Marseille. Le 02 juillet 2011 elle fut l'invitée du groupe d’amitié France-Algérie au Sénat Français.
Lors de son séjour, MM. Michel VAUZELLE, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Jean-Noël GUÉRINI, président du Conseil Général des Bouches-du-Rhône l'ont également reçue avec la délégation qui l'accompagnait.
Aux protestations des associations de rapatriés et notamment du Cercle Algérianiste, Monsieur le Maire de Marseille répond :
" Vous le savez, plusieurs Adjoints de la majorité municipale entretiennent avec votre Communauté des relations de travail suivies et je regrette que vous n'ayez pas utilisé ces bonnes relations pour m'informer de ce qu'aujourd'hui vous me reprochez.
Par ailleurs, même si je comprends votre ressentiment, nous sommes en 2011, les faits que vous évoquez remontent à 1956.
Vous pouvez admettre donc que 50 ans après, les faits ne soient plus présents avec la même acuité dans notre mémoire. "
Il fallait donc l'informer des " états de service " de son invitée que visiblement il ne connaissait pas. Avouons que pour un ancien professeur d'histoire cela fait un peu désordre.
De plus il évoque à mots couverts la prescription des faits et sous entend que le temps à passé et que les reproches qui lui sont faits participent d'un combat " d'arrière garde " en décalage avec l'époque actuelle.
Soit Monsieur le Maire ! Le temps éfface beaucoup de choses. Mais quid de la souffrance des mutilés et de leurs familles encore en vie ?
Alors appliquons l'amnistie et l'oubli pour tous ou alors rendons les honneurs à tout le monde !
France 3 a diffusé un film documentaire de l'algérienne Faouzia Fekiri, intitulé : « Les porteuses de feu », à la gloire des femmes algériennes qui déposèrent des bombes tout au long de la guerre dans les lieux majoritairement fréquentés par les Européens. Tuant des civils et mutilant à vie des enfants. C'est une véritable apologie du terrorisme entrecoupé de contre-vérités flagrantes sans aucun respect pour les centaines de vies détruites.
C'est une grenade lancée à Tlemcen qui otera la vie à cet enfant et à son compagnon de jeu.
Les attentats aveugles touchèrent chrétiens, juifs et musulmans sans distinction. Ce ne sont que quelques exemples parmi des centaines qui n'auront en métropole peu ou pas d'écho.
Aujourd'hui encore ils sont minimisés, éludés voire justifiés.
Pour certains il existe des degrès dans l'horreur, étalonés par les accointances politiques, les idéologies ou la sensibilité à géométrie variable.
Il me semblait que les enfants étaient égaux devant l'injustice et que leurs bourreaux ne pourraient être départagés. Visiblement ici encore les différences persistent.
« N’accablons pas certains en acquittant les autres et prenons garde que, à force d’être solidaires des victimes, nous ne soyons également solidaires des bourreaux… »
(Albert CAMUS )