La révolte des généraux
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LE PUTSCH D'ALGER DU 21 AU 26 AVRIL 1961
" ...Or, l'armée est l'instrument de l'Etat. Quand elle se sent maniée par un Etat hésitant, tâtonnant, ses difficultés
morales sont beaucoup plus grandes...". Charles De Gaulle, allocution à l'Ecole militaire de St. Cyr Coëtquidan, le 02.08.1956. |
: " Nous ne pouvons pas, on ne peut pas demander à l'armée française des sacrifices, et, en même temps, mener une politique
qui annihile ces sacrifices. Quand ii y a divergence entre les efforts demandés à l'armée et d'autre part la politique, par contradiction ou incertitude, le pays perd son armée ou l'armée se révolte contre un pouvoir qui ne sait ce qu'il veut... ".
M. Debré, Premier Ministre, à l'Assemblée Nationale, le 09.06.1959 |
Après la semaine des "Barricades" en janvier 1960, l'état d'esprit de la hiérarchie militaire en Algérie passe de la perplexité au désappointement.
A l'automne 1960, Paul DELOUVRIER Délégué Général du Gouvernement en Algérie, est remplacé par jean MORIN, gaulliste. A la fin de l'année a lieu le référendum sur la politique algérienne. Les résultats de la consultation du 8 janvier 1961, montrent qu'en Algérie, l'armée influence encore une partie des musulmans, les européens repoussant en bloc la proposition de Charles de Gaulle. De GAULLE estime :
Pourtant, un certain nombre de chefs militaires n'ont pas renoncé à renverser le cours de l'histoire. Mutés en métropole mis plus ou moins au placard, ils conservent leur liberté d'action. SALAN est à Madrid, JOUHAUD s'est retiré chez lui en Oranie, FAURE et ZELLER sont à la retraite en France, CHALLE a pris une retraite anticipée. Ce sont surtout les colonels ARGOUD et LACHEROY qui décident CHALLE à faire quelque chose, SALAN et ZELLER sont déjà dans "le coup". Mais le scénario est plutôt mal ficelé :
La date retenue du soulèvement est fixée au 20 avril. Les chefs rebelles regagnent Alger en profitant des sympathies conservées dans l'armée de l'air. Ils se retrouvent à Alger le 20 au matin (sauf SALAN retardé) (1) et installent leur P.C à la villa des Tagarins. Le Délégué Général Jean MORIN et le général GAMBIEZ (2) ne sont pas inquiets, cela fait moult fois qu'on leur annonce qu'un complot se prépare.......
La Délégation Générale, le P.C de l'Etat-Major Interarmes au Quartier Rignot, le Corps d'Armées d'Alger à la caserne Pélissier, le Palais d'été, l'aéroport de Maison-Blanche, l'immeuble de Radio-Alger, l'AFP, les Télécommunications sont coupées avec la métropole, enfin la station de TV à Ouled-Fayet (c'est là qu'aura lieu la seule fusillade, le soldat Pierre Brillant (maréchal des logis chef, ndlr), de garde, résiste et est abattu par les parachutistes).Ce sera le seul mort de l'insurrection ndlr.
C'est contre ce qu'ils nomment "Un gouvernement d'abandon" que se lèvent les putschistes. Par radio, France V rebaptisé Radio-France, diffuse un message du nouvel Etat-Major :
Les algérois sont invités par radio à venir au Forum le lendemain 23 avril, afin de rencontrer les nouvelles
autorités (SALAN arrive d'Espagne ce même jour). Tôt dans la ville, les drapeaux sortent aux fenêtres, les voitures pavoisent dans un concert d'avertisseurs, même scénario à Oran à partir de 7h du matin, où tous les édifices publics sont investis
Au soir du 22 avril, CHALLE peut s'estimer assez satisfait.
En revanche, il y a des grosses difficultés, à savoir :
La majeure partie des officiers d'état-major, ne sont pas chauds pour se rallier. Et les algérois sont au Forum le 23 avril. Dans quelques instants, CHALLE va s'adresser à la foule, les autres Généraux à la suite, dont le Général Edmond JOUHAUD, enfant de l'Oranie.
De son côté, le Pouvoir à Paris réagit dés le 22 avril. Pierre MESSMER, le Ministre des armées, ordonne de s'opposer à la révolte par tous les moyens. Louis JOXE, dépêché sur place à ORAN, s'assure du loyalisme de nombreux cadres. A PARIS, Roger FREY ministre de l'intérieur, brise dans l'œuf l'antenne parisienne de la conjuration, par une série d'arrestations.
Lors d'un conseil extraordinaire qui se tient dans l'après-midi du 22 avril, de GAULLE a cette phrase "ce qui est grave dans cette affaire, c'est qu'elle n'est pas sérieuse !". Il n'apprécie pas la mascarade organisée par André MALRAUX et Michel DEBRE,(4) qui rameutent la population de PARIS.
En Algérie, la masse des appelés du contingent est majoritairement hostile au putsch, qui, s'il réussit risque de prolonger la guerre. Sur Radio Monte -Carlo, que l'on capte en Algérie, de GAULLE annonce qu'il va parler le 23 à 20h. Dans tous les cantonnements, les postes transistor sont allumés.......
"Un quarteron de Généraux en retraite.......au savoir-faire expéditif et limité...... j'ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés pour barrer la route à ces hommes là, en attendant de les réduire.....". Le Lundi 24 avril, CHALLE renonce, il ne veut pas faire couler le sang.
Alors que la métropole s'attend à un lancer de paras, annoncé par DEBRE, l'Algérie se retrouve coupée du monde. La journée du Lundi 24 avril se passe en ultimes atermoiements. Alors que CHALLE jette l'éponge, JOUHAUD, SALAN, SUSINI et d'autres, veulent continuer et lancent un appel aux européens. CHALLE et DENOIX DE SAINT MARC se rendent, ZELLER quelques jours plus tard, les autres choisissent la clandestinité avec l'aide de l'OAS qui vient de naître. Le 1er REP va quitter ZERALDA pour toujours en chantant la chanson d'Edith Piaf : Epilogue.........l'épuration commence !
Principales unités dissoutes :
" L'histoire dira peut-être que leur crime fut moins grave que le nôtre. " Un exemple "COMMANDOS PARACHUTISTES DE L'AIR"
Le GCPA 00/541 basé à La REGHAÏA a participé au putsch, sous l'impulsion de son chef, le Lt-Colonel EMERY (qui a succédé au Colonel COULET en Janvier 1960). Mais au 21 avril, il ne dispose que de 2 compagnies dans l'Algérois, les commandos 20 et 40, en effet le Commando 10 est en opération dans le sud de BERROUAGHIA, le 30 dans la région de BOUGIE et le 50 dans la zone de Colomb-Béchar. Le 3 mai 1961, le Colonel FAVRE, de l'état-major de l'armée de l'air, signe à PARIS l'instruction n°1727/EMAA "portant création de 2 compagnies CPA". Le GCPA 00/541 ayant été dissous, ces 2 unités sont mises à la disposition de la 5éme région aérienne (Algérie).
Courant mai, le CPA 30 est toujours dans la région de BOUGIE et le 50 à COLOMB-BECHAR, mais tout le monde est au courant de ce qui s'est passé à ALGER et PARIS.
Le 6 mai 1961, 68 hommes du CPA 30 refusent de partir en opération. 4 d'entre eux sont incarcérés à EL-KSEUR dans des locaux disciplinaires. Suite au refus d'une partie du CPA 30 de prendre part aux opérations, cette compagnie est dissoute définitivement le 15 mai. Instruction n°1882/EMAA.
Le CPA 50 remonte du Sud Oranais par camion vers le 20 mai ? Rejoint la base arrière sise à La Sénia, mais le commandant de la base refuse de les laisser rentrer, on les considère comme des pestiférés....Ce sont des habitants d'ARZEW qui vont les héberger, sur un terrain prêté par M. MALDONADO et les commerçants de la ville leur feront largement crédit, en attendant qu'ils perçoivent leur solde. Le CPA 50 continuera d'aller en opérations jusqu'en mars 62.
D'après une synthèse de GUY AMAND, photos du service cinematographique des armées et
historia magazine 1973 |
Notes de la rédaction :
Il est évident que survoler ces quatre jours en une simple page, consiste à des raccourcis et à ignorer des faits qui bien que secondaires, ont contribué à l'évolution de cette épisode complexe. Cependant pour essayer de compléter ce résumé il est utile de préciser quelques points : (2) Le général (3) Le Colonel BROTHIER (chef de corps du 1er REP) refuse de se rallier : Apparemment favorable à rallier les généraux, le colonel se fera " porter pâle " au dernier moment. Il ne réapparaitra que le mardi 25 avril, à Sidi Bel Abbès, maison mère de la Légion étrangère. Il avouera avoir été assailli au dernier moment par des troubles de conscience et s’être retiré pour prier. (4) Le dimanche 23 avril, Michel Debré, premier ministre ferme les aéroports et avertit la population qu’elle risque de subir une attaque aérienne. Il lance à 23 h 45, à la télévision française relayée par la radio, un appel pathétique : " " De nombreux renseignements, précis et concordants, nous informent d'une très prochaine action militaire en métropole. Des avions sont prêts à lancer ou à déposer des parachutistes sur divers aérodromes afin de préparer une prise du pouvoir... Les vols et les atterrissages sont interdits sur tous les aérodromes de la région parisienne à partir de minuit. Dès que les sirènes retentiront, allez-y, à pied (à cheval rajoutèrent les chansonniers ndlr), ou en voiture, convaincre des soldats trompés de leur lourde erreur. Il faut que le bon sens vienne de l’âme populaire... " |
Putsch d'Alger, une manip du Général ?
Le 23 avril 1961, à 20 heures, le général de Gaulle s'exprime à la télévision : "Un pouvoir insurrectionnel s'est établi en Algérie sous la forme d'un pronunciamiento militaire..." On garde tous en mémoire la suite, fameuse, sur le "quarteron de généraux en retraite", formule gaullienne ponctuée par un appel final et dramatique : "Françaises, Français, aidez-moi !" L'historien Pierre Abramovici, dans "Le putsch des généraux. De Gaulle contre l'armée", avance une thèse audacieuse : prévu de longue date par le gouvernement, le putsch des généraux aurait été utilisé par celui-ci, puis retourné en sa faveur lors d'un "second putsch", cette fois médiatique. Une "manipulation" qu'Abramovici qualifie de "péché originel de la Ve République".
Le Point : Plus que d'un putsch des généraux, il s'agirait donc d'un putsch du Général ?
Pourquoi cette manipulation ?
On aurait donc incité les généraux à aller jusqu'au putsch pour créer en France une situation qui permette à de Gaulle de recourir à l'article 16 (1) ?
Le putsch, pour vous, est donc un remake où de Gaulle rejoue la carte de l'homme providentiel ? (1) Ndlr Article 16 : |
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Mis en ligne le 15 avril 2012 - Modifié le 12 décembre 2013