Que se passait-il en métropole ? (et ailleurs...)
Comment expliquer ces atermoiements et cette inconstance qui marquèrent singulièrement la conquête de l'Algérie ? Comment expliquer cette absence de politique cohérente marquée par une suite d'hésitations, d'erreurs, de contradictions, d'immobilisme et de laisser aller ? Il est bien commode d'accuser les colons d'avoir freiné, dès le début, le développement des populations indigènes. Cependant, même s'il y eut des représentants parlementaires réactionnaires ou des « colons » avides de privilèges, leur nombre ne fut jamais en mesure de dicter sa loi au gouvernement français (seulement 225 000 « colons » français ou européens en 1865 dont, pour la majorité, survivre était déjà la seule préoccupation journalière). Il est prouvé, les exemples sont nombreux dans l'histoire de France, que lorsqu'il est mené une politique ferme et volontaire (même inique), les réformes s'accomplissent tout de même. « Il n’y a pas de bon vent pour celui qui ne sait pas où il va » disait Sénèque.
Il s'agit de courage certes, mais aussi de vision franche et de conviction sans faille. Les errements de la politique algérienne de la France furent surtout le fait de ce manque d'ambition qui caractérisa des souverains et des chefs de gouvernements successifs, plus préoccupés de leur avenir personnel que d'œuvrer à une planification à long terme d'un territoire dont la France s'est souvent soucié comme d'une guigne puis considéré comme un « boulet ».
Le contexte historique, aussi, à son importance. Dans les quarante premières années de la conquête, se succédèrent pêle-mêle, trois révolutions, un coup d'état, des expéditions militaires (Mexique, Italie, Crimée..), une alternance de régimes ; républicain, royaliste, républicain, impérial, républicain et une guerre sanglante contre l'Allemagne, avec en prime une lourde défaite et la perte de deux départements français. Si l'on rajoute à tous cela, la révolution industrielle, qui modifia les comportements ouvriers, le poids de la religion, l'anticléricalisme, les idéologies nouvelles (marxisme, anarchisme...) l'apparition du libéralisme et l'intensification du capitalisme, le XIXe siècle, n'était sans doute pas la meilleure époque pour stabiliser une nation et pour organiser correctement et durablement de nouveaux territoires.
Il s'agit aussi de la mentalité et des moeurs de l'époque, qui ne peuvent être jugés à l'aune de notre vision actuelle. Se rappelle t-on seulement que les généraux qui s'illustrèrent, parfois avec une grande brutalité pour mater les révoltes arabes, pouvaient également mitrailler sans état d'âme, la « racaille qui encombrait » le pavé parisien. La Moricière, St Arnaud, Canrobert entre autres se révélaient aussi « efficaces » dans les plaines algériennes que dans les quartiers de Paris.
N'oublions pas non plus, que Napoléon III , qui autrefois fut raillé ou détesté, est remis aujourd'hui, parfois exagérément, sur un piédestal lui conférant toutes les vertus.
Humaniste et « socialiste » donc, Louis Napoléon ; « L'Empereur des français et des arabes » participa à l'exploitation coloniale, en accordant à des sociétés capitalistes des terres destinées uniquement à la spéculation. L'admirable transformation de Paris avec les destructions de quartiers insalubres et le percement des grand boulevards était entrepris officiellement pour « aérer, unifier et embellir la ville ». Il avait également pour motif caché, de permettre à l'armée de nettoyer avec plus de facilité des éventuelles insurrections populaires.
« L'empereur de la paix », engagea l'armée française, en Italie, au Mexique ; intensifia la conquête de la Kabylie ; entra en guerre contre l'Autriche, la Russie, la Chine ; multiplia par trois la surface des terres coloniales (Nouvelle Calédonie, Indochine, Cochinchine, Sénégal...) ; Favorisa l'unité de l'Allemagne pour finalement terminer dans les geôles prussiennes et perdre deux départements français.
Cependant son bilan ne peut être considéré sans le recul nécessaire qui permet d'éviter tout manichéisme. Des réalisations admirables côtoient des entreprises déplorables C'est le lot de la majorité des intiatives humaines. Encenser ou ridiculiser Louis Napoléon, n'a pas de sens à moins d'être de partis pris.
Une époque de l'histoire ne peut se comparer à une autre sans prendre en compte le contexte politique, social, et l'état d'esprit des hommes qui en furent les acteurs.
XIXe siècle
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