On continuait d'écrire en France des merveilles de l'Algérie ; mais chacun cependant, même parmi ceux qui tenaient la plume, j'en excepte à peine quelques misérables fournisseurs de journaux trop stupides pour rien comprendre et rien voir, chacun s'avouait que les choses ne pouvaient marcher ainsi, que c'était une tromperie infâme, que ces mensonges ne remédieraient point au péril, et qu'enfin, tout en chantant victoire, il faudrait bientôt, si l'on ne changeait de voie, lever le pied et s'en aller honteusement. Là-dessus on était d'accord. Pour éviter un tel malheur, une telle honte, que faire ?
Les systèmes les plus divers, les plus contradictoires, les plus absurdes, sur la guerre, sur l'administration, sur la colonisation, étaient proposés, proposés sérieusement, et, chose lamentable, appuyés par des hommes compétents, par des savants, par des fonctionnaires anciens dans l'Algérie, par des officiers qui avaient fait la guerre longtemps et avec succès. Les uns voulaient borner l'occupation, les autres l'étendre ; les uns ne tenir nul compte des indigènes, les autres s'occuper d'eux exclusivement. Chacun démontrait parfaitement que les autres demandaient l'inutile et l'impossible, et les autres, à leur tour, n'avaient pas de peine à lui prouver que son plan péchait par les mêmes torts.
Ajoutez-y le bruit des journaux, qui ne parlaient que de la trahison du gouverneur ; les directions de deux ou trois commis qui, de leurs bureaux au ministère de la guerre à Paris, prétendaient tout régler et tout faire, et qui envoyaient pour raison sans réplique la signature du ministre ; Certes, pour arriver si vite où nous en sommes maintenant, il a fallu déployer de rares talents, et les déployer avec une rare énergie ; mais il a fallu plus visiblement encore que Dieu l'ait voulu. Nous ne voyons pas toute la grandeur de l'œuvre, il est déjà temps de louer Dieu.
1. Je transcris une note jetée à la hâte sur le papier, après avoir lu et écouté beaucoup de discussions sur les moyens de pacifier l'Algérie. Chaque moyen est indiqué par un homme en position de faire valoir son avis, et présenté comme infaillible. Je ne nomme que les auteurs qui ont fait connaître leur panacée par la voie de l'impression ; mais j'affirme que je n'invente rien.
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Mis en ligne le 23 mai 2011