Les Pieds-Noirs
1962 L'EXODE
Les Pieds-Noirs
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LES COMPOSANTES D'UNE COMMUNAUTE
Etude de Xavier Yacono

Ils sont venus,ils sont tous là : ceux de Malte et d'Espagne, ceux de France et de Navarre, les juifs et les autres; les riches et les pauvres, les fervents et les désespérés. Toute une cohorte de disponibles à l'aventure qui leur faisait du pied. Et le puzzle était en place, d'où aurait pu surgir une véritable nation.

Si l'on excepte une faible minorité d'environ 5 %, la communauté européenne d'Algérie était française(1).
Elle l'était juridiquement. Elle l'était volontairement. Elle l'était sentimentalement, même si bon nombre de ces pieds-noirs n'avaient jamais franchi la Méditerranée sauf, pour certains d'entre eux, à l'occasion des deux guerres mondiales.

En 1962 personne ne contestera le fait, mais il n'en avait pas toujours été ainsi car durant les décennies au cours desquelles cette communauté se constituait, de graves inquiétudes s'étaient manifestées : beaucoup ne voyaient que les scories apparaissant à la surface du magma bouillonnant dans le creuset algérien et doutaient que d'éléments aussi hétérogènes pût sortir un jour un groupe humain qui, tout en conservant ses caractères propres, fût marqué profondément à l'effigie de la France.
C'est cependant ce qui se produisit même si a priori on pouvait en douter à l'examen des éléments constitutifs de ce " peuple algérien " que Victor Demontès présentait en 1906 et pour lequel la France, l'Europe et l'ancienne Régence devenue l'Algérie avaient apporté leur part dans sa formation.

LA FRANCE

Les quelques Français qui vivaient dans la Régence avaient disparu après le conflit déclenché par le fameux " coup d'éventail " du 29 avril 1827.
Sauf exception, ils ne devaient pas revenir. C'est donc une population toute nouvelle qui allait s'établir et, avant de préciser les régions d'où elle venait, on peut s'interroger sur les origines et les conditions de son émigration.

L'Afrique, mais la ville

Les débuts du peuplement français en Algérie évoquent surtout deux images. La première, celle des grands colons aventureux venus en gants glacés et en habits noirs, les de Vialar, de Tonnac, de Saint-Guilhem, de Lapeyre et bien d'autres d'origine bourgeoise qui n'hésitèrent pas à s'installer au milieu des Arabes avec lesquels ils établissent souvent de bons rapports et se lancent dans des entreprises agricoles presque toujours ruineuses. La deuxième image c'est la naissance de Boufarik autour de la petite colonie du " bazar" et le véritable calvaire des premiers habitants aux prises avec la fièvre et l'insécurité.

Dans un cas, c'est le début de la colonisation libre. Dans l'autre, l'implantation de la colonisation officielle dans la Mitidja. Dans les deux, on pense à l'établissement de colons, au sens propre du terme, c'est-à-dire seulement au monde rural, sans doute parce que la France d'alors était essentiellement paysanne et plus encore parce qu'on était persuadé qu'en dernier ressort le pays appartiendrait à ceux qui peupleraient les campagnes et les mettraient en valeur.

Or c'est un fait, jamais souligné mais incontestable, la colonisation française dès le début fut surtout urbaine et elle le fut de plus en plus avec le temps, imitée d'ailleurs par toutes les autres éléments européens.
Ce sont des Français qui les premiers élèvent de toutes parts à Alger maisons de commerce et magasins. Le commandant Pellissier de Reynaud, qui a laissé de remarquables Annales algériennes, note qu' " on trouvait à Alger, dès le mois de janvier 1831, à satisfaire à peu près tous les besoins de la vie européenne ".
Et, à un moindre degré, il en sera de même dans les ports recevant les immigrants, puis dans les villes de l'intérieur. En 1835, il y a déjà à Alger 3 205 Français (pour 1835 Espagnols, l'élément étranger le plus important). Avec la disparition de l'immigration d'aventure, cette attraction de la cité s'exerce sur toutes les catégories du corps social : ouvriers des diverses corporations amenés par les travaux d'urbanisation, boutiquiers sans affaires cédant au mirage de profits faciles en Afrique, fonctionnaires de tous grades recrutés d'abord exclusivement en métropole et retenus par quelques avantages financiers s'ajoutant à l'emprise du pays, soldats du contingent qui n'ont pas résisté au charme d'une Algéroise ou d'une Oranaise...

A la fin du siècle on estimera que la seule colonisation administrative, à peu près uniquement citadine, laisse chaque année en Algérie un millier d'individus. De plus en plus afflueront bientôt vers les villes les petits colons ruinés ou les fils de ceux que la terre ne peut retenir en attendant les terriens enrichis qui pratiquent l'absentéisme (2).

Déjà au 31 décembre 1853 on peut noter que, sur une population civile européenne de 133 192 individus dont 74 558 Français, la population agricole, c'est-à-dire " l'élément véritablement colonial ", n'est que de 32 000 personnes dont sans doute un peu plus de la moitié françaises. C'était peu et si elle voulait créer une classe paysanne nombreuse (on parlera plus tard de démocratie rurale), la colonisation officielle devait se montrer plus attirante.

L'appel séduisant

L'expression est de Bugeaud. Celui-ci, en 1840, disait à la Chambre : " Il faut des colons [...].
Pour les avoir, il faut leur faire un appel séduisant car, sans cela, vous n'en aurez pas.
" Et l'administration s'y employa, basant son action sur l'octroi de concessions et, à un moindre degré, sur la publicité.

Au début on accorde, de manière assez anarchique, des concessions pour la constitution de fermes et cette libéralité à l'égard d'hommes bien en cour se poursuivit avec parfois des choix heureux comme ceux de Borély La Sapie, à Souk-Ali, près de Boufarik (1844), ou de Dupré de Saint-Maur, à Arbal, dans la région d'Oran (1846). Mais ce sont les concessions destinées à former des villages qui devaient être l'instrument de choix pour l'implantation française.

Boufarik, baptisé d'abord Médina-Clauzel, date officiellement de 1836. Des villages naîtront parfois plus ou moins spontanément autour d'une " mercantiville " établie près d'un camp militaire, l'initiative privée précédant et forçant alors l'intervention administrative.
Mais le premier plan de colonisation officielle, dû au comte Guyot, est de 1842 avec pour base la concession gratuite selon l'arrêté signé par Bugeaud le 18 avril 1841. Si l'on excepte quelques tentatives de création de villages par des entrepreneurs, c'est l'État qui demeure le maître d'œuvre, choisissant les régions, fixant les périmètres à lotir, recrutant les colons, leur imposant les conditions à remplir pour devenir propriétaires. Celles-ci ont varié et la concession gratuite laisse même la place, en 1864, à la vente. On y revient cependant de 1871 à 1904 pour donner ensuite une place prépondérante à la vente sans supprimer complètement la concession gratuite.

Mais encore fallait-il que les futurs colons aient connaissance des créations décidées et des avantages accordés. D'où l'intérêt des renseignements reçus par les postulants ou diffusés par voie d'affichage à l'initiative des préfets. Et ces imprimés évoquaient la proximité d'une rivière (!), la fertilité des terres, la future station de chemin de fer, le prochain barrage, maniant avec un art consommé le présent, le futur et le conditionnel, alors que rien n'existait encore, que l'eau manquait et que la région pouvait être totalement dénudée sous un soleil torride...
Dans certains cas, pour attirer les émigrants à l'octroi de la concession complaisamment décrite, on ajouta des avantages particuliers très importants, toujours sur le papier, mais parfois aussi dans la réalité.

Il en fut ainsi tout d'abord pour les colonies agricoles de 1848. Dans le dessein essentiel d'éloigner les ouvriers en chômage dans la capitale après la fermeture des Ateliers nationaux, on créa d'un coup 42 villages en promettant aux futurs colons, outre la concession, une maison d'habitation en maçonnerie, des instruments agricoles, des semences, des têtes de bétail et des subventions alimentaires pendant trois ans. Alors partirent, par fleuves et canaux, avec la bénédiction des prêtres et les attentions prodiguées par la franc-maçonnerie, 16 convois (plus un 17e de Lyon) qui déversèrent sur le sol algérien quelque 13 000 individus qu'attendaient tentes ou baraques en bois sans aucun confort, la promiscuité, des sols hérissés de palmiers nains, de lentisques ou de jujubiers, une administration militaire sourcilleuse et, pour comble, la sécheresse, les sauterelles et surtout, en 1849, le choléra qui ravagea les villages. Résultat : compte tenu des décès et des départs, il fallut établir 20 502 habitants pour qu'il en restât 10 397.

Moins tragique mais comparable à bien des égards fut l'expérience des Alsaciens-Lorrains. Sur les 125 000 quittant les provinces annexées, on comptait en attirer un bon nombre vers l'Algérie en mettant à la disposition de chaque famille, avec la concession, une maison de 2000 F et un capital de 1 500 F. Quelque 5000 se fixèrent en Algérie. Si les résultats peuvent être considérés comme assez bons pour le peuplement, ils furent médiocres quant à l'implantation rurale : en 1899, sur 1183 familles installées, 383 seulement avaient conservé leur propriété, 519 n'avaient plus leur concession mais étaient restées en Algérie, 277 avaient quitté l'Algérie ou avaient disparu.

Comme autre type de colonisation privilégiée pour lequel l'appel fut particulièrement séduisant, on peut citer la colonisation maritime dont le but était d'assurer le contrôle des côtes par des pêcheurs français. Des tentatives avaient eu lieu de 1845 à 1848 près d'Alger et elles avaient échoué à cause du mauvais recrutement des pêcheurs. On les reprit sur les côtes algéroise et constantinoise en 1872, 1890, de 1893 à 1897, en offrant, à la fin du siècle notamment, maison avec jardin, matériel de pêche, prime d'émigration, allocations et secours divers.
Ce fut l'échec dans les deux tiers des cas pour diverses raisons dont la concurrence des Italiens et, de nouveau, le recrutement défectueux: on vit les pêcheurs devenir maraîchers ou gardes champêtres quand ils ne vendirent pas à des naturalisés ou à des estivants algérois.

Pratiquement la colonisation officielle se termine en 1928 avec la création du dernier village, Gaston-Doumergue, dans la région d'Aïn Témouchent. Au total, en y comprenant les quelques éléments militaires et religieux dont nous faisons état plus loin, le bilan officiel, à la fin de 1929, s'établissait ainsi pour le nombre de " villages ou groupes de fermes créés ou agrandis " :

1830 à 1850 : 150
1851 à 1860 : 91
1861 à 1870 : 23
1871 à 1880 : 207
1881 à 1890 : 89
1891 à 1900 : 80
1901 à 1920 : 217
1921 à 1929 : 71
soit en tout 928 groupes d'habitations constituant notamment quelque 700 véritables villages avec 45 000 paysans chefs de famille, - assise de la population rurale européenne - à l'origine essentiellement française.

Pression et contrainte

A côté de la séduction, le " Forcez-les d'entrer " de l'Evangile fut employé lorsqu'il s'agit des militaires et des déportés politiques.
Militaires, certains le furent malgré eux tels ces " volontaires parisiens " de 1830 dont plusieurs avaient pris part à la révolution de Juillet et que le gouvernement voulut exiler en les dirigeant vers l'Afrique.

On leur fit des promesses qui ne furent pas tenues et ils devinrent les soldats du 67e de ligne avant de rester parfois en Algérie comme "ouvriers d'art".
Tout le monde connaît l'expérience de Bugeaud. Après avoir employé la troupe à effectuer les travaux préparant la colonisation, il pensa que les soldats seraient les meilleurs colons et ce furent en 1841-1842, basées sur le travail en commun, les expériences malheureuses d'Aïn Fouka, Beni Mered et Mahelma, dont la seule conséquence démographique fut de conduire en Algérie quelques femmes de Toulon " mariées au tambour ". Cependant, la colonisation d'origine militaire ne s'est pas limitée à ces villages. Dans divers centres, les soldats libérés obtinrent un grand nombre de concessions et parfois même la totalité comme à Pélissier, fondé en 1846 à l'est de Mostaganem sans autre nom que " les Libérés ", ou à Saint-André, à l'ouest de Mascara.

Le cas des déportés politiques appelés aussi " transportés "(3) est particulier. Il y eut trois déportations : celle qui suivit les journées de juin 1848 et qui eut lieu en réalité en 1851, celle des victimes du coup d'État du 2 décembre 1851 et celle qui s'attaqua aux opposants après l'attentat d'Orsini en 1858. Le sort de ces déportés fut variable et ils effectuèrent des travaux divers. Mais quelle fut leur importance sur le peuplement ? Elle a été très exagérée : on a dénombré 6258 individus mais, après le décret de grâce du 23 septembre 1859, la plupart rentrèrent en France. Si l'on déduit du total les 472 décédés et les 42 évadés, 195 seulement sont restés à coup sûr en Algérie, ce qui est peu pour une population européenne atteignant alors 200 000 habitants. Toutefois, ouvriers politisés et intellectuels, ils jouèrent, comme journalistes notamment, un rôle important dans la formation d'une opinion hostile à l'Empire.

Doctrines et Religion

L'Algérie ne fut jamais une terre où les théoriciens vinrent avec leurs disciples se livrer à de grandes expériences économiques et sociales. Les saint-simoniens jouèrent un rôle notable dans la politique algérienne et dans la mise en valeur du pays, mais ils ne furent à l'origine d'aucune entreprise de peuplement. Même si le Père Enfantin s'enthousiasma un moment à l'idée d'un magistrat d' " envoyer en Algérie les bagnards, les mendiants, les vagabonds et les enfants trouvés qu'on organiserait en colonies agricoles ", aucune réalisation ne suivit.
Le bibliothécaire d'Alger, Adrien Berbrugger, songea à fonder un phalanstère à Sidi-Ferruch, mais le seul essai notable des fouriéristes, et notamment de l'économiste Jules Duval, fut la création en 1846 de l'Union agricole du Sig. Celle-ci, disposant de 3000 hectares, voulut être une " colonie sociétaire ", mais ne devint jamais un véritable phalanstère, bien qu'on l'appelât ainsi dans la région, et dont le but, l'établissement de 300 familles, ne fut jamais atteint ni même approché. On pourrait aussi évoquer les projets de catholiques sociaux songeant aux miséreux et aux inadaptés qui auraient pu se régénérer au soleil d'Afrique en contribuant à apporter une solution au problème aigu de la main-d'œuvre.

Peut-on parler d'une colonisation religieuse ? Outre ses multiples expériences, Bugeaud " voulut encore essayer de la colonisation par la main des moines " et ce fut, en 1843, l'établissement des trappistes à Staouéli sur une concession de 1 020 hectares. C'étaient des religieux qui crurent possible de faire venir en Algérie, sous la monarchie de Juillet et le second Empire, une partie des 100 000 enfants trouvés dénombrés en France, mais les orphelinats créés à Ben Aknoun (près d'Alger), MedjezAhmar (ouest de Guelma), Misserghin (ouest d'Oran) et Dély Ibrahim (celui-ci, à l'ouest d'Alger, réservé aux protestants) recueillirent surtout des orphelins d'Algérie et en totalisant ceux qui furent transportés en France, on ne trouve que 330 enfants. C'est aussi une colonisation d'inspiration religieuse que celle des " Alpins " de Freissinières (au nord-ouest de Gap) qui, à l'initiative et avec l'aide du Comité protestant de Lyon, allèrent en 1881 fonder le centre des Trois-Marabouts près d'Aïn Témouchent, soutenus très activement par un pasteur. De même la Société Coligny, société protestante de colonisation fondée en 1890, aida jusqu'en 1902 de nombreuses familles à s'établir dans divers centres d'Oranie : Guiard (ouest d'Aïn Témouchent), Turenne (ouest de Tlemcen), Hammam bou Hadjar (est d'Aïn Témouchent), Ténézéra (Chanzy, au sud de Sidi bel Abbès).
Au total, pour toute la colonisation de motivation idéologique ou religieuse, sans doute moins d'un millier d'individus sur les 136314 Français nés en métropole que permet de dénombrer le recensement de 1896, compte non tenu des territoires annexés par l'Allemagne.

La France en Algérie

Avec les nombres donnés par V. Demontès pour 1896, on peut établir la carte ci-contre. Trois régions doivent être mises à part : les territoires annexés non mentionnés et dont les trois départements (Moselle, Bas-Rhin, Haut-Rhin) ont fourni quelque 5000 émigrants pour les seules années 1871 et 1872, le département de la Seine (6370 individus) dont nombre d'émigrants venaient en réalité de la province, et la Corse qui détient le record avec 7303 individus soit 2,5 % de la population de l'île et 5,39 % de la population totale d'origine française en Algérie.

Sans être aussi précis pour les autres départements, on voit que ce sont les régions méridionales qui ont fourni les gros contingents, ce qui s'explique par la proximité, la similitude des conditions géographiques et plus encore les crises économiques et avant tout celle de la viticulture. Les départements pauvres du Centre et la Franche-Comté (celle-ci grâce à des initiatives individuelles) donnèrent naissance également à une émigration notable. On notera aussi qu'aucun département n'est resté étranger à la colonisation de l'Algérie, qui fut réellement une œuvre nationale.

Pour concrétiser celle-ci on pensa même à une colonisation départementale, chaque département se chargeant de la création d'un village. Certains, comme Jules Duval, prédisaient un bel avenir à ce projet et on envisageait l'organisation de convois semblables à ceux de 1848 pour les colonies agricoles. En fait, un seul véritable essai fut tenté, à partir de 1853 surtout, avec des Francs-Comtois à Aïn Bénian qui devint Vesoul-Bénian, près de Miliana. Sans pratiquer la véritable colonisation départementale, on s'efforça cependant de grouper dans chaque centre des gens de la même région : Chéragas est peuplé de paysans du Var (1843) ; Sidi Merouane (ouest-nord-ouest de Constantine), de Corses de Cargèse (1872) ; Montgolfier (sud de Relizane) et Taine (dans le Sersou) recevront des Savoyards (1905- 1906) et on pourrait citer d'autres exemples. Le plus souvent, il est vrai, le centre reçoit des concessionnaires issus de terroirs différents, mais tous français depuis 1871.

L'EUROPE

Durant les premières décennies de l'occupation de l'Algérie, la question de la main-d'œuvre se posa avec acuité, les habitants du pays étant souvent peu disposés à s'engager et leur travail n'étant guère apprécié. A l'initiative d'Ausone de Chancel, fonctionnaire algérien et poète, bénéficiant de nombreux appuis, de 1856 à 1858 il est question de faire venir des Noirs d'Afrique pour pratiquer la culture du coton. Mais la proposition fut repoussée en même temps que d'autres sur l'immigration des Indiens et des coolies chinois car certains y virent un retour aux procédés de la traite des esclaves tandis que d'autres parlaient d'une émigration " inerte et brute " par rapport à l'" émigration intelligente et active " venant d'Europe. Les projets les plus poussés concernèrent les maronites du Liban et de Syrie dont certains avaient sollicité leur venue en Algérie dès 1845. Malgré de nombreuses interventions en leur faveur, surtout après les massacres de 1860, aucune réalisation ne suivit parce que leur émigration soulevait des difficultés avec le gouvernement de la Porte et aussi à cause de leur qualité d' " Arabes chrétiens " dont l'installation pouvait présenter des inconvénients au milieu de populations musulmanes. C'est donc vers l'Europe exclusivement qu'on se tourna pour recruter des populations nouvelles.

Alger " colonie européenne ". Cette formule des " colonistes " de la première heure fut rapidement adoptée et Clauzel comme la Commission d'Afrique, Thiers comme Enfantin rêvèrent d'une colonie à la manière de celle que l'émigration avait créée en Amérique. Il faudra la loi du 24 juin 1871 pour que l'octroi d'une concession soit conditionné par la qualité de " Français d'origine européenne " qui écartait à la fois étrangers et autochtones. Jusque-là les premiers, affluant spontanément, avaient pu, dans certains cas, bénéficier, sous des formes diverses, des avantages de la colonisation officielle.

Les concessionnaires

Si on excepte quelques rares concessionnaires de fermes de faible ou moyenne étendue, les étrangers interviennent soit comme détenteurs de très grandes concessions, soit comme colons implantés dans plusieurs villages au même titre que les Français.

A titre individuel, c'est sans doute un Polonais qui obtint la plus belle concession jamais octroyée en Algérie. Teofil Mirski, chevalier d'industrie, connu sous le nom de prince Sviatopolk Pist de Mir, se fit attribuer en 1835, à l'est d'Alger, autour de Fort-de- l'Eau, un immense domaine dit de La Rassauta englobant cinq fermes et totalisant 4300 hectares. Il parlait de faire venir 1 500 cultivateurs polonais : on y vit, en 1836, " 300 Européens de toutes nations " et dès 1838, c'était la banqueroute. En 1844, la concession passait à un expatrié politique José de Melgarejo conde del Valle de San Juan dont le grand nom ne suffit pas à assurer le succès de l'entreprise, qui devait comporter notamment la construction d'un village peuplé d'un tiers de Français et, en 1846, un arrêté révoquait la concession. Il appartiendra, à partir de 1849, à de modestes agriculteurs mahonnais de faire des terres entourant le village de Fort-de-l'Eau un modèle de culture maraîchère.

Alors que cette petite colonisation étrangère faisait la preuve de son efficacité, le second Empire croyait trouver la solution à la mise en valeur de l'Algérie dans l'action de grandes sociétés disposant d'importants capitaux. La première, créée à la demande de deux Suisses, fut la " Compagnie genevoise " qui obtint 2 000 hectares dans la région de Sétif avec, en particulier, l'obligation de fonder 10 villages de 50 feux. Elle s'adressa d'abord à l'immigration suisse et allemande avec comme représentant, à ses débuts, Henry Dunant, fondateur de la Croix-Rouge en 1863 et premier prix Nobel de la Paix, qui de 1853 à 1868 s'occupa de colonisation en Algérie.
La Compagnie remplit en partie ses engagements et en 1870 on comptait 428 Européens sur ses terres.

Il est remarquable que les deux premiers centres créés en Algérie, le furent pour des étrangers.

Quelque 500 émigrés allemands et suisses qui devaient s'embarquer au Havre pour l'Amérique, dans le courant de 1831, ayant changé de résolution, se dirigèrent sur Alger où une centaine d'entre eux moururent de misère. Poussée par la nécessité et un certain désir de publicité, l'administration, en 1832, créa pour les autres, au voisinage d'Alger, le centre de Dély-Ibrahim, qui reçut 50 familles, et celui de Kouba, qui en reçut 23.


De 1840 à 1869, de nombreux projets virent le jour pour peupler des villages ou des hameaux d'éléments étrangers, mais tous n'aboutirent pas.

Victor Demontès dénombre 21 créations mais trois au moins n'ont jamais reçu un commencement d'exécution et, dans certains cas, par suite du mauvais choix des colons l'échec fut immédiat : des 130 Irlandais qui débarquèrent à Bône en 1869 (Mac-Mahon était alors gouverneur général) quelques-uns restèrent comme journaliers, la plupart demandèrent leur rapatriement, trois familles seulement s'établirent à Aïn Amara et aucune ne voulut aller à Clauzel, un hameau et un centre à l'est de Constantine, mentionnés comme de peuplement irlandais. Il en était allé différemment ailleurs, à La Stidia, par exemple, à l'ouest de Mostaganem, où des Prussiens, devenus colons algériens, avaient créé le village en 1846. Au total, on peut estimer qu'une quinzaine de centres, d'importance diverse, reçurent des concessionnaires étrangers : Prussiens rhénans, Badois, Suisses, Irlandais, Tyroliens, Napolitains, Espagnols avec parfois un jumelage curieux comme celui des Allemands et des Espagnols à Sidi Khaled, en 1863, au sud de Sidi bel Abbès.

L'afflux spontané

Il a fourni l'immense majorité des immigrants étrangers dans les villes comme dans les campagnes. A cause de la proximité géographique et de l'importance de leur population, l'Espagne et l'Italie sont à l'origine d'une importante émigration qui s'est poursuivie même sous le second Empire, lorsque celle des Français se ralentit considérablement car si ces derniers étaient moins attirés à cause des concessions devenues rares, Espagnols et Italiens restaient indispensables dans l'agriculture et pour les grands travaux.

D'abord les Espagnols

Leur présence en Algérie est antérieure à l'occupation française. Tous, en effet, ne quittèrent pas le pays après l'abandon officiel d'Oran en 1791 et des artisans notamment y demeurèrent à la demande du bey de Mascara ainsi Que quelques commerçants, environ 200 personnes. A partir de juillet 1830, les Espagnols affluent rapidement, vers Alger d'abord et par la suite vers Oran. En 1845, pour 46 335 Français on compte, en Algérie, 25 335 Espagnols dont les deux tiers dans le département d'Alger. Le mouvement s'accélérera en se tournant de plus en plus vers l'Oranie et au début du XXe siècle l'écart entre les entrées et les sorties sera de 4000 à 5000 individus par an. Chassés le plus souvent par la misère, parfois par les troubles politiques, ils viennent surtout du Levant (Alicante, Valence, Murcie), des Baléares ou de provinces intérieures très pauvres comme celle d'Albacete.

Sans eux, la mise en valeur de l'Oranie eût été très difficile sinon impossible mais à la fin du XIXe siècle on pouvait craindre que celle-ci ne devînt une province espagnole si on en juge par la situation démographique des 20 principaux centres en 1887 :
soit au total une population de 72 285 Espagnols pour 39 825 Français, ces derniers ne l'emportant que dans quatre agglomérations.

Les Italiens, ensuite

C'est dans l'Est évidemment qu'ils sont le plus nombreux. Alors que la Sicile fournit les gros contingents en Tunisie, c'est de la Campanie et de la Calabre que proviennent d'abord en Algérie les immigrants. Suivent, d'après les statistiques dont on dispose et qui sont fort incomplètes, la Toscane, l'Emilie, le Piémont, la Sicile, la Lombardie, la Vénétie. Les autres régions, dont la Sardaigne, comptent peu. La colonie italienne atteindra son maximum en 1886 avec 44 133 individus, soit moins du tiers de la colonie espagnole à ce moment (142 493).

Si la décroissance de la colonie italienne précède celle de la colonie espagnole, c'est sans doute à cause de la loi du 1er mars 1888 réservant aux bateaux français la pêche dans les eaux territoriales et qui quadrupla pendant trois ans le nombre des naturalisations. Mais, à côté de la pêche, les Italiens jouaient un rôle essentiel dans les travaux publics et avaient une place importante comme ouvriers agricoles et maraîchers concurrençant même parfois les Espagnols dans la région algéroise.

Les groupes minoritaires

Ils comptaient 15333 individus en 1886 (le sommet de leur courbe démographique), les Maltais constituant le troisième groupe étranger en Algérie. Établis sur la côte orientale avec une colonie particulièrement importante à Bône, ils furent d'abord les bateliers indispensables dans les ports primitifs de l'Algérie avant d'exercer dans le pays toutes sortes de petits commerces. Ils forment vraiment la quatrième composante européenne de la communauté pied-noir et ont longtemps conservé une incontestable personnalité.

Les Allemands étaient rapidement arrivés en nombre : 827 débarquent en 1843 et 708 sollicitent des concessions en 1844. Ils ont leur part dans la colonisation officielle et on trouve des groupes de colons allemands à Kouba et Dély Ibrahim (Alger), La Stidia et Sainte-Léonie (Oran), Guelma (Constantine). Mais beaucoup étaient disséminés et ils ne formaient pas une véritable colonie comme les Espagnols, les Italiens et les Maltais. Il semble que leur nombre maximum ait été de 5759 en 1857 car ils se naturalisaient facilement (2 035 de 1861 à 1883 contre seulement 1589 Italiens et 1 200 Espagnols, cependant beaucoup plus nombreux).

Avec les Allemands et aussi les Belges (1300 en 1896) les Suisses étaient considérés comme une " population coloniale " qu'il y avait intérêt à attirer et, en 1845, le Père Enfantin voyait se créant en Algérie " une nouvelle Suisse, une Allemagne, une Belgique africaines ". Cette bonne réputation explique en partie l'accueil favorable qui fut fait aux fondateurs de la Compagnie Genevoise et à des Valaisans qu'on essaya d'installer sans succès dans la région de Koléa. Les Suisses étaient 1942 en 1857, 3000 en 1896.

Sans compter la Légion étrangère, où ils furent rapidement nombreux, les Polonais, dans les premières décennies, paraissaient devoir jouer un rôle non négligeable : on en compte 450 entre 1832 et 1836 ; en 1849 l'Autriche ayant décidé d'expédier en Amérique 202 immigrés polonais, ceux-ci s'emparèrent du bateau et relâchèrent à Marseille d'où ils furent expédiés à Alger. Cependant, en 1857, on n'en dénombre plus que 225.

Plusieurs autres nationalités sont intervenues dans le peuplement européen de l'Algérie : Portugais, Grecs, Hollandais, Anglais, Irlandais..., mais en faible nombre et, en 1886, avant la loi de naturalisation automatique, ces groupes secondaires totalisent 7 559 individus sur 214 000 étrangers et 43 000 israélites qui constituent, eux, la composante algérienne.

L'ALGÉRIE

Si la grande majorité des immigrants partit de France et des pays de l'Europe méditerranéenne pour former un peuple de caractère essentiellement latin, c'est l'Algérie qui donna à la communauté pied-noir ses éléments les plus anciennement installés sur le sol de la Régence avec une composante majeure, les juifs, et une autre, très mineure, d'origine musulmane.

L'apport intérieur

Les juifs d'abord

Leur origine est complexe. Les premiers Hébreux vinrent sans doute, mêlés aux Phéniciens, peut-être un millénaire avant J.-C. Mais ce sont les persécutions en Orient, avant et durant l'époque romaine, qui déterminèrent les principales migrations vers l'Afrique du Nord, où de nombreuses tribus berbères furent judaïsées et apparaissent dans l'Histoire au Ve siècle, suivant Maurice Eisenbeth, grand rabbin d'Alger. Malgré l'islamisation, certaines de ces tribus se maintinrent jusqu'après l'arrivée des Français, quelques-unes nomades constituant les " Bahoutzim " (ceux du dehors), appelées encore " Yehoud el-Arab " (les juifs des Arabes). A cette masse essentielle de Judéo-Berbères s'étaient ajoutés, surtout dans les villes, à partir de la fin du XIIe siècle, les juifs chassés d'Espagne et ensuite, à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIe, les juifs livoumais qui constituaient une aristocratie commerçante. Leur nombre total, très sous-estimé dans les statistiques, devait s'élever à quelque 40 000 individus, soumis au statut de dhimmi, citoyen diminué, ce qui explique l'accueil très favorable qu'ils firent aux Français.

Une évolution commença, tendant à assimiler le judaïsme algérien au judaïsme français. Cependant, malgré les possibilités offertes par le sénatus-consulte du 14 juillet 1865, les naturalisations individuelles furent peu nombreuses. Il faut attendre le décret du 24 octobre 1870, pris à l'initiative d'Adolphe Crémieux, pour que soient incorporés en bloc à la population française environ 34 000 israélites. Acte révolutionnaire qui, du jour au lendemain, transférait cette population d'une communauté à une autre. Grâce à leurs remarquables facultés d'assimilation, les juifs s'intégraient dans la civilisation occidentale, de plus en plus proches de la population européenne même s'ils continuaient à former un groupe particulier, nettement différencié. Lors de la guerre d'Algérie, ils ne répondront pas à l'appel du F.L.N. : très peu restèrent en Algérie, quelques-uns gagnèrent l'Espagne, Israël en accueillit environ 15 000 et quelque 125 000 devinrent comme les autres pieds-noirs, des " rapatriés ".

Les musulmans, ensuite

Si la naturalisation et l'évangélisation pouvaient apparaître comme les moyens d'une fusion entre la communauté indigène et la communauté européenne, la France n'a jamais pratiqué systématiquement l'une ou l'autre.

Le nombre total des naturalisés ne dépasse pas 10 000 chez les musulmans et l'acquisition de la citoyenneté française n'implique pas ipso facto l'adhésion à la communauté européenne d'Algérie, les liens affectifs et religieux restant très forts avec la communauté d'origine. La christianisation traduit une adhésion plus poussée et qui peut être totale comme dans le cas de certains Kabyles devenus catholiques ou protestants. L'exemple le plus démonstratif, mais unique, est celui des descendants des colons de Saint-Cyprien et Sainte-Monique complètement incorporés dans la communauté européenne et dont les parents, jeunes Arabes évangélisés par Mgr Lavigerie, avaient été établis dans ces deux villages de la vallée du Chélif. On pourrait citer quelques cas exceptionnels où c'est la franc-maçonnerie qui a détaché un musulman de son milieu pour le faire adhérer à la société européenne par l'intermédiaire des idées laïques.

Pour être toujours rares les mariages mixtes ne sont plus, après 1930, " une curiosité romanesque ". Dans les années précédant l'insurrection, on en célébrait environ 75 chaque année en Algérie, dont près des deux tiers entre Algériens musulmans et Françaises. Mais c'est surtout lorsque le père était français, le cas le moins fréquent, que s'effectuait l'incorporation à la communauté européenne.
Dans celle-ci, combien d'individus peuvent donc se prévaloir, en exceptant évidemment les juifs, d'une ascendance berbère ou arabe ? Tous apports réunis, ce nombre ne doit pas dépasser de beaucoup le millier. Une note originale dans la formation d'une communauté dont nous ne ferons qu'esquisser l'histoire en conclusion.

La formation de la communauté

C'est une pièce en trois actes dont le déroulement ne répond à aucun scénario classique car les épisodes les plus tragiques se situent au début et à la fin.

Il n'apparut pas certain tout d'abord qu'une population européenne pût s'implanter et croître en Algérie. Les premières décennies de la colonisation semblaient même démontrer le contraire : alors que le taux de mortalité était en France de 22 à 24 ‰, en Algérie jusqu'en 1856, il oscillait entre 39 et 93 ‰ et, en 1849, on avait compté 10493 décès pour 5 206 naissances. Seule l'année 1854 enregistra un excédent de naissances sur les décès. La situation s'améliore à partir de 1856, mais encore en 1868 le nombre des décès l'emporte sur celui les naissances. Si durant ces années, sauf de 1847 à 1849, la population européenne avait continué à augmenter, cela s'expliquait uniquement par l'immigration.

L'arbre planté, rien n'assurait que les fruits seraient français. Vint alors la phase de la francisation juridique avec le décret Crémieux déjà signalé et la loi du 26 juin 1889, dite parfois de naturalisation automatique, qui stipulait que tout enfant né en France ou en Algérie d'un étranger né lui-même en France ou en Algérie était français à la naissance ; et que l'enfant né en France ou en Algérie de parents nés à l'étranger devenait français avec faculté de réclamer la qualité d'étranger dans l'année qui suivrait sa majorité

L'effet de ces actes majeurs de 1870 et 1889 se traduit dans les nombres officiels du tableau suivant où la sous-estimation numérique des juifs dans les premières décennies ne modifie pas le sens général de l'évolution.
Restait à donner à ce nouveau " peuple algérien " un esprit commun ou, si l'on préfère, l'âme d'une petite patrie, ce qui n'existait certainement pas à la fin du XIXe siècle, ni même au début du XXe comme le montrent, d'une part, les troubles antijuifs et, d'autre part, les craintes exprimées quant à l'assimilation des " néo-Français " alors qu'on estimait que les trois cinquièmes de la population européenne étaient, en fait, de sang étranger. A la tribune de la Chambre, le président du Conseil, Charles Dupuy, clamait son inquiétude. Des libéraux comme le juriste Émile Larcher disaient qu' " il faut avant tout mettre fin à l'application en Algérie de la loi de 1889 ".
L'historien Edouard Cat évoquait le déclin de l'Empire romain " lorsque le titre de citoyen fut prodigué aux étrangers " et V. Demontès, toujours à propos de cette loi, terminait son gros livre, en 1906, par cette phrase : " Qu'on avise donc au plus tôt ; demain, il sera trop tard. "
Une fois de plus les faits démentirent les prophéties: en se cristallisant, le mélange bouillonnant se montra beaucoup plus homogène qu'on n'avait pu le croire et d'une contexture incontestablement française. En faveur de la fusion jouèrent : l'emprise de l'environnement français avec l'école,le service militaire et la prépondérance économique ; les mariages mixtes favorisés par le fait qu'à la fin du siècle la colonie espagnole était la seule à être composée de plus de femmes que d'hommes ; le fait que l'immigration étant devenue très faible, le groupe était presque fermé, recevant seulement chaque année quelque 5 000 nouveaux arrivants ; enfin les années tragiques comme celles des deux guerres mondiales et plus encore, sans doute, celles qui marquèrent la fin de l'Algérie française.

On peut même dire qu'au-delà des frontières des situations analogues avaient engendré des réactions communes et que, débordant à l'est et à l'ouest, la communauté pied-noir était devenue nord-africaine, englobant, en Tunisie et au Maroc, les groupes d'origine semblable. Ainsi, au lendemain de la décolonisation, c'est près de 1 500 000 individus qu'elle comptait sur le sol métropolitain, ajoutant à la diversité ethnique de la France qui a su faire sa substance de vingt peuples divers. Communauté qui n'a plus d'assise territoriale et essaie cependant de conserver son originalité. Dans quelle mesure y parviendra-t-elle ? L'avenir le dira. Dans tous les cas, loin de rejeter la patrie française, la communauté pied-noir ne veut qu'apparaître comme un de ses éléments constitutifs et à coup sûr non le moins efficace.

(1) En 1954, on comptait 499 79 étrangers sur 1 0424 09 habitants non musulmans, dont 98 4031 de population municipale.

(2) Au dénombrement agricole de 1903 on comptera 125 204 Français de population rurale alors que le recensement de 1901 avait totalisé une population française de 413 770 personnes.

(3) A tort, car la "déportation" est une peine politique et la " transportation" résulte d'une condamnation pénale de droit commun.

Tiré du livre " Les Pieds-Noirs (Ces minorités qui font la France) Philippe Lebaud Editeur 1982

Indications bibliographiques

L. DE BAUDICOUR, La colonisation de l'Algérie. Ses éléments. Paris, 1856, 590 p.
- H. DEPEYERIMHOFF, Enquête sur les résultats de la colonisation officielle de 1871 à 1895. Alger, 1906, 2 vol., 243 et 601 p.
- V. DEMONTES, Le peuple algérien. Alger, 1906, 624 p.
- J. BREIL (sous la direction de), Résultats statistiques du dénombrement de la population le 31 octobre 1948, le 31 octobre 1954 (en Algérie).
- J. RUBIO, La emigraci6n espanola a Francia. Barcelone,1974, 402 p.
- J. B. VILAR, Emigracion espanola a Argelia (l83o-1~). Madrid, 1975,537 p.
- G. LOTH, Le peuplement italien en Tunisie et en Algérie. Paris, 1905, 495 p.
- A. CHOURAQUI, La saga des juifs en Afrique du Nord. Paris, 1972, 395 p.
- H. CHEMOUILLI, Une diaspora méconnue: les juifs d'Algérie. Paris, 1976, 327 p.
- R. AYOUN et B. COHEN, Les Juifs d'Algérie, Paris, 1982, 264 p.
- H. MARCHAND, Les mariages franco-musulmans, Alger, 1954, 232 p.

Né le 28 mars 1912 à Alger Xavier Yacono s'est éteint le 4 octobre 1990 à l'hôpital Mignot au Chesnay, près de Versailles.
Très vite, il emprunte les chemins qui le conduiront à une carrière d'universitaire, apprécié unanimement pour ses qualités d'objectivité.
Élève à l'École normale d'instituteurs d'Alger-Bouzaréa et à l'École normale supérieure de Saint-Cloud, il reviendra dans son pays natal pour enseigner dans le second degré à Orléansville, Boufarik, Maison-Carrée et Alger.
Les dernières années de l'Algérie française le verront maître de conférences, puis professeur à l'université d'Alger.
Celles de l'exil, professeur à l'université de Toulouse de 1962 à 1977.
Ses principales publications sont : Les Bureaux arabes et l'évolution des genres de vie indigènes dans l'ouest du Tell algérois (Dahra, Chélif, Ouarsenis, Sersou), Paris, Larose, 1953, gd in-8°, 448 p.
. La colonisation des plaines du Chélif (de Lavigerie au confluent de la Mina), Alger, 1955, 2 vol. 21 x 27 cm, 444 p. et 423 p.
. Un siècle de franc-maçonnerie algérienne (1785-1884), Paris, Maisonneuve et Larose, 1969, in-8°, 319 p.
. Histoire de la colonisation française, Paris, PUF, Que sais-je? n° 452, 3° édit. 1979.
. Les Étapes de la décolonisation française, Paris, PUF, Que sais-je ? n° 428, 3° édit. 1982.

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Mis en ligne le 10 sept 2010 - Modifié le 26 juillet 2012

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