Le 25.09.2001, à propos de la guerre d'Algérie, le président de la République, Jacques
Chirac, déclarait : « Le moment est venu pour nous tous Français, de porter un regard de vérité
sur une histoire méconnue, une histoire déformée, une histoire effacée...Une histoire qu'il
importe aujourd'hui de rappeler aux Français...La mission des historiens doit se poursuivre... ».
Onze années après ce constat, le Sénat s'apprête, le 25.10.2012, à faire que le 19 mars 1962
soit l'objet d'une discussion en séance publique. En l'occurrence, il s'agit de reconnaître cette date
comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et
militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc. Tout d'abord, quel est le lien
entre les combats en Tunisie et au Maroc avec le 19 mars 1962 ? Aucun.
Combien de Français, aujourd'hui, savent ce qu'a été ce « 19 mars 1962 » en Algérie et pour
la France ? En quoi consistait-il ? Ce qui s'est réellement passé après. Quelles ont été les attitudes
respectives du Gouvernement français et de De Gaulle...
A la suite des négociations qui se sont déroulées à Evian, du 7 mars au 18.03.1962, entre les négociateurs français et le FLN (1), il a été conclu un « Accord de cessez-le-feu en Algérie » (2)
qui, dans son article 1er stipule: « Il sera mis fin aux opérations militaires et à toute action armée
sur l'ensemble du territoire le 19.03.1962 à 12 h 00. ». L'article 2 précise que : « Les deux parties
s'engagent à interdire tout recours aux actes de violence collective et individuelle. Toute action
clandestine et contraire à l'ordre public devra prendre fin. ». Quant à l'article 11, il assure que :
« Tous les prisonniers faits au combat détenus par chacune des parties au moment de l'entrée en
vigueur du cessez-le-feu seront libérés; ils seront remis dans les 20 jours à dater du cessez-le-feu
aux autorités désignées à cet effet. Les deux parties informeront le Comité international de la Croix-
Rouge CICR du lieu de stationnement de leurs prisonniers et de toutes les mesures en faveur de leur
libération. ».
(1) L'auteur de cette lettre ouverte rappelle que lors de la 6ème séance du 10.03.1962 de ces négociations, le
représentant de la délégation française, Bernard Tricot, précisait: « Oui, le FLN est encore illégal mais il doit
pouvoir jouer un rôle politique, faire de la propagande, après le cessez-le-feu dans le respect de la loi et de
l'organisation provisoire des pouvoirs publics. Nous devons revoir le décret de dissolution du FLN en date
du 29.06.1957, et mettre notre législation en harmonie avec les conséquences éventuelles de
l'autodétermination... Aucun besoin de texte : il suffit d'abroger le décret de dissolution et de suspendre les
dispositions pénales qui répriment la propagande en faveur de l'indépendance ». Et, le 11.03.1962, B. Tricot
annonce: « Enfin le décret de dissolution du 29.06.1957, qui est bien fondé... n'a plus de sens dès que le
cessez-le-feu permet le retour à l'ordre démocratique (sic)... Ce texte dissout à la fois le FLN et le MNA.. ».
L'auteur interroge : « Et les autres partis, mouvements ou tendances ! ». Le 30.03.1962, comme en écho à ma question, le Mouvement national algérien MNA, présidé par Messali Hadj, constate : « Que la composition
de l'Exécutif provisoire ne comprend exclusivement, au point de vue algérien, que des membres du FLN ou
pro-FLN... Cette manière de procéder est antidémocratique et tourne le dos à toutes les déclarations faites
par le Gouvernement français aux termes desquelles toutes les tendances algériennes seraient
représentées, aussi bien aux négociations qu'à l'Exécutif provisoire. Le MNA déclare que cela est une
violation directe de l'autodétermination qui devait servir de règlement général à la solution du problème
algérien... ».
(2) Le professeur Maurice Flory précise : « Le premier texte reproduit par le JORF du 20.03.1962, est intitulé « Accord de cessez-le-feu en Algérie ». Sa présentation indique l'ambiguïté de sa nature juridique. Il n'est
pas publié sous la forme d'un traité ; il n'est pas assorti d'aucune signature ; son caractère bilatéral découle
uniquement du terme « Accord ». Le Gouvernement français pas plus que le GPRA, n'apparaissent à aucun
moment. (l'auteur rappelle ce fait : Le 23.05.1961, lors de la conférence d'Evian I, le représentant de la
délégation du FLN, Ahmed Boumendjel, demandera à Louis Joxe s'il considère les membres du GPRA
comme des « représentants authentiques du peuple algérien », L. Joxe lui répondra par la négative, estimant
seulement que les membres de la délégation du FLN sont les « représentants des combattants »). L'article 1er
se contente de la formule volontairement imprécise: « Il sera mis fin aux opérations militaires ». L'article 2
parle des « deux parties ». Les articles 3 et 4 nous révèlent quelles sont ces «deux parties»: «les forces
combattantes du FLN et « les forces françaises ». Cette terminologie prudente indique la volonté de ne pas
placer cet accord au niveau des Gouvernements, mais à celui des militaires. ». Il faut préciser que
le mot « Accord » ne figure dans le JORF qu'à propos de ce cessez-le-feu. Quant aux déclarations
de principes relatives aux différents domaines, elles ont été publiées sous la rubrique « Déclarations
gouvernementales du 19.03.1962 relatives à l'Algérie ». Elles seront signées par les représentants
mandatés du gouvernement de la République et par le représentant du FLN, Belkacem Krim qui, le
01.11.1960, à Casablanca en présence du roi du Maroc Moulay Hassan, avait assuré : «Nous
éjecterons les Français quatre par quatre !». Le programme est clair. (M. Flory « La fin de la
souveraineté française en Algérie», in Annuaire français de droit international, volume 8, 1962.)-
A propos de ce cessez-le-feu, et pour comprendre la suite des événements, dans sa
plateforme de la Soummam (issue d'un congrès tenu par le FLN du 20.081956 au 10.09.1956), dans
la partie II intitulée « Cessez-le-feu, conditions », il est mentionné : « ...En contrepartie, le FLN est
garant et responsable du cessez-le-feu au nom du peuple algérien. Seul le Conseil national de la
révolution algérienne «CNRA» est habilité à ordonner le cessez-le-feu, dans le cadre fixé par la
plateforme. Puis, dans la partie III « Négociations pour la paix », on note : « 1. Les conditions sur le
cessez-le-feu étant remplies, l'interlocuteur valable et exclusif pour l'Algérie demeure le FLN. ».
Ainsi, l' « Accord de cessez-le-feu » issu des négociations à Evian engageait la responsabilité du
FLN. Enfin, dans son ordre du jour n° 11 du 19.03.1962 destiné à toutes les forces de l'ordre, le
commandant supérieur des forces en Algérie « CSFA », le général Charles Ailleret, soulignait que:
« Le cessez-le-feu qui vient d'intervenir met fin à plus de 7 années de combats au cours
desquelles notre armée avait la mission de s'opposer aux actes de force d'un adversaire souvent
exalté mais toujours courageux... », puis il précisait : « Son rôle, ici n'est pas terminé. Elle doit, par sa
présence et, si cela est nécessaire par son action, contribuer à empêcher que le désordre l'emporte
quels que soient ceux qui tenteraient de le déchaîner de nouveau. Aujourd'hui comme hier dans la
paix comme dans les combats, l'Armée française reste fidèle à la tradition du Devoir. ».
Ainsi donc, le « cessez-le-feu » devait mettre « fin à plus de sept année de combats », ce à quoi
le FLN s'était engagé lors de la plateforme de la Soummam près de six ans avant le cessez-le-feu
officiel et, l'Armée française contribuerait « à empêcher que le désordre l'emporte quels que soient
ceux qui tenteraient de le déchaîner de nouveau ». Il n'en a rien été. D'ailleurs, la Parti socialiste
déposera une proposition de résolution n° 1637 à l'Assemblée nationale, le 03.06.2004, présentée
par son porte-parole, Kléber Mesquida et 80 membre du groupe socialiste « tendant à la création
d'une commission d'enquête sur les responsabilités dans le massacre de nombreuses victimes
civiles, rapatriés et harkis, après la date du cessez-le-feu de la guerre d'Algérie. »
L'après 19.03.1962 : des faits, des écrits, des témoignages face à une « guerre» larvée »
Or, le 20.03.1962, à l'ouverture de la séance à l'Assemblée nationale - laquelle va devenir,
dès ce jour-là, - la chambre d'échos des tragédies quotidiennes que vivront tous ceux qui ne veulent
pas suivre le FLN -, son président Jacques Chaban-Delmas, lit le message du président de la
République De Gaulle qui semble s'inquiéter : « ... Nul ne peut, non plus, méconnaître les
difficultés d'application qui en résultent aujourd'hui et risquent d'en résulter demain, non
seulement quant à la situation d'un grand nombre de personnes et de beaucoup de choses, mais
aussi dans le domaine de l'ordre public... ». Ce même jour, le député Pierre Portolano fait cette
remarque d'importance : « Le texte des accords sur le cessez-le-feu n'a été rendu public
qu'aujourd'hui, alors que le CNRA a eu tout le loisir pour en délibérer en temps utile... Le
Gouvernement accorde aux rebelles ce qu'il refuse aux Français ». Le 26.03.1962, dans son ordre du
jour, le commandant de l'état-major général EMG, Houari Boumediene, proclame: « Le cessez-lefeu
n'est pas la paix...La lutte continue jusqu'à la révolution... ». Le 29.03.1962, dans le journal
« Jeune Afrique », le futur ambassadeur de Tunisie en France, Mohamed Masmoudi, annonce : « Il
faut dépeupler, déporter le ramassis de petits blancs d'Algérie... ». Le programme du FLN
s'affirme. Le 16.05.1962, lors du conseil des ministres, le ministre d'Etat chargé des Affaires
algériennes, Louis Joxe fait remarquer que : « d'autres accrocs au cessez-le-feu sont imputables à
l'ALN : taxations, rançons, enlèvements. Nous ne saurions accepter des opérations commandos du
FLN qui entraîneraient des ripostes immédiates... ». Le 17.05.1962, dans le quotidien l'Aurore, on
relève que : « Robert Buron, -un des négociateurs français à Evian-, découvrait sur place une réalité
qu'il n'avait pas pressentie dans l'euphorie du cessez-le-feu...Il acquérait la certitude que des
violences sans frein étaient commises dans le bled livré à l'ALN par le retrait de nos forces. En
nombre inchiffrable, les Musulmans compromis à nos côtés étaient massacrés. Il y avait des
victimes européennes, mais les Français de souche étaient surtout rançonnés ou ruinés par le
saccage et l'incendie. Le passage des Huns !... C'est Dunkerque en pire qui se prépare.». Le
22.05.1962, le journal « Le Monde » recueille le témoignage du vice-président de l'Assemblée
nationale, le bachaghe Saïd Boualem: « On empêche mes harkis de venir...Ces gens-là sont à la
merci des représailles du FLN...On a livré mes gens au FLN...Nous n'avons plus à notre époque ni
patrie, ni morale, ni parole, rien! En Algérie les gens n'ont plus confiance dans la France. ». Le
30.05.1962, à l'Assemblée nationale, Louis Joxe fait ce constat : « Depuis le 19 mars, les actes de
violence ne se sont pas interrompus: les opérations clandestines, les enlèvements, les exécutions
sommaires, les demandes de rançon ont été trop souvent le fait de bandes incontrôlées. Rien de
tout cela ne doit être ignoré ou passé sous silence. Des accrochages se sont produits, au début,
entre l'ALN et les forces de l'ordre... ». Le 27.06.1962, les membres du groupe FLN de l'Exécutif
provisoire, installés à Rocher Noir près d'Alger, dans leur lettre de démission adressée au GPRA,
dressent ce constat accablant : « Les enlèvements de compatriotes ou d'Européens se multiplient,
les occupations abusives d'appartements, de fonds de commerce, les vols de voitures, de camionsciternes,
de véhicules de la Croix-Rouge internationale, la levée de dîmes sur les colons
européens, concrétisent l'anarchie qui s'est établie au sein de la hiérarchie organique (du FLN et
de l'ALN). Ces atteintes à l'ordre public, qui déjà remettent en cause les prescriptions des accords
d'Evian, risquent, au lendemain du référendum, de se généraliser au point de tout rompre, et même
de provoquer l'intervention de l'armée française. Tout cela, aggravé par le départ massif depuis un
mois de plusieurs milliers de cadres européens, dont l'impossibilité de remplacement rapide crée
une paralysie sévère de la vie administrative et économique, compliquant l'état anarchique déjà
inexistant... ». Henri Alleg, militant du parti communiste algérien et soutien du FLN, dans le
quotidien «Algérien républicain» de 09/1962, fait le même constat : « Les enlèvements continuent,
les disparitions aussi... ».
Face à cette anarchie, ces massacres, enlèvements, disparitions, de civils comme de
militaires, d'arabes comme d'européens, de musulmans, de juifs ou de chrétiens, alors qu'on
témoigne à l'Assemblée nationale du chaos et de ces massacres et qu'on lui a rapporté les détails
sanglants de cette anarchie qui règne en Algérie, voici ce que déclare De Gaulle, à la sortie du
Conseil des ministres du 11.07.1962, citant ce vers du poète et philosophe Lucrèce : « Qu'il est
doux, lorsque le vent tourmente les vagues sur la vaste mer, de contempler les épreuves d'autrui
du haut d'un promontoire. ». Le 06.06.1962, en plein Conseil des ministres, De Gaulle avait déjà
laissé tomber : « Les Européens nous donnent un spectacle à la fois vaudevillesque et sanglant... ».
Mais là ne s'arrête pas l'ignominie, notamment quant au sort des personnes enlevées,
disparues ou prisonnières, bien avant le cessez-le-feu et par la suite. Le 19.04.1962, face à la
désinvolture du GPRA vis-à-vis du CICR et de l'article 11 de l'accord du cessez-le-feu, le
Comité international de la Croix-Rouge s'engage : il publie un communiqué officiel, rappelant que le
délai de libération des prisonniers, fixé à 20 jours, a expiré le 08.04.1962 ; alors que le
Gouvernement français a libéré la moitié des 3.680 détenus en Algérie, les familles s'inquiètent et le
GPRA reste silencieux. (Le 24.10.1963, les enquêteurs du CICR remettront au Gouvernement
français leur rapport final sur leur recherche des disparus, lequel restera secret durant 40 ans,
pour n'être diffusé que le 23.04.2003.). Le 14.05.1962, dans une note au général Fourquet, le
général de Menditte transmet son inquiétude : « Depuis la mi-avril et particulièrement depuis le 1er
mai, les enlèvements d'Européens à Alger et dans la Mitidja se développent à un rythme qui ne
fait que s'accélérer, dévoilant en fait un plan concerté du FLN.... ». Le 08.11.1962, le général
Michel de Brébisson, commandant supérieur des forces armées françaises en Algérie CSFAFA,
adresse une lettre accompagnée de 4 fiches documentées à J-M. Jeanneney, ambassadeur Haut
représentant de la France en Algérie et à P. Messmer, ministre des Armées, dans laquelle il
demande une intervention très ferme auprès des autorités algériennes sur le sort des Harkis : « Les
anciens supplétifs des Forces françaises continuent d'être victimes de sévices graves. Ces
représailles viennent s'ajouter à une longue liste de crimes depuis le 01.07.1962...L'abondance de
renseignements précis ne laisse subsister aucun doute sur leur exactitude... ». Le président actuel de
la République algérienne et démocratique RADP, Abdelaziz Bouteflika, en parlant de la répression
contre le Groupe islamique armé GIA, reconnaîtra ces massacres en 10/1999, sur « Radio-Beur
FM », rappelant que : « Nous ne faisons pas les mêmes erreurs qu'en 1962 où, pour un harki, on a
éliminé des familles et parfois des villages entiers... ». Le 26.01.1971, le président de la RADP,
Houari Boumediene, déclare : « A Paris, on semble ignorer que nous détenons encore un grand
nombre d'otages français. Alors, pour obtenir la libération de ces otages, il faudra y mettre le
prix. » (Propos rapportés dans le journal «Politique Eclair»). Lors du colloque à l'Université de
Paris-8, du 19 au 21.03.1992, sur le thème « Les Accords d'Evian en conjoncture et en longue »,
l'ancien ambassadeur en Algérie, J-M. Jeanneney, se souvenait : « que l'armée française devait assurer leur sécurité puisque les accords d'Evian avaient prévu le respect des personnes et des biens. Je m'y suis toujours
refusé... » ; terrible et abominable aveu circonstancié de non assistance à personnes en danger de
mort, au ban de l'Histoire. Selon un décompte global effectué par l'historien Jean-Jacques Jordi,
concernant les disparus civils européens, 1.877 personnes ont été recensées pour la période du
01.11.1954 au 31.12.1962. («Un silence d'Etat. Les disparus civils européens de la guerre
d'Algérie», Ed. Soteca-Belin, 10/2011.). Du 01.11.1954 au 31.12.1962, l'auteur compte 438
militaires disparus dont 90 après le cessez-le-feu. Le contrôleur général des Armées, Eugène Jean
Duval, donne le chiffre de 586 militaires disparus, du 01.11.1954 au 31.07.1964. (Pour l'Algérie,
le Titre de reconnaissance de la Nation et la Médaille commémorative seront attribués aux militaires
jusqu'au 01.07.1964, alors que la carte de combattant ne leur est attribuée que jusqu'au 02.07.1964).
En 08/1963, un an après le cessez-le-feu, dans le bulletin mensuel du Corps d'armée d'Alger, le
colonel Jean Ernoult (qui commandera en 1963, la 33ème brigade au sein de la force d'apaisement
en Algérie), traduit l'atmosphère de peur et de désarroi qui règne : « C'est la panique en milieu
européen, à Novi, Bourbaki, Berrouaghia et à Tenes...Aucun grand pays n'a jamais toléré que ses
nationaux civils et à plus forte raison militaires, séjournant à l'étranger, soient traités de la
sorte. ». En ce qui concerne les pertes militaires tués ou décédés (opérations, attentats, accidents,
maladie), selon le ministère de la Défense il y aurait eu 23.196 morts. (Source: Journal officiel –
Sénat- Débat du 07.08.1986, page 1.126). Encore aujourd'hui, les chiffres, les effectifs divergent
faute de l'ouverture des archives.
Quelques témoignages significatifs de soldats français -de « troupiers » comme les
qualifie le président de la République, De Gaulle, lors de sa conférence de presse du 05.09.1960-
libérés ou ayant réussi à s'évader qui dénotent le peu d'attention à leur égard de la part du
Gouvernement français:
- Robert Bonnet du 8ème RSA, libéré par le FLN, le 20.05.1959 : « Les Français ne se
préoccupaient absolument pas de leur sort, comme le Gouvernement ou l'Armée française...Un
soldat qui tombait là-bas, de l'autre côté, qui s'en préoccupait...Il y en avait d'autres... ». Le
16.05.1962, Maurice Lanfroy, Georges Duplessis, Gérard Palisse et André Robert sont libérés ; après
une visite médicale à l'hôpital du Val-de-Grâce, ils pourront rentrer chez eux, mais, par leurs propres
moyens et, sans que leur soit remise la moindre somme d'argent, car rien n'a été prévu. Mais déjà,
en 12/1959, après sa libération, Marcel Braun s'était retrouvé sur le pavé parisien, dans
l'impossibilité matérielle de rentrer chez lui à Strasbourg...C'est un ancien prisonnier et ami qui lui
permettra de regagner cette ville...Dans une déclaration, reprise par l'Union nationale des
combattants UNC des Landes, Georges Duplessis qui, libéré, est passé de 74 kilos à 48, raconte :
« A part la presse locale, personne ne parle des prisonniers d'Algérie. C'est tabou. Lorsque je
rentre, on me présente une liste de 298 noms. Des présumés disparus. On me dit de me taire pour
leur sécurité. Je n'ai pas de rancoeur contre les fellaghas. Mais j'enrage contre la froideur de
l'Administration française...J'ai dû emprunter de l'argent à une assistante sociale pour prendre le
train. Je n'ai jamais été indemnisé...Rentrer sans un rond en poche...Je ne l'ai jamais encaissé. J'ai
perdu ma jeunesse. En retour, on a rien eu. Rien! Même pas le statut de prisonniers de guerre... ».
A propos de l'emploi fréquent du Référendum dans le cadre des Départements français
d'Algérie
L'auteur de cette lettre note que, l'utilisation fréquente du référendum permettra,
notamment à De Gaulle, de contourner les partis politiques, y compris ceux qui lui sont favorables.
En consultant indirectement les électeurs sur la question de la politique d'autodétermination
en Algérie, De Gaulle évite ainsi de déclencher un débat au sein de l'Union pour la nouvelle
république UNR, parti gaulliste, au sein duquel une minorité était favorable à l'Algérie française.
D'ailleurs, selon la Constitution de 1958, le président de la République en appelait au peuple, en
dissolvant l'Assemblée nationale en vertu de l'article 12, ou bien, en utilisant les dispositions de
cette constitution relatives au référendum selon l'article 11. De Gaulle, en 1969, sera victime de ce
référendum souvent considéré comme plébiscite. Quant au professeur Michel Lesage, le pouvoir
d'utiliser le référendum est entre les mains du président de la République qui décide seul de
l'opportunité de présenter ou de ne pas présenter au corps électoral un projet de loi tendant à
autoriser le ratification d'un traité ayant des incidences sur le fonctionnement des institutions, et
d'ailleurs, le décret décidant de soumettre un projet de loi au référendum n'est pas soumis au
contreseing ministériel, selon l'article 19 de la constitution. De plus, ce décret du président n'est
susceptible d'aucun recours devant le Conseil d'Etat et, le Conseil constitutionnel n'est pas
davantage compétent et il se refuse à contrôler le conformité des lois adoptées au référendum. On
sait que le général De Gaulle a estimé que l'article 11 de la constitution, relatif au référendum, lui
donnait le droit de soumettre directement au corps électoral tout projet de loi, même constitutionnel,
« relatif à l'organisation des pouvoirs publics ». L'utilisation de l'article 11 n'étant soumis à aucun
contrôle que celui du corps électoral, un Président, ingénieux et sûr de l'appui populaire, pourrait
imaginer de réaliser les deux opérations en même temps par la même voie: faire modifier la
Constitution et faire approuver ensuite le traité qui, conforme aux nouvelles dispositions de la
constitution, entrerait dans le cadre de l'article 11 dans la mesure où il aurait des incidences sur le
fonctionnement des institutions. ». (Lesage Michel «Les procédures de conclusion des accords
internationaux de la France sous la Vème République», in Annuaire français de droit international,
volume 8-n° 8, 1962.)-
En ce qui concerne le référendum du 08.04.1962 et, à l'attention de certains
propagandistes qui prônent la reconnaissance du 19 mars et clament que les Français l'ont
approuvé à plus de 90%, je me permets de leur rappeler les points suivants : ce référendum
excluait les personnes vivant en Algérie soit 5 millions de citoyens français ; les abstentions, les
bulletins nuls ou blancs et les « non » représentaient 9.483.136 électeurs, soit 64,80% des inscrits. La
France n'a pas, en fait, par son vote, ratifié les « accords d'Evian », mais « approuvé » un projet
inconstitutionnel, sur lequel le Conseil d'Etat avait rendu, à une majorité écrasante, 48 voix contre
12, un arrêt défavorable repris par le Conseil constitutionnel. Ce référendum avait pour objet
d'approuver un traité à venir (« les accords d'Evian ») et ne peut donc entrer dans le cadre de l'article
11 (« ratification d'un traité »), non plus que dans la catégorie des accords de communauté (l'Algérie
d'ailleurs n'en fit jamais partie). Dans sa thèse de doctorat du 26.06.1981, « la violation de la
Constitution », Christian Coste souligne que : « Par le référendum du 08.04.1962, où les griefs
juridiques subsistent et sont véhémentement invoqués contre les pouvoirs publics, trouvant de
solides appuis dans l'avis défavorable du Conseil d'Etat et les réticences du Conseil constitutionnel,
le thème de la violation est évoqué de manière subsidiaire ou superfétatoire. Le personnel politique
semble avoir conscience de la difficulté de rendre véritablement mobilisateur le thème de la
violation de la Constitution. ». Mais, n'est-il pas vrai que, sous la Vème République, tous les
hommes politiques de l'opposition dénoncent les violations de la constitution par le président de la
République, De Gaulle, lui-même ? Quant au référendum d'autodétermination du 01.07.1962,
après une démonstration chiffré, l'historien Xavier Yacono relève que : « Il est évident que les
résultats de ce référendum sont erronés et qu'ils ne peuvent être d'aucune utilité. Les admettre c'est
conclure que la guerre d'Algérie ne s'est accompagnée d'aucune perte... ». «X. Yacono : Les pertes
algériennes»). (Christian Coste «La violation de la Constitution. Réflexions sur les violations des
règles constitutionnelles relatives aux pouvoirs publics en France», Thèse de doctorat, 26.06.1981,
prix de thèse de l'Université de Paris-II, 1981, prix Paul Deschanel, 1982)-
L'auteur rappelle l'origine du choix du 5 décembre pour rendre hommage à toutes les
victime : Le Décret n° 925-2003 du 26.09.2033, confirmant le choix des membres de la
Commission Jean Favier qui avaient retenu, à la quasi-unanimité, par 11 voix contre 1 -celle de la
FNACA-, la date du 5 décembre pour rendre hommage à toutes les victimes civiles et militaires de
la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie, le président de la République, J. Chirac,
signe un décret instituant une journée nationale d'hommage aux « Morts pour la France » pendant la
guerre d'Algérie, fixant cette journée au 5 décembre.
Au moment où le Sénat s'apprête à discuter sur la commémoration du 19 mars 1962, je
rappelle d'abord, qu'en Algérie, cette date ne figure pas au calendrier officiel des
commémorations. Voici la France qui veut nous imposer une lecture de l'Histoire, dictée par le
législateur et le pouvoir politique. Nous connaissons, pratiquement chaque année, ce que j'appelle le
« Printemps des roucoulades » qui entraîne nos représentants de la Nation dans une fébrile
effervescence à des fins purement électorales. Prêts à tout. Après la commémoration du 19 mars,
pourquoi pas la Repentance. Je veux bien, à condition qu'en face s'applique aussi le Nadam qui est
la manifestation de la repentance dans l'islam, en la circonstance pour les actes de barbarie commis
par le passé en Algérie, et qui n'ont épargné ni les Algériens entre eux, ni les juifs ou les chrétiens.
Mais, la France, alors, se repentira bien vite de sa repentance.
Bien que la présente lettre ouverte, Mesdames, Messieurs les représentants de la Nation
française, puisse vous paraître longue, l'Histoire, elle, ne souffre d'aucun raccourci. Et, pour
conclure, permettez-moi de vous faire partager ces paroles pleines de sagesse et de lucidité que
l'ancien député européen socialiste et actuel locataire à l'Elysée, comme bénévole du président de la
République, François Hollande, Bernard Poignant : « La repentance est une méthode pontificale,
marquée du sceau de la pénitence et en attente de rédemption. La quête de la vérité historique, la
recherche inlassable des faits et leur publication relèvent du principe de reconnaissance, donc
d'une méthode laïque et démocratique...De grâce, pas de repentance à répétition, pas
d'anachronisme pour chaque événement, pas d'exception pour qui que soit : les peuples portent en
eux le meilleur et le pire ». («Le Monde» du 13.12.2005)-
Enfin, si l'ancien ministre de l'Algérie, Robert Lacoste, s'est écrié : « De Gaulle a fini la
guerre d'Algérie comme un charcutier... », Bruno de Leusse, ancien membre de la délégation
française lors des pourparlers avec le FLN, répondant au porte-parole du FLN à propos du 19 mars,
Redha Malek, s'était écrié, le 05.05.1989 : « On ne fête pas Waterloo ! ».
DELENCLOS Michel Henri -
Citoyen avisé " Lettre ouverte à M. le président de la République, à Mmes. MM. Les députés et
sénateurs, maires et citoyens de France. "
Avec son aimable autorisation
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