Combien de transportés de 1848 ?

Les états de Belle-Île ne permettent pas d'assurer que les 462 détenus qui y sont recensés ont tous été effectivement transportés en Algérie. En effet, selon le Moniteur et comme indiqué plus haut, le nombre des insurgés de Juin débarqués à Alger par le Gomer et l'Asmodée est respectivement de 224 et 200 soit 424 individus. Mais selon Marcel Emerit, un troisième convoi parti de Toulon arrive quelques jours plus tard à Alger avec un dernier groupe (1). Puis citant les archives du Gouvernement de l'Algérie, Marcel Emerit note qu'au 30 juin 1859 : "... le chiffre exact des déportés de juin en Algérie fut de 459." (2)

Il apparaît donc que travailler à partir des deux listes précitées des détenus de Belle-Île revient à étudier les transportés de 1848. D'autant plus que ces deux listes recensent 459 personnes, auxquelles il faut rajouter selon un état complémentaire 3 détenus supplémentaires, "dont la commission n'a pas cru devoir maintenir l'ordre de mise en liberté", les dénommés : Jean Baptiste Maritus, 27 ans, voiturier, Edouard Rigaudin, voyageur et Antoine Valachon, 31 ans, forgeron (3).

"Dangereux" et "Repris de justice"

Les détenus de Belle-Île sont classés en deux groupes : les "repris de justice" et les "dangereux". Les repris de justice ont tous déjà été condamnés pour des infractions relevant du droit commun ; ils sont au nombre de 234. Les "dangereux" sont ainsi dénommés en référence à l'ardeur de leurs opinions politiques ; ils sont au nombre de 225. La catégorie à laquelle appartiennent les trois transportés supplémentaires, Maritus, Rigaudin et Valachon n'est pas précisée.

Etat civil - (Voir tableau)

Au point de vue de l'état civil, les repris de justice, en moyenne plus âgés, sont mariés pour 41% d'entre eux, soit 84 individus, contre 39, soit 20% chez les "dangereux". Huit repris de justice sont déclarés non mariés et 9 veufs, enfin 103 sont célibataires. Pour les "dangereux", les mêmes références donnent 3 veufs, 4 non mariés et 147 célibataires. Les mentions d'état-civil ne sont pas indiquées pour 62 détenus dont 30 repris de justice et 32 "dangereux" (les pourcentages précités ont été établis sur ces bases soit 204 repris de justice et 193 "dangereux").

Enfants - (Voir tableau)

Les états de Belle-Île font également mention de 161 enfants issus de ces détenus dont 131 de couples mariés, 16 de non mariés, 10 de veufs et 4 de célibataires. Par rapport au classement "dangereux" et repris de justice, 50 enfants sont issus des premiers qui sont également les plus jeunes et parmi lesquels on trouve le plus de célibataires et 111 enfants des seconds.

1. Marcel EMERIT, "Les déportés de 1848", Revue de la Société d'études de la Révolution de 1848, 1948, tome 39, Bulletin n° 181, pp. 1 à 9.
2. "Archives du Gouvernement de l'Algérie (G (2) 7 et G (2) 11)", selon Marcel EMERIT, op. cit. Voir également dans le même article, page 8, la note n° 21 : "Une autre statistique, du 1er juillet 1859 (ibid. G 7) donne le même chiffre global de transportés (459), mais dit qu'il n'en reste que 73 en Algérie..."
3. A.N., série Marine, BB 4 1039.

Notons que deux d'entre eux sont pères de 5 enfants : un bitumier de 42 ans, François Auguste Jolin, né à Villey-le-Sec dans la Meurthe, repris de justice déjà condamné 4 fois pour vagabondage, rébellion et outrages ; et Louis Alexandre Riquier d'Auxi-le-Château dans le Pas-de-Calais, un instituteur de 44 ans signalé comme "Mauvais esprit, un des auteurs du factum adressé à Lagrange. Propagandiste", et de ce fait classé dans les "dangereux".

http://criminocorpus.revues.org/153



Mis en ligne le 26 fev 2011
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