Carnoux : genèse d'une ville étonnante

Créée en 1966, Carnoux-en-Provence est la 119e commune des Bouches-du-Rhône. Cette ville nouvelle, qui n'a pas de centre ancien, est structurée par des bâtiments d'architecture moderne. Elle est le fruit d'une histoire singulière qui prend ses racines outre-Méditerranée.

L’histoire de Carnoux a commencé à Casablanca ! Si étonnant que cela puisse paraître, c’est en effet le 24 mars 1957 dans cette ville marocaine que deux entrepreneurs, Emilien Prophète et Gilbert Cabanieu, fondent la Coopérative immobilière française (CIF). Il s’agit alors de créer un groupe d’habitations afin d’y reloger les Français du Maroc après la fin du protectorat français en 1956. Emilien Prophète jette son dévolu sur 419 hectares du vallon situé entre Aubagne et Cassis, proche de la future autoroute qui desservira Marseille. Il n’y a alors que deux propriétés, la Grande bastide du XVIIIe (ancien relais de diligences) et la ferme du Mussuguet. Rien d’autre si ce n’est la garrigue brûlée par le soleil et balayée par le mistral.

Un objectif : viabiliser

La CIF installe ses bureaux dans la seule demeure de style, la bastide de la Crémaillère qui est aujourd’hui un hôtel-restaurant. Dès 1958, les deux architectes de la CIF, Jean Rozan et Henri Faure-Ladreyt, vont y lotir, bâtir, édifier et viabiliser ce qui n’est alors qu’un lieu-dit, assis à la fois sur deux communes et deux cantons. Des travaux considérables sont entrepris, villas à toit plat, immeubles, commerces, station de pompage pour approvisionner le vallon en eau, tout-à-l’égout et station d’épuration, gaz et électricité, routes et voies de communication.
Ces travaux durent plusieurs années pendant lesquelles la cité est un chantier permanent. Les pionniers ont tracé les voies communales et les ont aménagées, ainsi que l’actuelle départementale reliant Aubagne à Cassis. Une école est même installée dans un garage et les messes sont célébrées dans l’ancien pressoir à raisin de la Crémaillère.
En dépit d’une phase de travaux réussie, la commercialisation du groupe d’habitations est difficile. En 1962, 2,4 % des adhérents de la CIF vivent à Carnoux toute l’année. Pour les autres, c’est un lieu de villégiature estivale. Il n’y a, en avril 1962, que 242 habitants, alors que la coopérative en prévoyait 4000.

L’arrivée des pieds-noirs

L’année 1962 voit arriver en métropole près d’un million de rapatriés d’Algérie. Nombre d’entre eux entendent parler de Carnoux, cité créée par des Français rapatriés du Maroc, et décident de s’y installer. Dès 1963, un changement démographique s’opère et la cité compte 1200 habitants permanents. C’est alors qu’un groupe de Carnussiens issus du Maroc et d’Algérie réclame au préfet une enquête publique afin que Carnoux soit érigée en commune de plein exercice.
Après deux échecs, un groupe d’opposants au rattachement de Carnoux à la commune d’Aubagne est initié. Il s’agit du « Comité des cinq », une entité présidée par Ignace Heinrich, vice-champion olympique du décathlon venu du Maroc, réunissant Melchior Calandra, rapatrié d’Algérie, Maître Paul Bonan, originaire de Tunisie, André Laforest et Adolphe Faure, rapatriés du Maroc.
En multipliant les campagnes de presse et les réunions publiques, les Carnussiens engagés dans cette démarche obtiennent finalement gain de cause. Le 26 aout 1966, le premier ministre Georges Pompidou décrète Carnoux-en-Provence commune de plein exercice. En janvier 1967, le premier conseil municipal est élu, avec à sa tête Pierre Maret, premier maire de la commune. La CIF sera dissoute en 1975 et cèdera alors l’ensemble de son actif à la commune.

Notre-Dame d’Afrique

Carnoux est un cas unique en France. Une communauté en exil, celle des Français d’Afrique du Nord, a créé une ville ex nihilo, à partir d’une volonté privée et par autofinancement. Au fil du temps, les bâtisseurs ont construit des lieux de mémoire et en premier lieu, l’église Notre-Dame d’Afrique qui a vu le jour en mars 1966 avant même que Carnoux devienne une commune.
Par la suite, seront érigés la place Maréchal Lyautey, le stade Marcel Cerdan ou encore le cimetière et son arche monumentale qui réunit en sa base des échantillons de terre provenant de toutes les anciennes colonies françaises. Dès 1963, des rassemblements de populations rapatriées sont organisés, préfigurant ainsi le pèlerinage de Notre-Dame d’Afrique qui se déroule chaque année le 15 août sur la place Lyautey.
Terre d’accueil, Carnoux née de l’abnégation d’un groupe de pionniers visionnaires, a su trouver son juste équilibre en regardant l’avenir sans pour autant oublier le passé.

Jean-Pierre ENAUT, TPBMP
Le 09 novembre 2016

http://www.tpbm-presse.com/carnoux-genese-d-une-ville-etonnante-1630.html

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Mis en ligne le 19 novembre 2016

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