Un épilogue de la guerre d'Algérie longtemps ignoré. Le documentaire L'Amère Patrie évoque ce lundi le rapatriement en France des pieds-noirs d'Algérie à l'été 1962. En quelques semaines, près d'un million de ces Européens d'origine française, italienne ou espagnole gagnent l'Hexagone sous la pression des violences entre l'OAS et le FLN ; et ce dans l'indifférence voire l'hostilité de l'État gaulliste et des métropolitains.
Comme le décrit L'Amère Patrie, tout se ligue contre les exilés. Après près de vingt-cinq ans de guerres mondiale et coloniales, les Français aspirent à la paix. " Quand nous sommes entrés à Marseille, j'ai compris que les gens qui pêchaient sur les pontons n'avaient rien à faire des problèmes de l'Algérie ", raconte, fataliste, le réalisateur Jean-Pierre Oualid. Aucun intellectuel ne soutient les pieds-noirs. Jean-Paul Sartre appelle même à l'élimination des colons " oppresseurs ". Alors que la majorité des Français d'Algérie débarquent dans un dénuement total, comme les parents de la comédienne Marthe Villalonga arrivés avec deux valises et 2 000 francs en poche, les métropolitains voient dans ces réfugiés l'archétype du propriétaire nanti. Les autorités s'enfoncent, elles, dans le déni, parlant au départ de simple afflux de vacanciers.
Entassés dans des studios, les pieds-noirs se reconstruisent malgré un mépris quotidien. " Alors que nous étions français, nous avons été accueillis comme des étrangers ", regrette le chanteur Enrico Macias. La mère du journaliste Jean-Paul Mari devint femme de ménage. " Une femme seule et pied-noir en 1962, c'est un peu comme une Malienne sans papiers aujourd'hui ", résume son fils. En l'absence de solidarité nationale, l'intégration passe par le dynamisme économique des Trente Glorieuses. La culture joue aussi un rôle important. La pièce de Robert Castel et Lucette Sahuquet " Purée de nous z'otres " ou les chansons d'Enrico Macias dessinent une image du pied-noir rassurante, comique. Mais, in fine, cette adaptation se fait aussi au prix d'une douloureuse loi du silence. " On en mourait de chagrin ", se souvient l'opticien Alain Afflelou.
Mêlant analyses d'historiens et témoignages poignants d'une dizaine de pieds-noirs plus ou moins connus, L'Amère Patrie se termine sur un dernier plan hantant. Sur le visage des intervenants muets défilent des images d'archives. Comme le rappellent les réalisateurs Frédéric Biamonti et Marion Pillas, au fur et à mesure que le temps passe, se pose la question de la mémoire de cet exode. Qui sera là pour la porter et la transmettre ?
1962. Le FLN et la France signent les accords d’Evian qui mettent fin à 8 ans de guerre et 130 années de colonisation. Pour les Pieds-Noirs, c’est-à-dire l’ensemble de la population européenne vivant sur le sol algérien, tout est prévu : ils resteront sur place et pourront se fondre dans la nation indépendante. Pourtant, les violences entre l’OAS et le FLN en décident autrement. Rien qu’en 1962, ils sont près d’un million à rejoindre la Métropole. Un afflux qui dépasse les administrations, surprend les politiques et inquiète la population. Pressés de s’intégrer dans une nation qui peine à les reconnaître comme siens, les rapatriés hésitent entre honte et colère. Documentaire diffusé le 10/09/2012 à 23h10 sur FR3. " http://programmes.france3.fr/documentaires/index.php?page=doc&programme=docs-interdits&id_article=3015 |
Mis en ligne le 14 janvier 2013