Dans certains cas, la déception et le sentiment de trahison à l'égard de la France a été ressenti avec une telle force que quelques Français d'Algérie ont préféré s'installer ailleurs.
Ainsi, si la majorité opte pour la France, " certains se disent que l'exil serait peut-être moins douloureux dans un autre pays, qu'ils ont éventuellement plus de chances de trouver ailleurs qu'en France des conditions de vie comparables à celles de l'Algérie. Ceux-là acceptent de délaisser la métropole pour des horizons plus généreux. 30 000 juifs d'Algérie s'embarquent pour Israël. A part certains d'entre eux, (…) beaucoup restent en marge de la société israélienne plus accueillante pour les juifs européens que pour les juifs orientaux. Aussi, les deux tiers de ceux qui partent en Israël regagneront bientôt la vieille Europe. " 1 " En 1951, il y avait 15 000 Juifs à Tanger. Après l'indépendance du Maroc en 1956, malgré les appels au calme des dirigeants, de nombreuses familles émigrèrent à Madrid, à Genève, au Canada ou aux Etats-Unis. Seulement quelques centaines choisirent Israël. (…) La communauté juive de Tétouan, jadis appelée Tamuda, aurait existé, d'après les archéologues et les historiens, avant la conquête musulmane. " 2

En effet, ils seront quelques uns à se tourner vers le Canada, cette " petite France d'Amérique ", [qui] vient de lancer un plan de développement et s'ouvre à leur entreprise. (…) Le marché de l'emploi y étant moins saturé qu'ailleurs, [les Français d'Algérie] s'intègrent d'autant plus rapidement que la sensibilité québécoise ressemble par bien des aspects à la leur. " 3 Ancienne terre française " perdue et oubliée " 4, le Canada représente " le refuge idéal pour quelques milliers de pieds-noirs. De plus et ce n'est pas pour leur déplaire, cet exil outre-Atlantique, et la nouvelle vie qu'il propose, leur rappellent l'aventure algérienne dans laquelle leurs ancêtres se sont lancés quelques 130 années auparavant.
Cet " esprit pionnier ", aventurier, presque jusqu'au-boutiste se fait encore plus sentir chez ceux qui optent pour l'Amérique du sud. En effet, " le dernier carré (…) refuse d'emprunter les sentiers battus. Ils sont prêts à tout pour recommencer l'œuvre " civilisatrice " interrompue par l'indépendance. " 5
La tentation dépassera même parfois la seule période de l'exil, puisqu'elle constituera, pour certains, une sorte d'échappatoire à une vie métropolitaine qui ne leur " convient " pas.

" Néanmoins, c'est en Espagne, ce vieux pays qui a perdu depuis beau temps son esprit pionnier, que les candidats seront les plus nombreux (…). Cet empressement n'a rien d'étonnant. Entre l'Algérie et l'Espagne, les liens ont toujours été très profonds : entre l'Espagne républicaine et la colonie espagnole d'Oranie pendant la Guerre civile ; entre l'Espagne franquiste, et les partisans les plus durs de l'Algérie française ensuite. " 6
D'ailleurs, " c'est tout naturellement dans ce pays que les cadres de l'OAS, poursuivis par la justice française, trouveront refuge. C'est là aussi que les " néos " espagnols transplantés en Algérie depuis trop peu de temps auront, plus qu'en France, le sentiment d'être chez eux. " 7
Terre ancestrale d'une partie des Français d'Algérie, l'Espagne deviendra " le seul havre acceptable pour beaucoup d'autres. " 8 Malgré un certain éparpillement des départs et des destinations, la très grande majorité des Français d'Algérie choisiront la métropole. Encore meurtrie, elle vit à travers ce " voyage " l'un de ses actes fondateurs. Le rapatriement amène, à lui seul, son lot de douleurs et d'incertitudes à des Français d'Algérie pourtant non encore confrontés au quotidien métropolitain et à leurs compatriotes.

(1) Daniel Leconte, Les pieds-noirs: histoire et portrait d'une communauté, op. cit., p. 240
(2) Ibid, p. 139
(3) Daniel Leconte, Les pieds-noirs: histoire et portrait d'une communauté, op. cit., p. 241
(4) Joëlle Hureau, La mémoire des Pieds-Noirs de 1830 à nos jours, op. cit., p. 78
(5) Daniel Leconte, Les pieds-noirs: histoire et portrait d'une communauté, op. cit., p. 241
(6) Joëlle Hureau, La mémoire des Pieds-Noirs de 1830 à nos jours, op. cit., p. 78-79
(7) Ibid
(8) Ibid

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Mis en ligne le 24 avril 2011

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