L'année 1962 reste pour l'immense majorité des Français l'année des accords d'Evian et de la fin de la guerre d'Algérie. Elle est aussi pour certains d'entre eux celle du retour en métropole et de la rupture avec une terre natale ou ancestrale. Dans ce " grand dérangement " qui a marqué notre pays voilà quarante ans, la Marine nationale a apporté sa contribution au service de la collectivité démunie. Noyée dans la mutation vers la marine de l'âge atomique, cet épisode de l'histoire navale nationale a été " oublié ", comme l'a été jusqu'à fort récemment le reste de la tragédie algérienne (1). Après avoir établi les sources existant sur ce sujet, l'ambition de ce travail est de répondre aux cinq questions suivantes.

- Quelle a été cette contribution de la Marine au rapatriement des Français d'origine européenne ?
- En quoi, à travers l'exemple des supplétifs de la D.B.F.M (Demi Brigade de Fusiliers Marins ndlr) a pu consister l'aide apportée aux harkis ?
- Quelle audience a t'elle eu dans les journaux de l'époque ?
- Quelles ont été les conséquences sur le moral des personnels de la Marine ?

Il ne pourra cependant être question ici de l'étude des conditions de réinsertion des personnels civils et militaires de la Marine rapatriés en métropole : la législation est abondante (2) sur ce sujet mais ce n'est pas là notre propos et, hormis le cas très particulier des harkis de la D.B.F.M., les mesures de recasement des autres personnels ne seront pas évoquées.

Etat des sources

Les sources qui ont permis la réalisation de cette étude se trouvent dans leur quasi-totalité dans les différents échelons du service historique de la Marine. Cependant, s'il existe à Vincennes, une série VV intitulée Guerre d'Algérie, Maroc, Tunisie, ce n'est pas là qu'on trouvera les archives susceptibles d'améliorer notre connaissance du sujet (3). Sur le rapatriement en France des supplétifs de la Marine française, le carton VV FT 14 comporte quelques documents intéressants datés du printemps et de l'été 1962, mais révélant une vérité éparse (4). De fait, les archives regroupées dans cette série concernent essentiellement les activités opérationnelles des unités de la Marine : Surveillance maritime, Demie Brigade de Fusiliers-Marins, Unité de Détection au Sol de la Marine sur la ligne Morice, etc... Fort logiquement, les derniers papiers de chacune de ces unités concernent leur dissolution ou leur recasement en métropole, intervenue généralement entre mars et juin 1962, soit très peu de temps après l'entrée en vigueur des accords d'Evian (19 mars).

Aussi, les archives des différents services de l'état-major de la Marine se sont-elles révélées particulièrement précieuses pour combler - partiellement, hélas ! - quelques béances chronologiques. Ainsi, les papiers du service administratif (5), les rapports d'inspection générale (6), les notes reçus des officiers en poste à Alger comme attaché de l'Air, de Terre et de Mer (7) ou du bureau des Etudes générales (8) ont apporté leurs contributions à la reconstitution de ce puzzle...

Enfin, des sondages répétés et précis dans le Chrono de l'année 1962 ont fourni des précisions supplémentaires (9). Par ailleurs ont été consultés les rapports de fin de commandement des unités concernées (10). Une autre piste de recherches a été celle des archives des bâtiments déposées dans les différents échelons régionaux du service historique proches des ports où ils ont été désarmés.

Sur douze bâtiments repérés ayant participé à ces opérations d'évacuation, cinq ont retenu l'attention. Il s'agit tout d'abord du porte-avions La Fayette à la fois pour sa valeur symbolique de grande unité de combat, sa capacité d'emport à nulle autre comparable et l'écho de sa mission dans les média. Par ailleurs, ont été retenus, pour leur souplesse d'emploi et leur travail quotidien au contact des unités à terre en Algérie ou en métropole, les bâtiments de débarquement de chars (BDC) Argens, Blavet, Cheliff et Trieux.
Il serait légitime d'ajouter aussi pour le caractère emblématique des vicissitudes que leurs archives ont connues.

Ainsi, le porte-avions La Fayette est de loin l'unité dont les archives sur cette période et ces opérations sont le mieux conservées (11). La proximité de la fin de son service actif dans la Marine nationale et sa restitution à la marine américaine en février 1963 d'une part, le fait que son dernier commandant, le capitaine de vaisseau (CV) Marcel Duval, fut celui qui le commanda lors des rapatriements d'Algérie d'autre part peuvent expliquer cette sauvegarde. Pour les quatre BDC, les journaux de bord et de navigation ont survécu, mais la majeure partie de leurs archives a été l'objet d'une destruction regrettable (12). Cela est dû à la fois au nombre important de campagnes qu'ils ont accomplies par la suite et à l'ignorance des instructions du chef d'état-major de la Marine (13) par les commandants de ces unités.

Enfin, les archives orales (14) et la littérature ouverte (15) ont apporté quelques précieux renseignements complémentaires. Mais cette étude ne peut et ne se veut d'ailleurs pas exhaustive et son auteur a clairement conscience de l'aspect fragmentaire de sa recherche.

L'importance du flux

Cette question est importante à plus d'un titre. En effet, elle a justifié la mise à contribution à la demande expresse des plus hautes autorités de l'Etat des moyens disponibles de la Marine nationale. L'ampleur du mouvement de fuite, après le 5 juillet 1962, dépassait de loin les hypothèses les plus pessimistes. A la fin de 1961, avait été envisagée la possibilité d'un retour échelonné sur 4 ans de 400 000 personnes. Déjà, après le 1er mai 1962, le nombre des " repliés " dépassait largement ces prévisions. Une conférence a lieu à l'Etat-major du ministre des Armées au sujet d'une aide éventuelle des armées au ministère de l'Intérieur pour l'accueil des réfugiés d'Afrique du nord le 23 mai : les possibilités sont réduites et il est juste envisagé un concours en personnel, une cession à titre onéreux de matériels au Secrétariat d'Etat aux Rapatriés, mais pas ou peu d'hébergements (16). Or là est la question essentielle.

Les compagnies de navigation maritime privées (C.G.T., Messageries Maritimes, Transat, Paquet) ne pouvaient plus faire face à cette demande de transit vers la métropole. La soudaineté de cette avalanche humaine sur les quais d'Alger et d'Oran doit toujours être présente à l'esprit pour évaluer correctement le drame humain et matériel qui se joue là.
Cependant la connaissance de ce flux en tant que tel n'est pas l'objet de cette communication et on aura tôt fait de constater à quel point la participation de la Marine nationale à cette exode aura été numériquement marginale pour l'évacuation de la population européenne encore que fondamentale pour celle des harkis. Les chiffres retenus pour les deux graphiques joints sont tirés de l'ouvrage de M. Jean-Jacques Jordi (17) ; ils viennent de l'Annuaire de l'Afrique du Nord publié en 1969.

En comparaison de ces masses de civils repliées sur la métropole, la contribution de la Marine est donc symbolique: pour le mois de juillet où elle atteint son maximum, elle ne dépasse pas 8% du total. Elle est aussi difficile à appréhender : l'urgence dans laquelle tout cela s'est passé explique l'ignorance du nombre précis des personnes, civiles ou militaires, transportées par les bâtiments de la Marine entre mai et juillet 1962.

Dès le 18 juillet, le délégué de la Croix Rouge internationale de Genève en mission à Oran pour rechercher les personnes disparues au cours des événements du 5 juillet adresse une première demande à l'état-major de la Marine pour connaître la liste nominative des réfugiés transportés par le porte-avions le 9 juillet précédent. Aucune liste générale des passagers n'ayant été faite, le commandant ne peut que renvoyer à la sous-direction de la police de l'Air et des Frontières à Paris qui en a établi une des hommes âgés de 17 à 60 ans (18). Par ailleurs, depuis le début du mois d'août, l'état-major des armées souhaite être informé très précisément des statistiques de trafic "Transport" sur l'Algérie (19). il est possible de reconstituer en fonction de ces chiffres l'extrême fin des transports opérés par les bâtiments et les avions de la Marine.
C'est l'objet du tableau ci-après :

Il est remarquable que le total cumulé des transports effectués par mer ou par air par la Marine au bénéfice des personnes civiles sur ces quatre mois entre l'Algérie et la France est toujours égal (octobre) ou largement supérieur au total cumulé des transports effectués dans l'autre sens (août, septembre et novembre).

A la fin de l'année, la Direction du Personnel civil du ministère des Armées adresse à l'état-major de la Marine une liste des Européens présumés disparus à Oran et dans ses environs entre le 1er janvier et le 31 juillet 1962. La demande jointe à cette liste vise à la vérification qu'il n'y a pas eu parmi ces personnes tenues pour disparues certaines qui auraient été transportées en France sur des bâtiments de la Marine nationale. En conséquence, le CEMM ordonne à tous les commandants d'unités qui ont pu être intéressés par ces transports de lui fournir incessamment " la liste des passagers civils à l'exclusion des harkis et de leurs familles " (20). Cette recherche permet l'identification a posteriori des unités concernées. Elles sont au nombre de dix. Il s'agit des :

- Porte-avions Clemenceau " BDC Argens
- Porte-avions La Fayette " BDC Bidassoa
- Destroyer Malgache " BDC Blavet
- TCD La Foudre " BDC Dives
- LST Cheliff " BDC Trieux
Le 26 octobre, le CEMM communique sa réponse: elle est négative et catégorique en ce qui concerne tous les bâtiments de la Marine nationale, à l'exception notable du porte-avions La Fayette. En effet, dans ce cas, "les transports de passagers civils ont été effectués dans des conditions telles qu'aucune liste n'a été établie par le port d'embarquement" (21). L'amiral Cabanier ne peut que renvoyer son interlocuteur rue des Saussaies, auprès des services des Renseignements Généraux qui ont effectué des contrôles d'identité dans la dernière partie du voyage et préalablement à toute descente à terre. Pour les autres bâtiments, les listes des personnes civiles transportées existent bien mais elles ont été annexées à la comptabilité Vivres du bord et transmises au commissaire de la Marine chef du centre administratif de la base dont dépendaient alors les bâtiments (Toulon, Mers el-Kébir). A cette heure, elles n'ont pas encore été repérées au sein des archives du SHM….

Pour ce qui est des bâtiments de la flottille amphibie, les missions de transport étaient devenues leur lot depuis le 3 mai. Par message chiffré daté de ce jour et jusqu'au 1er septembre 1962, " en raison des nécessités opérationnelles actuelles en AFN, l'amiral Premar IV fixera directement les missions à effectuer par les bâtiments de la flottille amphibie Foudre, BDC et EDIC. (…) Le Département pourra adresser à Premar IV les missions prioritaires éventuelles à faire effectuer par ces bâtiments. L'activité d'entraînement est provisoirement placée en 3ème urgence " (22).
En fin de compte, l'annexe 2 regroupe les différents renseignements qu'il a été possible de réunir sur la masse des civils et des militaires FSE et FSNA transportés par la Marine nationale.

L'évacuation des harkis

Au début de 2002, une polémique est née de certains papiers exhumés des centres d'archives militaires mettant en cause la responsabilité du chef de l'Etat, le général de Gaulle, de M. Pierre Messmer, ministre des Armées, et de Louis Joxe, ministre d'Etat aux affaires algériennes (23). Il était question d'une volonté déclarée du gouvernement d'entraver le regroupement en France des supplétifs, par crainte de l'arrivée parmi eux des commandos OAS en métropole décidés à y installer la guerre civile. A ce jour, il n'a été retrouvé trace d'aucune de ces décisions dans les archives de la Marine consultées pour ce travail. Cela ne veut pas dire que nous en nions l'existence, seulement que la répercussion au niveau de l'état-major de la Marine nous en est inconnue.
La chronologie globale décrite par le général Maurice Faivre (24) nous a semblé au vu des archives de la Marine exacte.

En fait, il apparaît que les supplétifs de la Marine ont bénéficié d'une " fenêtre de tirs " entre février et juin 1962 pour passer en métropole. Le 21 février, le général de Gaulle déclare à Nafissa Sid Cara : " Nous avons le devoir de nous en [= les Musulmans fidèles à la France] occuper aujourd'hui, nous devrons nous en préoccuper demain " (25).
En mai, l'attitude du chef de l'Etat a évolué et l'OAS, selon lui soutenu par la majorité des Pieds Noirs (26), fragilise les accords d'Evian. La mesure atteint son comble avec la non-condamnation à mort de Raoul Salan (23 mai). Les rapatriés, quels qu'ils soient, en auraient alors subi les conséquences. Le salut des supplétifs de la Marine est venu de la défiance des officiers de cette armée envers le futur pouvoir algérien et sa promesse de respecter les accords d'Evian. Les événements prouvent qu'ils ont eu raison.

En effet, le sort des supplétifs a très tôt préoccupé un nombre important d'officiers de Marine. Dès que le scrutin d'auto-détermination est devenu une réalité vers laquelle le gouvernement de la République avait décidé de se diriger inéluctablement, de nombreux responsables de la Marine ont cherché les moyens les plus appropriés de protéger ceux qu'ils " avaient loyalement engagés à combattre à leurs côtés " (27).
La déflation des effectifs à partir de 1961 et les difficultés administratives opposées à l'enrôlement de ces soldats dans les rangs de l'Armée française (28) expliquent leur regroupement, puis leur transfert pour en assurer la protection.
L'initiative vient fort logiquement de la D.B.F.M. Les autres unités de la Marine, particulièrement les bâtiments, ne recouraient que parcimonieusement aux recrues FSNA. Le commandement en effet n'ignore pas qu'elles sont soumises à de fortes pressions de la part du FLN. Quatre d'entre elles par exemple désertent pendant une escale du porte-avions La Fayette à Bizerte et une autre est absente "illégalement" en Algérie. Tant et si bien que le CV Duval, soutenu par le VAE Barthélémy commandant l'escadre, demande et obtient le débarquement de toutes les recrues FSNA (29).
Par ailleurs, les 300 recrutés et inscrits maritimes FSNA servant encore en juin dans la IVème Région sont débarqués de leurs unités et rassemblés le 23 dans les centres les plus proches (Mers el-Kébir, Alger ou Bône). Ils sont le lendemain transférés par voie ferrée sur Constantine en détachements de 20 encadrés par un officier et un officier marinier (30).
Les effets militaires seront rendus à la Marine à l'exception des chaussures et d'une tenue de combat attribués à chacun des démobilisés par les services de Mers el-Kébir et d'Alger (31).

Pour ce qui est des harkis, il en va tout autrement. La D.B.F.M. se replie avant la fin du mois d'avril 1962, le 3ème bataillon sur Mers el-Kébir, les deux premiers sur Toulon (32).
Une mesure temporaire et d'attente a consisté à ce moment-là à installer quelques familles de harkis dans des baraquements partiellement inoccupés qui avaient servi aux ouvriers lors de la construction du complexe stratégique de Mers el-Kébir.
Cependant, les accords d'Evian accordent le privilège de l'extra-territorialité aux seules installations militaires de la base dans sa dénomination la plus stricte, annihilant à terme les effets de cette première garantie.
Le transfert en métropole devient indispensable pour la partie d'entre les plus menacés (33).

Le 9 mars est créée l'Association Amicale de la Demi- Brigade des Fusiliers Marins (34) (AADBFM) dans le but de venir en aide aux anciens harkis. Elle est placée sous le patronage de l'amiral Cabanier, chef d'état-major de la Marine.
Une note circulaire du 21 avril fait connaître à toutes les unités l'existence de cette association (35). Le CEMM encourage d'ailleurs les dons " en faveur de ceux qui n'ont jamais compté leur dévouement envers la France " (36). L'association s'est d'autant plus rapidement développée que, privilège rare, les officiers d'active ont reçu l'autorisation du ministre des Armées d'y adhérer (37) : on comptera jusqu'à 295 membres actifs ; 2000 membres donateurs et bienfaiteurs qui recueillent plus d'un demi-million de Francs de l'époque…

La situation s'est très rapidement dégradée en Oranie à partir de la fin du mois d'avril: aux violences perpétrées par l'Organisation Armée Sécrète répondent les violences du F.L.N. dans un cercle sans fin (38). Aussi, les évacuations vers la métropole commencent à la fin de mai. Le 5 juin, le Blavet reçoit l'ordre d'effectuer le " transfert en métropole de supplétifs FSNA menacés et de leurs familles ". A cette occasion, la position du gouvernement est explicitée :

- Les intéressés sont pris en charge par les armées depuis le point de regroupement en Algérie jusqu'au camp du Larzac où ils seront rassemblés en attendant un " recasement " ultérieur en France.
- Les mouvements de transfert seront terminés avant le 1er juillet.
- Les supplétifs à embarquer seront constitués en détachements encadrés. Le personnel d'encadrement comprendra pour 100 personnes un officier ou sous-officier sous contrat provenant des SAS destiné à demeurer au camp du Larzac en détachement permanent. Un sous-officier et un gradé supplémentaires de convoyage seront fournis par l'armée qui rejoindront l'Algérie au terme de leur mission.
- Le commandement du camp du Larzac sera assuré par un officier disposant de personnel d'intendance, de santé et de génie ainsi que d'une compagnie de camp. Tous ces éléments seront fournis par la métropole.
- Les dépenses correspondant au transfert et à l'hébergement seront rembourses par le Secrétariat d'Etat aux rapatriés, par voie des administrations centrales" (39).

L'alimentation des adultes et des enfants pouvant absorber une nourriture solide (pain de guerre et denrées d'accompagnement: chocolat, fromage ou confiture; boissons chaudes: thé et café) sera assurée pendant la traversée par la Marine. En ce qui concerne les enfants en bas âge, l'armée de Terre fournira l'approvisionnement en lait concentré nécessaire aux deux jours de traversée. Le volume des bagages pouvant être emporté par les rapatriés "ne devra pas dépasser un mètre cube par personne et, en aucun cas, les animaux ne seront tolérés" (40). Les BDC Trieux et Argens débarquent ainsi ceux des hommes de la DBFM (692) qui ont accepté de quitter les départements d'Algérie et leurs familles à Marseille entre le 10 et le 16 juin 1962.

A la date du 19 juillet, le major général de la Marine fait le point sur l'insertion de ces supplétifs en métropole et l'action de l'AADBFM. 692 personnes sont concernées. La moitié des familles à cette date ont été l'objet de mesures d'installation spécifiques qui les ont sorties du camp du Larzac et réinstallées en Ardèche (Largentière - Pennaroya, cité de Neuilly Nemours et ferme de Rocles), dans la Drôme (grâce à l'Office National des Eaux et Forets) et dans les Charentes (en tant qu'ouvriers agricoles) (41).

Les conditions du transport.

Dans son article du 10 juillet 1962 (42), le journaliste de La République du Var écrivait en reprenant les propos du commandant du bâtiment que la traversée s'était bien passée.
Effectivement. Mais les conditions générales du transport furent assez pénibles, même si " l'équipage du La Fayette s'est multiplié ". Le temps fut calme et la vitesse de la traversée put atteindre 24 nœuds mais le porte-avions n'avait pas été conçu pour transporter autant de personnes.
A Mers el-Kébir, au moment de l'embarquement en zone industrielle, comme à Milhaud, la chaleur est étouffante, accablante. Des toiles de tente et des morceaux de tissus ont été tant bien que mal tendus pour abriter les réfugiés de la chaleur.
Par ailleurs, en Oranie, le désordre est très grand. C'est la fin d'un monde: " Les valises s'entassent partout, gênent le passage. On ne les enjambe plus. On marche dessus sans se soucier de savoir à qui elles appartiennent ".

Le moment du chargement n'est pas toujours aisé : ainsi, lors de la préparation d'un précédent voyage entre Bône et Marseille, le CV Duval avait déjà appelé l'attention de l'état-major sur l'impossibilité de charger 50 véhicules et 600 tonnes de bagages avec la seule grue du La Fayette qui ne pouvait soulever au maximum que 6 tonnes (43). Le tour de force a cependant été réalisé puisque lors de ses trois rotations, le porte-avions ne reste au total à Mers el-Kébir que 15 heures pour charger 8 000 passagers 1 000 tonnes de bagages et 400 véhicules environ (44), A l'issue de la première rotation effectuée entre Mers el-Kébir et Toulon, le CV Duval se montrera très élogieux quant à l'attitude de l'équipage " à tous les échelons remarquables de gentillesse et de dévouement ", mais marquera aussi les limites d'un tel recours au porte-avions : " Le transport d'un tel nombre de passagers n'est possible qu'en cas d'extrême urgence et par très beau temps comme ce fut le cas pendant cette traversée. Sinon, il convient de ne pas dépasser 1 500 ".
De même, " l'embarquement des véhicules et des bagages en montée acceptées ici en raison des circonstances ne pourrait être renouvelé que si le port d'arrivée dispose d'une grue, ce qui n'est pas le cas actuellement de Toulon. L'embarquement et le débarquement par la seule grue du bord qui n'a pas été prévue pour un service continu demeure très aléatoire " (45).
Le second et le troisième voyage se dérouleront " sans incident " (46) si ce n'est les 4 dernières heures de la traversée soumises au mistral et à une forte houle.

Outre les séquelles physiques et morales des atrocités commises à Oran le 5 juillet, la situation sanitaire se révèle rapidement préoccupante dans les ports algériens. Ainsi, l'Aurore parle de " nombreux cas de diarrhée et d'eczéma chez les enfants en bas âge à qui il est souvent difficile de préparer des biberons " (47). Des dortoirs de fortune avec les ressources de la base (un lit de camp et une couverture par réfugié) et une infirmerie ont été installés dans les locaux des compagnies maritimes. Les vivres prélevés sur les réserves du commissariat et les boules de pain fabriquées par les boulangeries de la base sont distribuées sans compter. Le problème essentiel reste celui de l'eau. L'anecdote du manque de gobelets racontée par l'amiral Alain Denis, alors jeune lieutenant de vaisseau sur un bâtiment de la Surveillance maritime, dans son roman (48), est authentique : le dénuement des réfugiés était aussi grand que l'impréparation de la Marine nationale pour y faire face.

Cela s'explique aisément par le mouvement de grève qui a affecté les inscrits maritimes et les équipages des compagnies maritimes privées assurant les liaisons avec l'Afrique du Nord (Messageries, Transat, etc.) en ce début du mois de juillet 1962. Ce mouvement social a éclaté le 6 juillet et ne prendra fin que le 18. Des bâtiments sont alors spécialement affrétés pour le rapatriement des réfugiés. Le 20 juillet, le paquebot Jean Mermoz est le dernier de ceux-là à quitter le port d'Oran avec 1 200 passagers. Après cette date, il n'y a plus que les rotations régulières entre la métropole et l'Algérie.

A cette date, l'A.F.P. évalue à plusieurs milliers de personnes originaires de l'intérieur de l'Oranie ceux qui attendent encore leur rapatriement. Ainsi, 2 000 habitants de Sidi Bel Abbes sont dans ce cas. C'est la raison pour laquelle le porte-avions La Fayette est dépêché en Algérie pour une troisième rotation. Si les réfugiés ne sont plus que 1 870 et que la situation semble en voie de " normalisation ", il n'en demeure pas moins que " l'appréhension du lendemain, et surtout de la nuit, demeure " (49). Le transit reste encore délicat le 22 juillet : l'attente avant l'embarquement est de 4 jours au minimum dans les locaux des compagnies maritimes.
Mais d'ores et déjà s'amorce un mouvement en sens inverse et on signale le départ pour " l'Algérie " de " 843 Français " et " 1139 Nord-Africains " pour la troisième semaine de juillet (50).

Paris Jour décrit le transport des hardes des réfugiés : " Sur sa piste d'envol : des réfrigérateurs, des postes de télévision, des machines à laver au milieu d'un assortiment de valises ficelées. Tout un bric-à-brac que les matelots devaient enjamber pour effectuer les manœuvres de départ " (51).
A l'intérieur du porte-avions non prévu pour cela, le maintien des conditions minimales d'hygiène est difficile pour ne pas dire impossible. Dans son article du 19 juillet, le journaliste du Méridional-La France évoquera " l'odeur exhalée par le hangar d'aviation où un immense agglomérat d'hommes, de femmes et d'enfants offraient la désolante image immortalisée par Exodus, ces petites gens avec ces "bagages de la honte " qui sont ceux des migrations de la désespérance et de la peur " (52).
A l'arrivée, c'est avec la misère physiologique le choc psychologique qui doit être surmonté et la prostration " comme au sortir d'un terrible accident dont ils seraient indemnes " (53).

L'écho dans les media

Seule, la presse écrite fera ici l'objet de notre intérêt car elle demeure, quarante ans plus tard, notre principale source d'archives. L'écho sur les radio généralistes existant à l'époque (Europe n°1, R.T.L., R.M.C. ou Radio-France) serait certes passionnant. Cependant, le nombre peu important de unes, d'articles et d'entrefilets consacrés par les grands journaux et hebdomadaires nationaux (Le Figaro, Le Monde, Combat, Paris-Match, etc.) à l'action de la Marine dans le rapatriement des Français d'Algérie, F.S.E. ou F.S.N.A (54), et des harkis incite à penser qu'entre le 15 juin et le 9 juillet, les grandes radios généralistes ont très probablement elles aussi peu valorisé cette participation.
Ainsi, Le Monde publie une dépêche de l'Agence France Presse annonçant que " le porte-avions La Fayette a quitté vendredi après-midi Alger pour la métropole avec à son bord 1 100 harkis et leurs familles " (55). Mais dans cette première période qui précède les événements du 5 juillet à Oran, ces rapatriements sont alors envisagés sous un angle un peu narquois : ainsi Paris-Jour ne manque pas de souligner dans la légende d'une photographie montrant une Peugeot 404 en cours de déchargement du pont du porte-avions sur le quai du port de Marseille qu'avec ces harkis " de nombreux Français d'Algérie s'étaient embarqués, en prenant soin de ramener également leur voiture " (56).

Assurément les événements tragiques qui accompagnent l'accession à l'indépendance de l'Algérie attirent l'attention des grands quotidiens nationaux sur le drame qui se joue de l'autre côté de la mer Méditerranée. Le Monde dans son édition du 9 juillet 1962 note que " Le porte-avions La Fayette évacue les familles du personnel de Mers el-Kébir ", soit un total de 2 500 personnes débarquées à Marseille et autant à Toulon qui s'ajoutent aux 576 FSNA arrivés le dimanche précédent (57).
Mais la presse quotidienne provençale se fait elle aussi l'écho régulier et beaucoup plus précis de ces transports. Cela est fort logique car son lectorat assiste à ces rapatriements.
Ainsi Le Provençal et Le Petit Varois, La Marseillaise rapportent l'arrivée des 2 500 réfugiés avec de plus amples détails dramatiques, insistant sur les qualités de cœur du commandant du porte-avions qui, par charité, a pris à son bord plus de personnes qu'il n'avait été initialement prévu et ordonné (58). La République du Var et Le Méridional-La France consacrent le même jour leur une et les deux premiers véritables articles de fond abondamment illustré à ces rapatriements. Comparant ce " naufrage humain " à l'Exodus, le journaliste de La République insiste sur la féconde collaboration " entre les services sociaux et administratifs du département et de la ville d'une part, et des grands rouages de la IIIème Région d'autre part " (59). Il salue aussi l'action des organisations bénévoles et caritatives. Une fois les opérations de contrôle effectuées par les fonctionnaires de la Sûreté nationale héliportés avant même l'arrivée en vue des côtes métropolitaines, le porte-avions accoste : les ambulances de Marine, de la Croix Rouge, de la Fédération nationale de sauvetage évacuent d'abord les invalides et les impotents vers les hôpitaux (Saint Anne ou Foch).

Le transbordement se fait alors pour les autres passagers par autocars privés réquisitionnés ou militaires de l'appontement de Milhaud vers le Vème dépôt des équipages aux ordres du CV Cauhapé : là, des équipes regroupant à la fois des médecins militaires et civils essaient tant bien que mal de rendre à la vie " cette véritable cargaison de détresse et de douleurs humaines ". Une pouponnière a été montée de toutes pièces. Le foyer La Naïade est le PC de cette opération Rapatriement d'Oran : à gauche au premier étage, la partie réservée aux militaires, à droite la partie réservée aux civils. Le CV Hemmerich, directeur de l'Action sociale des forces armées, et son équipe prennent en charge les démarches à opérer par les militaires rapatriés. Ces derniers sont ensuite expédiés vers les maisons familiales de l'Action sociale, c'est-à-dire en IIIème Région maritime l'hôtel Continental de Hyères (Var), deux maisons à Açay ( ?), une à Nice (Alpes Maritimes).
En dehors de la IIIème Région, ces rapatriés sont dirigés vers Luchon (Hautes-Pyrénées), Uriage (Isère), Creyssé, Falsbourg, Verney les Bains et Urtel. En face, chez les civils, ce sont les services municipaux ou départementaux des réfugiés qui parent au plus pressé. Le problème se pose pour les familles " composites " : autour du conjoint d'un militaire se sont regroupées des personnes sans lien avec l'armée. Le tri est alors opéré à ce niveau. Des bons de transport sont remis aux personnes nécessiteuses. Les renseignements sont fournis et les rapatriés aiguillés vers des " centres de dégagement " :
Angoulême, la Rochelle, Tulle, Rennes, Lyon. Un autre dépôt dirigé par un officier des équipages de 1ère classe assisté d'infirmières de la Croix Rouge a été ouvert au lycée de la Rode avec une capacité de 600 lits (60). Il fonctionnera jusqu'au samedi 22 juillet avant de passer le relais à l'Ecole des apprentis mécaniciens de Saint Mandrier doté d'une capacité de 300 lits placé sous l'autorité d'un ingénieur mécanicien en chef de 1ère classe (61).

Les deux journalistes insistent enfin sur les causes de cette fuite et notamment les exactions commises le jeudi 5 juillet à Oran : " rafles d'Européens entre les polices rivales du F.L.N. et de l'A.L.N., exécutions sommaires, disparitions inexplicables de Français, vols répétés de voitures, etc... ", " cet excès de haine pour tout ce qui représente la France, la civilisation, le progrès ". Le temps était bien au choix rapide entre la valise et le cercueil.

Pour sa part, le Méridional-La France terminait son supplément du 11 juillet par un appel aux autorités de la Marine nationale : " qu'il nous soit permis maintenant de reprendre cette suggestion émise par de nombreux confrères, par de très nombreux réfugiés ou Français d'Algérie en instance de rapatriement : la Marine nationale qui a déjà fait souvent la preuve de son dévouement, de son efficacité, ne pourrait-elle - grâce à quelques bâtiments - aider au retour en métropole des nombreux Français d'Algérie qui sont bloqués dans les ports et attendent ? "

En effet, la vie de nombreux compatriotes devient infernale de l'autre côté de la Méditerranée, infranchissable faute de bateaux en nombre suffisant. Ce premier retour du porte-avions La Fayette devait ainsi être l'occasion d'une attaque virulente des députés opposés à la politique navale du général de Gaulle. Tel Edouard Frédéric-Dupont, député indépendant du VIIème arrondissement de Paris, qui apostrophe M. Pierre Messmer en pleine séance : " Je voudrais que le ministre des Armées explique l'usage qu'il fait des crédits militaires. Car lorsqu'on lit dans la presse les malheurs de nos compatriotes d'Algérie, on est en droit de se demander où est notre Marine, en dehors du porte-avions La Fayette ? (…) Préparer la guerre de 1970, c'est très beau, mais, avant tout, il faut aujourd'hui sauver l'honneur de la patrie " (62).

Sous la pression des événements algériens et à l'appel des media, du commandant de la base stratégique de Mers el- Kébir (63) et de Jean-Marcel Jeanneney, Ambassadeur et haut représentant de la France en Algérie (64), le porte-avions La Fayette va accomplir sa seconde rotation entre Toulon et Oran Mers el-Kébir. La grève des inscrits maritimes qui paralyse les moyens de la marine marchande persistant encore le 15 juillet, plus de 500 réfugiés s'entassent dans le port de guerre et 1 500 dans la gare maritime d'Oran. Le Méridional-La France estime pour sa part le nombre des Français en instance de départ et obligés de camper sur les quais du port d'Oran à " 15 000 " et souligne " le rôle prépondérant de la Marine lors de l'arrivée de chaque bateau de réfugiés " (65).
France Soir dans son édition du 18 juillet estime le nombre des Européens déjà rapatriés à 400 000 au total dont 32 800 pour la seule semaine du 8 au 15 juillet (66). Ce nombre est en partie confirmé par le ministère des Travaux Publics qui annonce que " plus de 9 000 personnes ont quitté Oran par bateau entre le 6 et le 14 juillet ", que "15 000 Européens d'Oranie " sont en instance de départ et seulement " 25 000 Français " demeurent encore en ville "sur les 200 000 qui y vivaient naguère ".
Le 17 juillet, l'escorteur d'escadre La Bourdonnais ramène à Toulon 166 repliés français et musulmans, dont de nombreux gardes mobiles de sécurité et leurs familles. A partir du 18 juillet, le rythme des rotations effectuées par les bâtiments des compagnies de navigation semble reprendre (67) : ainsi pour la seule journée du 18 juillet, trois paquebots débarquent à Marseille 2 800 repliés d'Algérie, " bébés non compris ".

Le 18 juillet, le porte-avions La Fayette embarque donc à Mers el-Kébir 2 643 réfugiés d'Oranie : plus de 500 d'entre eux campaient sur le port de la base depuis une semaine et le reste dans des centres de l'armée de Terre, des entrepôts, à la gare maritime et sur les quais de commerce du port d'Oran, sous la protection de la troupe (68). " Ils couchaient à même le sol, mangeaient à la gamelle ".

Cette fois, le CV Duval ne pourra pas prendre tout le monde à bord: " il a fallu faire un choix dramatique " (69). A cela s'ajoutent 80 voitures et 350 mètres cubes de bagages. L'entassement était tel à bord que le La Fayette a forcé les machines : filant à 26 nœuds, il est arrivé à Toulon avec 24 heures d'avance (70). " L'installation de 2 633 personnes , malgré des trésors de bonne volonté était précaire ".
" Il fallait en finir au plus vite et les ramener à Toulon dans les plus brefs délais. Ce que nous avons fait (71) " dira t il à son arrivée aux journalistes. Les passagers se sont disciplinés eux- mêmes et des responsables de groupes ont été désignés au sein de l'équipage. Deux cent familles de l'armée de Terre, de la Marine ou de l'armée de l'Air, soit 8 à 900 personnes, composent une partie de ce second flux de réfugiés.

L'engorgement commence cependant à se faire sentir dans les ports méridionaux : ainsi, pour la seule date du 20 juillet, le nombre des rapatriés par avions et bateaux ou porte-avions est estimé à 7006 par Le Figaro (72). De la même manière, les maisons familiales de l'Action sociale se trouvent toutes occupées à cette date (73). Aussi, 600 personnes sont-elles expédiées au lycée de la Rode et ensuite à l'Ecole des apprentis mécaniciens de Saint-Mandrier. Le 20 juillet, est prévu l'envoi de rapatriés vers une maison de santé dans le Jura " et c'est tout dans l'immédiat ". En attendant, 1 500 personnes dorment au Vème dépôt des Equipages de Toulon dans la nuit du 19 au 20 juillet. L'enjeu essentiel est dès lors de réussir à convaincre les rapatriés de repartir en direction des centres urbains plus au nord, car la situation immobilière et laborieuse à Toulon n'autorise pas l'entretien de toute cette masse de réfugiés.

Une troisième mission de transport est décidée pour le PA La Fayette le 20 juillet. Et trois jours plus tard, débarquent à Toulon sur les appontements Milhaud 1 870 réfugiés d'Oran, avec 166 voitures et 250 mètres cubes de bagages. Il s'agit de 350 sous-officiers des groupes mobiles de sécurité dont 7 Musulmans et 12 harkis, tous avec leurs familles, soit un total de 600 personnes (74).
Avec la rotation du 25 juillet entre Toulon et Mers el Kébir au cours de laquelle le La Fayette ramène des hélicoptères de la Marine et de l'armée de l'Air, s'achèvent les transports au bénéfice des repliés ou de réfugiés d'Algérie (75).
L'écho rencontré dans la presse par les missions de service public humanitaire de la Marine diminue d'autant.

La perception par les personnels

Les " rapports moraux " constituent un assez bon outil pour apprécier l'impact d'un événement sur le moral des personnels de la Marine. Constituant une correspondance directe, occasionnelle ou semestrielle, avec la plus haute autorité maritime, en l'occurrence le Secrétaire d'Etat à la Marine), ils " doivent être rédigés avec une entière franchise, un grand souci de la précision, de l'exactitude et de l'objectivité, tout en restant quant au fond et à la forme dans les limites d'une stricte discipline " (76). Compilés par l'état-major de la Marine, ils font l'objet au début des années 1960 d'une synthèse transmise chaque fin de semestre au cabinet du ministre des Armées. L'accès complémentaire aux archives de quelques bâtiments permet d'accéder à une connaissance plus intime de l'état du moral et de l'état d'esprit de ces personnels. Dans son rapport moral du 1er semestre 1962, le CV Duval relève " les désillusions au sujet du sort de l'Algérie que soulignent à bord actuellement les transports d'évacuation effectués par le bâtiment " ajoutant que " le traumatisme est particulièrement sévère chez les anciens de la D.B.F.M. " (77).
Ce traumatisme ne se limite pas à la seule D.B.F.M. et il est confirmé par la synthèse des rapports sur le moral adressée au chef d'état-major de la Marine pour cette période. " Ce malaise est dû avant tout à la conclusion des événements d'Algérie qui les [= les officiers et les équipages] a laissés profondément tristes, résignés et déçus " (78).
Certains commandants d'unités ne se disent pas sûrs du comportement de leurs personnels " au cas où un incident les affecterait directement (…) La discipline résisterait-elle à des ordres qui serraient considérés, par certains, comme contraires à leur sens de l'honneur ou à leur idéal ? ".

Les nerfs sont donc à vif, mais cette attitude appelle son inverse et son complément, le revers de la médaille en quelque sorte. Ainsi le commandant du destroyer d'escadre Malgache qui participe à l'évacuation des civils par deux fois en juillet, relève que le " fléchissement moral actuel dénote un louable esprit de solidarité envers la population locale souffrante et de sincères sentiments de dévouement et de loyalisme ". C'est donc une réaction psychologique saine d'un organisme soumis à un violent choc. L'empressement marqué auprès des réfugiés le confirme amplement. Pour sa part, le capitaine de corvette Rivoire, commandant le BDC Argens, note que cette activité intense de transport et de navigation est bien acceptée malgré le " surcroît de travail pénible exigé par certains transports (harkis et leurs familles) parce que ces transports donnent au bâtiment une fonction importante dans les circonstances présentes et une utilité immédiate " (79). L'esprit de service prime la conscience politique : " Les informations relatives aux événements politiques sont peu commentées ". Ou alors la désapprobation peut prendre l'allure de l'abstention lors du référendum sur l'élection du Président de la République au suffrage universel direct (5/6 des inscrits dans certaines unités) ou d'un vote très massif que le secret des urnes interdit d'analyser plus avant.
Mais ce personnel peut ne pas percevoir les nécessités de service qui demeure au milieu de cet exode général : " il comprend mal que la Marine qui possède bateaux et avions n'ait pas pu résoudre le problème du transport des familles et celui des déménagements " (80). Cette incompréhension touche tout particulièrement les personnels stationnés en Afrique du Nord (à l'exemple de l'atelier militaire de la flotte de Mers el Kébir) confrontés aux mêmes angoisses et préoccupations que les civils qu'ils ont contribués à sauver. Ils ne perçoivent pas que la Marine est encore affrontée vaux séquelles de Bizerte (recasement des personnels rapatriés de Tunisie) et que l'escadre de Méditerranée est encore partie intégrante de l'O.T.A.N. (exercices FALLEX et LINOIS).

Mais cette attitude ambivalente faite à la fois de service discipliné et de crise de confiance dans le haut commandement vaut aussi pour les unités basées en métropole et en outre-mer : ainsi le commandant de l'escorteur côtier Le Fougueux dont le port d'attache est Toulon relève la " répercussion sérieuse sur le moral des équipages " de " la prise de conscience par le personnel du caractère angoissant de la situation des rapatriés et de celle des musulmans amis de la France ". De même, l'équipage du sous-marin Amazone, immobilisé à Mers el Kébir pour son grand carénage, a assisté aux conséquences de la fin de la guerre d'Algérie en juillet et n'est pas prêt de les oublier selon son commandant, alors qu'il n'avait jamais été engagé dans le conflit jusque-là.
Le temps adoucit le choc. Dans la synthèse concernant le 2ème semestre 1962, l'amiral Cabanier, chef d'état-major de la Marine, relève que la période concernée a été " une période de réadaptation morale et intellectuelle marquée par le retour à la cohésion au sein des unités, après l'ébranlement profond provoqué par les événements d'Algérie au cours du premier semestre " (81). Et d'ajouter que " seuls un petit nombre d'officiers et d'officiers-mariniers n'apparaît pas complètement remis des récentes crises de conscience " (82). Dont acte.

Un premier bémol doit être immédiatement apporté à cette impression générale de retour au calme et d'ordre dans les rangs : l'amiral préfet maritime de la 2ème région n'est " pas persuadé que la situation soit aussi bonne que veulent bien l'écrire certains commandants ". Si leur place dans l'évolution de la Marine nationale dans le cadre de la loi de programmation militaire de 1960 préoccupe sérieusement officiers et équipages, les conséquences de la fin de la guerre d'Algérie sont encore très présentes, notamment à travers une atteinte plus ou moins forte, consciente ou non, aux valeurs militaires essentielles. Ainsi, les " exactions contre les Français, leur exode massif et le marasme économique " ont eu des répercussions importantes sur le moral de certaines unités (83). L'annexe B est consacrée aux facteurs externes et le premier abordé est le facteur algérien. Trois éléments sont mis en exergue :

1. une grande méfiance à l'égard des nouvelles autorités en place après les exactions et les incidents sanglants qui ont accompagné à Oran l'accès à l'indépendance de l'Algérie.
2. une déception des personnels en proie aux difficultés liées à un déménagement précipité et à la nécessité d'assurer la sécurité de leur famille d'autant plus forte envers la hiérarchie que la Marine ne pouvait lui donner cette aide que tardivement et de manière insuffisante. Ils ont eu " l'impression que les autorités françaises se désintéressaient de [leur] sort " (84), sentiment bien comparable à celui éprouvé par de très nombreux civils rapatriés (85).
3. Un repli frileux sur le milieu refuge que constitue le bâtiment ou l'unité. Cela contraste d'autant plus avec " l'élan de solidarité très marqué " lorsque les " missions de transport assignées au bâtiment [ou à l'unité] l'ont mis en présence de la grande détresse des rapatriés européens et harkis " (86).

Nombreuses restent dans ce second semestre ce que le commandant de l'escorteur d'escadre Surcouf appelle " les courtes périodes de malaise à caractère passionnel aigu ".
Il est à ce stade intéressant de constater que le cabinet du ministre des Armées ne soulignera qu'un seul passage dans tout cet épais rapport et l'annotera d'un " oui " explicite : " la plaie sera certainement longue à guérir " (87).
Cette atténuation du choc par le temps mais aussi la persistance de cette plaie purulente se confirmeront au cours du premier semestre de l'année 1963. " L'ambiance se stabilise à un niveau rendant difficile l'exercice d'un métier qui demande foi, dynamisme et éventuellement sacrifice " écrit l'amiral Cabanier à destination du ministre des Armées (88). L'inquiétude se concentre alors sur la création d'une Force de frappe que d'aucuns voient essentiellement aérienne et tous grosse consommatrice de crédits militaires au dépens des programmes classiques. Seuls, les personnels affectés en Algérie semblent encore s'intéresser à ce pays et à ceux des métropolitains qui y ont vécu.

En conclusion

cet aspect longtemps ignoré de la fin de la guerre d'Algérie est révélateur de la passion du service de la collectivité nationale éprouvée par la Marine : quitte à passer pour une " briseuse de grève ", la défense des nationaux en quelque point du globe que ce soit est restée au cœur de ses préoccupations.
Cet épisode met en exergue aussi un comportement cher à l'esprit des personnels de la Marine : le respect de la parole donnée : du haut en bas de la hiérarchie militaire, l'évacuation des harkis, certes peu nombreux, de la Marine, n'a pas rencontré la moindre opposition et, dans l'état actuel de notre connaissance des archives, le principe ne paraît pas avoir été sujet à tergiversations.

Mais il montre aussi des personnels en profonde réflexion sur leur institution qui connaît un virage technologique et des réajustements profond de format pour pouvoir passer à l'ère atomique, sur la place qu'elle peut encore leur faire, sur la présence de la France hors de ses frontières…
Cette crise de juillet 1962 permet aussi à la nation de voir sa Marine en action, disciplinée et efficace. Mais elle nous paraît aussi sonner le glas de certaines idées liées à la puissance navale de la France.

Patrick Boureille, Professeur d'histoire, chargé de recherches au département Marine du Service Historique de la Défense. Vendredi 19 septembre - Colloque à Marseille (18/19 septembre 2008) : mémoire maritime du rapatriement d'Algérie
www.frenchlines.com/rapatriement/documents/patrick_boureille_conf..
http://www.frenchlines.com/rapatriement/colloque_marseille.php

1 Pour une présentation des écrits sur la guerre d'Algérie, cf. l'ouvrage bibliographique dirigé par Benjamin Stora intitulé. Depuis une quinzaine d'années, cette histoire n'est plus tabou et des centres d'études de grande valeur comme ceux de Montpellier, de Nice ou d'Aix en Provence ont multiplié les travaux sur cette période. La renommée légitime de leurs professeurs nous dispensera d'en dire plus.
2 On pourra tirer profit de la consultation des séries 3BB8 SA (cartons n°472 et 616, R n°1 et 4) et 3BB2/4 (carton n°311, dossier Algérie). Le Chrono 1962 - cartons n°946 et 947 (M/SA/ET 1er et 2ème semestre) d'une part, carton n°975 (EMM/4/SEC/LOG-SEC/T) de l'autre - est intéressant.
3 Pour un descriptif précis mais incomplet de ces archives, nous renvoyons le lecteur à l'article de P. Waksman intitulé "Les fonds "Algérie" au Service historique de la Marine" publié dans la Revue historique des Armées (dorénavant R.H.A.), n°2 , 1992, p.102-103
4 Service historique de la Marine à Vincennes (dorénavant SHMV), série VVFT carton 014, chemise " Harkis ". 5 SHMV, 3BB8 SA cartons 472 et 616.
6 SHMV, 3BB3 RIG cartons 022 et 024.
7 SHMV, série 3BB7 ME, cartons 002, 005, 078 et 088.
8 SHMV, série 3BB2 EG, cartons 085 et 086.
9 SHMV, Chrono 1962, cartons 944, 946, 947, 948, 949, 950, 963, 964, 972, 973, 975, 994 et 995.
10 SHMV, série 3BB4 RFC La Fayette, Argens, Blavet, Cheliff, Trieux,
11 Service historique de la Marine à Toulon (par la suite SHMT) série 16J Porte-avions La Fayette, cartons 15 à 18, 22, 32, 43 à 45, 59, 67, 69 et 78.
12 Le cas de l'Argens est à ce titre significatif car les cartons consultés, quand bien même ils comportaient des papiers de 1962 selon les index, ne renfermaient en réalité à 99% que des documents postérieurs à 1975 : une véritable " Saint-Barthélémy archivistique " !... SHMT 452C BDC Argens, cartons 13178, 13179, 13181, 13184, 13188 à 13194, 13196 et 13197, 13233 et 13234. En ce qui concerne le Cheliff, le Blavet et le Trieux, ont seulement pu être conservés les journaux de navigation (juin 1960-mai 1963) et les registres des communications (1961-1964) du second aux ordres du CC Duplaix : service historique de la Marine à Brest (par la suite SHMB) série 2 C cartons 211 et 236.
13 Ainsi en novembre 1962, l'amiral Cabanier, CEMM, rappelle à tous ses subordonnés leurs devoirs en matière de conservation des archives de leurs unités (SHMV 3BB2 EG 085, instruction n°352 EMM/EG/ORG du 9 novembre 1962). De la même manière, le regroupement des archives de Tunisie et du Maroc en Algérie avant leur rapatriement en métropole est une de ses grandes préoccupations en février 1962 (SHMV Chrono 1962, passim). Carton n°236, registre des messages n°3, le 22 juin.
14 Service historique de la marine à Vincennes (par la suite SHMV), archives orales, fond 15GG9, puis C.1 (3) 1979GG9 témoignage du capitaine de vaisseau Bonnafont déposé le 6 décembre 1979 (Bande 3, 2ème plage). Fond 71GG9 pour Vivier, puis R73 1979, témoignage du contre-amiral Vivier enregistré le 15 mars 1984. Entretien avec l'amiral Alain Denis le 22 janvier 2002 à son domicile.
15 Particulièrement, Jean Monneret La phase finale de la guerre d'Algérie, L'Harmattan, collection Histoire et Perspectives méditerranéennes, Paris, 2000 ; Jean-Jacques Jordi 1962: l'arrivée des pieds-noirs, éditions Autrement, collection Français d'ailleurs, peuple d'ici, Paris, 1995; J.-J. Jordi et E. Témime (sous la dir. de) Marseille et le choc des décolonisations, Edisud, Paris 1996.
16 SHMV, Chrono 1962, carton n°975, fiche du CF. Sandre du 23 mai.
17 J.-J. JORDI, 1962. Op. cit. p.135. On retrouvera ces chiffres dans J.MONNERET, op. cit. p.380. La vérification arithmétique des soldes ne révèle qu'une erreur marginale d'un millier de personnes " oubliées ".
18 SHMT, série 16J, carton 69 Registre des messages n°5. Réponse du 19 juillet, 14h16.
19 SHMV, Chrono 1962, carton 972, Lettre 3539 EMA/LOG/BTMA/ ALGERIE du 8 août 1962. Notes express n°756 EMM/4 du 13 septembre, n°870 EMM/4 du 30 octobre, n°974 EMM/4 du 27 novembre, n°10117 EMM/4 du 12 décembre 1962.
20 SHMV, Chrono 1962, carton 972. Note express n°779 EMM/4 du 25 septembre 1962.
21 SHMV, idem, note pour le CEMA n°870 EMM/4 du 26 octobre 1962. Notes express n°272 SG du Blavet du 25 septembre, n°464 du La Fayette du 5 octobre.
22 SHMB, série 2 C, carton n°236. Registre des messages, 2 mai, 12h10.
23 Valeurs actuelles du 21 septembre 2001, p.42 à 51. Le Point n°1534 du 8 février 2002, p.48 à 59. Eric ROUSSEL, De Gaulle, éditions Gallimard NRF collection Biographies, chapitres XXX " Négocier à tout prix " et XXXI " Nouvelle donne ", p.692 à 725, surtout les p.721-725.
24 Général Maurice FAÎVRE, Les archives inédites de la politique algérienne 1958-1962, éditions de L'Harmattan, 2000, chapitre VII "" a fin des harkis ", p.134-144 et annexes, p.391-399.
25 Robert BURON, Carnets politiques de la guerre d'Algérie, Plon, 1975, p.179, cité par Eric ROUSSEL et Maurice FAIVRE, op. cit. p.722 et 137. Cf. aussi le J.O. du 27 avril 1962 les assurances du Premier ministre Georges Pompidou données à l'Assemblée nationale sur ce sujet.
26 Pierre PFLIMLIN, Mémoires d'un Européen, Fayard, 1991, p.204-205, cité par Eric ROUSSEL, op. cit. 723.
27 Contre-amiral LEPOTIER, Les fusiliers-marins, éditions France-Empire, p.350 à 355.
28 SHMV, série VVFT 14, message n°703 CSFA/EMI/MOR du 15 janvier assez libéral, n°842 du 25 mars sur les conditions pécuniaires du licenciements des supplétifs, n°861 du 26 mars " Avenir des Harkis ". En résumé, Mémento n°1299/CSFA/EMI/1/EFF à l'usage des chefs de corps concernant les mesures à prendre en faveur des personnels FSNA datable d'après le 15 avril.
29 SHMT, série 16J, carton n°32: n°600 PA La Fayette du 17 novembre. SHMV, série 3BB2/3, lettre n°1992 E.M.1/P. du 27 novembre 1961. Et SHMT, idem, ibidem, note circulaire n°1754 E.M.1/PERS du 2 décembre 1961. Carton n°22, rapport sur le moral n°654 du 22 décembre 1961. Tous bénéficieront de l'amnistie prévue par les accords d'Evian: cf. Journal officiel 20 mars 1962, p.3022 et décret 62-327 J.O. du 23 mars. Cf. carton n°43 en date du 14 juin 1962.
30 SHMB, série 2 C, carton 236. Registre des messages n°3. Message du 17 juin en application de la directive ministérielle 1778/MA/DN du 9 mai 1962.
31 SHMB, idem, ibidem. Registre des messages n°3. Message du 19 juin.
32 La Baille, janvier 2002, témoignage du contrôleur général des armées (2S) Philippe Bros "Il y a quarante ans…", p.27 à 29. SHMV, Chrono 1962, carton n°975, message n°21 EMM/4/SEC/T du 23 mars 1962.
33 SHMV, série VVFT 14, Fiche N°173 EMI/ORGANISATION du 29 mars 1962.
34 Christine FONT " De Nemours à Largentière, une solidarité : le réseau des officiers de la DBFM " in J.-J. JORDI et E. TEMIME, Marseille et le choc des décolonisations, Edisud, 1996, p. 92 à 102.
35 SHMV, Chrono 1962, carton n°948, note-circulaire du CEMM n°357 EMM/CAB du 21 avril 1962.
36 SHMT, série 16J, Registre des messages, 10 mai, 12h49
37 Décision 17 373 MA/CM/K du 7 mai 1962. Elle est par ailleurs affiliée à la FAMMAC (Fédération Amicale des Anciens Marins et Marins Anciens Combattants), association reconnue d'utilité publique. Les autorités se montrèrent aussi frileuses et le CONTRE-AMIRAL VIVIER dut se porter garant de l'association : fond GG9, témoignage du CA VIVIER.
38 Cf., entre autres, Bernard DROZ et Evelyne LEVER, Histoire de la guerre d'Algérie, éditions du Seuil, collection Points Histoire, Paris, 1982, p.330 à 345, Jean LACOUTURE, 1962: Algérie, la guerre est finie, éditions Complexe, Bruxelles, 1985, p.168 à 178, Rémi KAUFFER, O.A.S., histoire d'une guerre franco-française, éditions du Seuil, collection L'épreuve des faits, Paris, mars 2002, p.307 à 366.
39 SHMB, série 2 C, carton 236. Registre n°2. Message du 5 juin, 7h46.
40 SHMB, série 2 C, carton 236. Registre n°2. Message du 8 juin.
41 SHMV, Chrono 1962, carton n°949, lettre n°611 EMM/CAB du 19 juillet et fiche de l'AADBFM datée du 10 juillet.
42 La République du Var du 10 juillet 1962.
43 SHMT, série 16J, carton n°69, message du 8 juin 1962.
44 SHMT, idem, carton n°15. Journaux de navigation n°9 à 12 du 5 juin au 1er octobre 1962. Carton n°16. Journaux de bord n°5 et 6 du 31 mai au 2 août 1962.
45 SHMT, série 16J, carton n°69. registre des messages n°5: compte-rendu du 10 juillet 1962.
46 SHMT, idem, ibidem, comptes-rendus des 18 et 22 juillet 1962, 16h et 10h44.
47 L'Aurore du 18 juillet 1962.
48 Amiral Alain Denis, Sans les honneurs de la guerre, Presses de la Cité, 2000. Confirmé par un entretien accordé par l'auteur le mardi 22 janvier 2002.
49 République du Var du 23 juillet.
50 Parisien Libéré du 20 juillet.
51 Paris-Jour du 18 juillet.
52 Le Méridional-La France du 19 juillet.
53 Le Provençal du 19 juillet.
54 F.S.E. : Français de souche européenne. F.S.N.A. : Français de souche nord africaine.
55 Le Monde juin 1962. Cf. aussi SHMV. 3BB8 Sirpa-Mer, carton 324. Dossier 001 : La Fayette 1951-1963.
56 Paris-Jour, 25 juin.
57 Le Monde, Le Figaro, Combat du 9 juillet.
58 Le Provençal et Le Petit Varois La Marseillaise du 10 juillet. Mentionné par Combat du même jour et confirmé par Le Méridional-La France du 11 juillet.
59 La République du Var, p. 13 du 10 juillet et Le Méridional-La France du 10 juillet, complété le 11 juillet.
60 Le Méridional-La France article du 20 juillet.
61 La République du Var du 23 juillet.
62 Assemblée nationale. Débats parlementaires, séance du 11 juillet.
63 Le vice-amiral d'escadre Barthélémy.
64 Propos rapportés par Le Figaro, France Soir et Paris-Jour le 16 juillet, La République du Var du 17 juillet.
65 Le Méridional-La France du 17 juillet, nombre repris par France Soir le 18 juillet, mais que La République du Var ramène à 7 000 le même jour.
66 France Soir du 18 juillet.
67 L'Aurore du 18 juillet.
68 Parisien Libéré du 18 juillet.
69 Le Provençal du 19 juillet.
70 Paris-Presse du 19 juillet.
71 Propos recueillis par le journaliste du Méridional-La France le 19 juillet.
72 Le Figaro du 20 juillet.
73 Le Provençal du 19 juillet: déclaration du CV Hennerich.
74 Le Méridional-La France du 23 et dossier photographique du 24 juillet.
75 Le Provençal, Presse de la Manche, Le Méridional-La France et le Petit Varois-Marseillaise du 27 juillet. Le Monde du 28 juillet. République du Var du 29 juillet. Article récapitulatif de la République du Var du 3 janvier et dossier photographique du 21 février 1963 à l'occasion de la restitution du porte-avions La Fayette aux USA. Cf SHMT, série 16J, carton n°69, Registre n°5, compte-rendu du 29 juillet 1962, 10h14.
76 SHMV, série III BB 2/2, carton 138. Circulaire n°850 M/CM 072 S du 17 septembre 1952. Cf. aussi la circulaire 347 M/CM du 13 mai 1960 et l'instruction n°811 EMM/CAB du 2 novembre 1962 qui ajoute cependant un paragraphe hautement révélateur sur la teneur de ces rapports 1962: " Les rédacteurs ne doivent pas utiliser ces rapports pour exposer leur cas personnel ou pour mettre en cause les décisions du commandement ".
77 SHMT, série 16J, carton n°22: n°325 PA La Fayette du 26 juin 1962.
78 SHMV, Chrono 1962, carton n°249, n°716 EMM/CAB du 25 septembre 1962.
79 SHMT, 452 C BDC Argens, carton n°13179. Rapport sur le moral n°111 S.G. du 21 juin 1962.
80 SHMV, Chrono 1962, carton n°249, n°716 EMM/CAB du 25 septembre 1962.
81 Avis confirmé par l'extrait du rapport du commandant supérieur de la base stratégique de Mers el-Kébir. SHMV série III BB 2/2, carton 138.
82 SHMV idem, carton 138.Synthèse n°231 EMM/CAB du 13 mars 1963.
83 SHMV, idem, extrait du G.A.N. 6.
84 SHMV, idem, extrait du rapport de l'aéronautique navale à Lartigue.
85 J.-J. Jordi, op. cit., p.17-35.
86 SHMV, idem, extrait du rapport du BDC Cheliff. Confirmé par celui du porte-avions La Fayette, SHMT, série 16J, carton n°22, rapport n°576 du 15 décembre 1962, et du BDC Argens stationné en Algérie, idem, 452 C, carton n°13179, rapport n°199 SG du 31 décembre 1962.
87 SHMV, idem, extrait du rapport de l'aéronautique navale en Afrique centrale.
88 SHMV, idem, synthèse n°738 EMM/CAB du 13 septembre 1963.
Mis sur cale à Camden par New-York Shipbuilding Company le 11 avril 1942, ce porte-avions léger fut armé le 31 Août 1943 sous le nom de USS Langley CVL-27. De janvier 1944 à août 1945, il s'illustre dans la guerre du Pacifique contre les japonais. L'USS Langley est prêté à la France le 8 janvier 1951. Entré en service le 2 juin 1951, il sert sous le nom de La Fayette R96. Un de ses sistership, le porte-avions Belleau Wood, est, de la même manière, prêté à la France en septembre 1953 qui le rebaptisa Bois Belleau. Basé à Toulon, le La Fayette effectue de nombreuses missions en Extrême-Orient jusqu'en juin 1953. Il se verra d'ailleurs attribuer la Croix de Guerre des T.O.E. dès les premières missions de ses appareils en Indochine (les F6F-5 Hellcat de la 12F et des SB2C-5 Helldiver de la 9F). Modernisé en 1953-1954, il reprend du service en Méditerranée et sur les côtes africaines. En 1956, on le revoit en Indochine devenue Sud-Vietnam avec la 15F à bord (Corsairs F4U-7). En mars 1960, le La Fayette prend part aux opérations de sauvetage de la ville marocaine d'Agadir, détruite par un terrible tremblement de terre. Il participe ensuite au rapatriement des premiers réfugiés d'Algérie. Il est restitué aux États-Unis le 20 mars 1963. http://www.netmarine.net/bat/porteavi/lafayett/index.htm

Construit aux Ateliers et Chantiers de Bretagne à Nantes, ce bâtiment de débarquement de chars est baptisé Argens le 1er avril 1959, du nom d'un fleuve côtier qui se jette dans la Méditerranée aux environs de Saint Raphaël. Il entre en service le 27 juin 1960. Basé en Afrique du Nord de juin 1960 jusqu'en 1964 il fait ses premières armes avec les légionnaires en Algérie Il assure le rapatriement avec les autres bâtiments de 17500 personnes d'Algérie en métropole du 11/06/62 au 22/07/62 http://bdc.france.free.fr/argens.htm

Mis sur cale aux Ateliers et Chantiers de Bretagne à Nantes le 25 avril 1958, ce bâtiment de débarquement de chars est baptisé Trieux le 17 avril 1956, du nom d'un petit fleuve côtier de Bretagne. Le Trieux est lancé le 6 décembre 1958. Il entre en service le 18 mars 1960 et est affecté à la 4e région maritime. C'est le premier d'une série de cinq bâtiments du même type. http://www.netmarine.net/bat/tcd/trieux/index.htm

Mis sur cale aux Ateliers et Chantiers de Bretagne à Nantes le 19 janvier 1959, ce bâtiment de débarquement de chars est baptisé Blavet le 1er avril 1959, du nom d'un d'une rivière dont l'estuaire forme, avec celui du Scorff, la rade de Lorient. Le Blavet est lancé le 16 janvier 1960, et entre en service le 1er janvier 1961. Dès son admission au service actif, il est affecté aux forces amphibies de Bizerte. http://www.netmarine.net/bat/tcd/blavet/photo...

Durant la deuxième guerre mondiale le LST 874 fut affecté au théâtre d'opérations de l'Asie-Pacifique et participa a l'assaut et l'occupation subséquente de OKINAWA Gunto d'Avril á Juin 1945. Après l'armistice, le LST 874 contribua á l'occupation en Extrême-Orient jusqu'au début Janvier 1946. Il fut décommissionné le 29 Mai 1946 et retiré du registre maritime le 3 Juillet 1946. Le LST 874 fut ensuite vendu le 8 Juin 1948 a l'entrepreneur Donald P. Locker pour opération commerciale. Il semble que l'opération commerciale en question consista tout simplement de la revente du navire á la France. En service dans la Marine Nationale, le LST 874 fut rebaptisé "CHÉLIFF" et participa aux opérations de débarquement et de soutien en Indochine et plus tard en Algérie.

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Mis en ligne le 25 mars 2012