Audition de M. Gaston DEFFERRE
Ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et de la décentralisation.

(Extrait du procès-verbal de la séance du mercredi 28 avril 1982)
M. Pierre BOURGUIGNON : M. le Ministre, je vous écoutais avec attention. Vous rappeliez que vous aviez dit cet après-midi, au cours des questions au gouvernement que la police pouvait faire son travail puisqu'elle n'était plus arrêtée par le SAC.

M. le Ministre : Cela ne fait pas plaisir à tout le monde !

M. Pierre BOURGUIGNON : Vous nous avez dit aussi à l'instant : J'ai appris l'existence de Pierre Debizet après l'affaire d'Auriol.
Si l'on considère le SAC à tel ou tel moment de son évolution que œ soit au moment où il est encore un peu la continuation du service d'ordre du RPF., que ce soit le SAC déjà modifié après le départ de Debizet, c'est-à-dire vers 1961. 1962 ou le SAC repris en main par Debizet. à partir de 1969, on est frappé par la médiocrité relative de l'ensemble de son personnel, de ses responsables régionaux ou départementaux. Nous avons pu en entendre qui nous ont décrit leur action.
Pourtant, c'est vrai qu'il y a eu des tas d'interventions du SAC. Nous parlions de Foccart et vous nous disiez que c'était un vrai responsable moral, si ce n'est d'organisation, un vrai inspirateur très proche du général de Gaulle. Comment à votre avis, compte tenu de l'expérience de l'homme politique sur toute celle période, ce qui n'est qu'un service d'ordre ayant dégénéré, peut prendre tant d'importance dans une vie politique pendant plusieurs années ?

M. le Ministre : Parce que, je vous l'ai dit tout à l'heure, on considérait qu'il dépendait d'un homme se trouvant à côté du général de Gaulle et jamais nommé à d'autres postes. Si vous regardez la liste des collaborateurs du généra! de Gaulle, vous vous apercevrez que la plupart d'entre eux ne sont pas restés tout à côté de lui. M. Brouillet a été nommé Ambassadeur de France. Georges Pompidou est devenu Premier Ministre puis Président de la République. Avant cela, il avait quillé le général de Gaulle pour retourner à la banque Rothschild. M. Guichard a été nommé au Sahara, puis a été Ministre. Je pourrais en citer des dizaines. M. Foccart est toujours resté dans l'ombre à un poste mal défini, responsable théoriquement des rapports avec la communauté africaine et en même temps du SAC. Mais il est resté jusqu'à la fin.

M. Pierre BOURGUIGNON : Je vous ai bien écouté et bien entendu sur ce point.

M. le Ministre : Regardez l'histoire de France. Les très grands hommes ont parfois à côté d'eux, un personnage du type Foccart. Avec le général de Gaulle, j'ai eu beaucoup de conversations sur la politique générale, la guerre d'Algérie. Je n'ai jamais parlé de Foccart j'aurais perdu mon temps.

M. Pierre BOURGUIGNON : D'accord M. le Ministre pour

l'importance de ce personnage inspirateur et détenant un pouvoir parce qu'il est proche, en permanence, du général de Gaulle. Par ailleurs, médiocrité relative du personnel. Deux choses inquiétantes quand on les relie, parce que cela veut dire que le deuxième aspect de la force du SAC est que les rouages normaux de l'Etat. en particulier au niveau de la sécurité, laissaient faire...

M. le Ministre : Que pouvaient-ils faire en présence de l'autorité qui se dégageait du général de Gaulle et, par conséquent de son entourage ?

M. Pierre BOURGUIGNON : D'accord. En particulier dans la première période de la vie du SAC, c'est-à-dire celle du service d'ordre, donc de sa création officielle ou même un peu avant, disons de 1958 à 1960. 1961. Puis vers 1964, 1966 des gens dont on ne peut nier l'appartenance au SAC se sont trouvés mêlés à des tas de bavures.

M. le Ministre : J'ai fait des quantités d'articles à œ sujet. J'étais un des rares hommes politiques à écrire nommément sur des gens, à les mettre en cause. Je ne me suis pas gêné.

M. Pierre BOURGUIGNON : Et vous confirmez la sortie de prison d'un certain nombre de détenus ?

M. le Ministre : Au cours de la campagne électorale municipale de 1965. des gens ont été tirés de la prison des Baumettes pour faire partie du SAC et du service d'ordre de mon adversaire Quand j'en ai parlé à Foccart, il n'a pas nié.

M. Pierre BOURGUIGNON : Il est donc prouvé que des gens ont été sortis de prison pour des opérations liées à des campagnes électorales. Mais, sortir des gens de prison pour faire des opérations bizarres d'enlèvement à l'étranger, pour déposer la personne enlevée, opposant politique, à Paris, ça ce n'est incontestablement pas le SAC.
Un certain nombre de personnes entendues par cette Commission affirmaient que c'était techniquement quasi-impossible.

M. le Ministre : De quoi faire ?

M. Pierre BOURGUIGNON : De sortir quelqu'un de prison pour faire ce genre de chose Ce qui nous laissait souriants et pas rêveurs du tout.

M. le Ministre : Quand je l'ai dit à Foccart, il n'a pas nié du tout. Il m'a répondu " on ne fait pas cela avec des enfants de chœur" Alors ! C'était le pouvoir absolu.

M. Pierre BOURGUIGNON: C'est important que l'on puisse le redire très précisément

Retour en haut de la page

SUIVANT

Mis en ligne le 15 Juin 2005
Entrée  - Introduction  -   Périodes-raisons  -   Qui étaient-ils?  -   Les composantes  - Les conditions - L'attente  -   Le départ  -  L'accueil  -  Et après ? - Les accords d'Evian - L'indemnisation - Girouettes  -  Motif ?  -  En savoir plus  -  Lu dans la presse  -