1961 - 1962 Les négociations franco - algériennes s'ouvrent au bord du lac Léman. La France s'en va. Le pays va plonger dans le chaos.
Pour de Gaulle, il fallait en finir : terminer une guerre qui, sans jamais dire son nom, ensanglantait l'Algérie depuis des années et mobilisait le plus gros de son armée, trouver à ce conflit une issue politique qui ne pouvait être que l'indépendance, arracher les Européens d'Algérie à leurs illusions. Chez le général de Gaulle, cette conviction était ancienne, malgré les rideaux de fumée dissimulant les intentions profondes. Telle est la trame des négociations, d'abord secrètes puis officielles, qui vont conduire à la signature des accords d'Évian mettant officiellement fin, le 18 mars 1962, à la guerre d'Algérie (le cessez-le-feu entre en application le lendemain). Cette négociation commence en réalité deux ans plus tôt, en 1960, avec deux échanges parallèles : les uns avec des combattants de l'intérieur, les autres avec des émissaires de Ferhat Abbas, président du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) en exil à Tunis. En mars 1960, en réponse à l'offre de "paix des braves" lancée dès octobre 1958 par de Gaulle et à l'insu du GPRA, plusieurs chefs militaires de l'armée de libération nationale (l'ALN, bras armé du FLN) font connaître leur souhait de déposer les armes. Les seconds entretiens, avec des émissaires de Ferhat Abbas cette fois, vont durer du 25 au 29 juin 1960 à la sous-préfecture de Melun. Abbâs n'est pas un ennemi de la France. Longtemps, il a revendiqué une égalité de droits pour toutes les populations en Algérie sous une tutelle française qu'il ne contestait pas, avant de rejoindre le FLN par déception. Mais il n a pas renoncé à voir populations les diverses communautés s'entendre dans une Algérie devenue indépendante. Il souhaite s'entretenir directement avec le général de Gaulle. Refus de celui-ci, qui veut d'abord un accord sur la fin des combats et la remise des armes.
Les pourparlers reprennent à Genève en février 1961 (fin 1960 ndlr) par l'intermédiaire d'un diplomate suisse, Olivier Long. Le FLN se montre intraitable sur les garanties aux Européens
Les négociations s'ouvrent a Evian, le 20 mai 1961 (le putsch des généraux a eu lieu entre-temps, la dernière semaine d'avril). Krim Belkacem, ministre des Affaires étrangères du GPRA, dirige la délégation du FLN. A coté des " civils ", les commandants Mendjeli et Slimane : les yeux et les oreilles de Houari Boumediene, chef d'état-major de l'ALN, que l'on sait profondément hostile a la ligne " molle " incarnée par Abbas, et qui ne veut qu'une Algérie islamique, socialiste au sens marxiste et purgée de ses pieds-noirs. Une première fois, le 13 juin, les pourparlers sont interrompus. Principaux points d'achoppement, l'organisation du référendum d'autodétermination, dévolue a un exécutif provisoire au sein duquel le FLN a exigé d'être représenté en tant que tel (de Gaulle a finalement donné son accord), le statut du Sahara, sur lequel le FLN revendique la souveraineté absolue de l'Algérie, et, surtout, les garanties a donner aux Européens.
Les négociations reprennent le 11 février 1962, aux Rousses, station jurassienne de sports d'hiver. Or le GPRA n'est plus présidé par Ferhat Abbas, mais par un nationaliste beaucoup plus dur, Ben Khedda. Du coté français, a coté de Louis Joxe, figurent désormais le démocrate-chrétien Robert Buron, ministre des Transports, depuis longtemps partisan d'un accord avec le FLN, et l'indépendant Jean de Broglie, secrétaire d'Etat au Sahara. Les conversations prennent fin le 18 février, avec un accord de cessez-le-feu.
Le 7 mars s'engage la seconde conférence d'Evian. Elle aboutit à un document de 99 pages paraphé par Joxe, Buron et Broglie et, pour le FLN, par le seul Krim Belkacem. II manquait aux accords d'Evian la garantie des garanties Ces perspectives idylliques vont se heurter a la réalité. Jean Morin, délégué général du gouvernement en Algérie de novembre 1960 a mars 1962, parlera avec tristesse des " non-accords " d'Evian, tant il est vrai que trop d'incertitudes pèsent sur l'avenir de cet épais document.
Certes, l'OAS porte sa responsabilité dans le sanglant chaos qui va suivre.
Mais l'exode massif des Européens - que le gouvernement n'a pas su prévoir - sera provoqué par une panique trop compréhensible. Jean-Jacques Susini, l'un des chefs de l'OAS, tentera de négocier avec Chawki Mostefaï, représentant du FLN au sein de l'exécutif provisoire censé assurer la transition jusqu'au referendum d'autodétermination, dont chacun sait qu'il conduira à l'indépendance. Vaine tentative.
Apres avoir été débarqué de la présidence du GPRA, Ferhat Abbas affirmera a propos de ses anciens collègues :
" Un colonel leur réglera un jour leur compte, ce sera le colonel Boumediene.
Pour celui-ci, le gout du pouvoir et celui du commandement relèvent la pathologie. " Trois mois après la signature des accords, ayant balayé le GPRA et l'exécutif provisoire, Boumediene avec son allié Ben Bella font une entrée triomphale à Alger. L'Algérie sera modelée selon leurs vœux, tandis que seront massacres les anciens supplétifs de l'armée française auxquels l'amnistie avait été pourtant promise. Valeurs actuelles 15 mars 2O12 (1) La France se retira de Mers el Kebir au bout de cinq années seulement (Ndlr)
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Mis en ligne le 26 octobre 2011