Un peu d'histoire de France

Louis-Philippe, nommé Roi des français après la révolution de 1830, est chassé par une nouvelle révolution, celle de 1848. La IIème République est proclamée et, à la fin de l'année 1848, Louis Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon 1er, est élu Président de la République, par l'ensemble des citoyens français.
La Constitution de la IIème République ne permettait pas à un Président de se représenter à la fin de son mandat, ceci pour éviter l'institution d'un pouvoir personnel.

Pour passer outre cette disposition, Louis Napoléon Bonaparte, premier président de la IIème République, perpétrait un coup d'état dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851 et prenait illégalement le pouvoir qu'il aurait du abandonner. Quelques mois plus tard, après avoir été plébiscité, il deviendra Napoléon III.
Pourtant la résistance à ce coup d'état fut vive tant à Paris qu'en province.

A Paris, le demi-frère du futur Empereur, le duc de Morny, fit tirer sur les émeutiers qui eurent environ 300 morts dans leurs rangs. Le 4 décembre, la résistance était vaincue dans la capitale, mais elle avait gagné la province ; trente deux départements se soulevèrent. De violentes émeutes se produisirent notamment dans l'Yonne, l'Allier, le Lot et Garonne, l'Hérault et surtout les Basses alpes, la Drôme, le Var et la Nièvre.

La Nièvre

Dans la Nièvre, les émeutes les plus importantes se produisirent autour des villes de Clamecy et de Neuvy-sur-Loire, et, dans une moindre proportion, autour de Saint-Amand, de Pouilly, de La Charité, de Nevers, de Decize et de Saint-Pierre-Le-Moûtier.
La répression fut rapide et sévère. Le 8 décembre 1851, l'ordre était rétabli dans tout le département. Vint alors le temps des condamnations qui furent nombreuses et disproportionnées par rapport à la gravité réelle des émeutes.
A cette époque, la Nièvre était considérée comme un département socialiste et était représentée à l'Assemblée législative par six députés montagnards pour un seul conservateur. Cette tendance fut-elle à l'origine de la sévérité des sanctions ? On peut le supposer.

Dès le 8 décembre 1851, un décret de l'Assemblée législative stipulait que :
" Tout individu placé sous la surveillance de la haute police, qui sera reconnu de rupture de ban, pourra être transporté, par mesure de sûreté générale, dans une colonie pénitentiaire de Cayenne ou en Algérie. La durée de la transportation sera de 5 années au moins et de 10 ans au plus. La même mesure est applicable aux : individus reconnus coupables d'avoir fait partie d'une société secrète."
Ce décret devait être complété par une circulaire en date du 3 février 1852 qui précisait :
" les mesures qui pourront être appliquées, suivant le degré de culpabilité, les antécédents politiques ou privés, la position de famille des inculpés, sont les suivantes : le renvoi devant le conseil de guerre, la transportation à Cayenne, en Algérie, l'expulsion de France, l'éloignement momentané du territoire, l'internement, le renvoi en police correctionnelle, la mise sous surveillance, la mise en liberté."

Les insurgés furent jugés par une commission militaire, puis devant le nombre trop élevé des condamnations à prononcer, par des commissions mixtes départementales.
Statistiquement, pour l'ensemble du territoire, environ 28000 personnes seront déférées devant leurs juges. Environ 10000 d'entre-elles seront condamnées, sur dossiers et sans possibilité d'appel, à la transportation en Algérie. 6500 environ seront transportées effectivement.
Dans la Nièvre, le bilan des condamnations sera le suivant :

7 condamnations à mort dont 5 furent commuées en prison à vie,
419 transportations Afrique plus (correspondant à un internement en enceinte fortifiée en Algérie),
432 transportations Afrique moins (correspondant à une déportation sans internement),
509 internements en métropole,
17 condamnations aux travaux forcés.

Ce sont donc à peu près 850 nivernais qui contraints et forcés iront faire la connaissance de notre province. Beaucoup d'entre eux n'y feront qu'un passage assez bref ; des mesures de grâce dès mars 1852 et février 1853 permettront de nombreux retours. Il convient de préciser que le retour n'était pas un gage de remise en liberté car de nombreux graciés étaient internés à leur arrivée sur le sol métropolitain.
L'amnistie définitive sera accordée par un décret du 16 août 1859 : "
Amnistie pleine et entière est accordée à tous les individus qui ont été condamnés pour crimes et délits politiques ou qui ont été l'objet de mesures de sûreté générale."
Mais l'histoire ne s'arrête pas là.

Le 14 janvier 1858, des activistes italiens, dont ORSINI, perpétraient un attentat contre Napoléon III et l'impératrice, près de l'opéra de Paris.
En réaction, une loi du 19 février 1858, stipulait :
" Tout individu condamné pour l'un des délits prévus par la présente loi peut être interné dans un des départements de l'Empire ou en Algérie ou expulsé du territoire français. Peut être interné ou expulsé du territoire, tout individu qui a été, soit condamné, soit interné, expulsé, ou transporté à l'occasion des évènements de mai et juin 1848, de juin 1849 et de décembre 1851, et que des faits graves signaleraient de nouveau comme dangereux pour la sûreté publique."

Evidemment, quelques nivernais seront de nouveau du voyage. J'en ai retrouvé une vingtaine aux archives départementales. Ils partiront en trois convois à destination de l'Algérie (deux en mars 1858 et un en avril 1858). Certains avaient déjà été transportés en 1851 et graciés.

On peut être perplexe quant à la sérénité de la justice impériale. Comment imaginer en effet que ces condamnés avaient quelque chose à voir avec des activistes italiens. Et, pourtant c'est ce qu'on reprochera à au moins l'un d'eux qui sera transporté pour le seul motif suivant :
" semble avoir été au courant de l'attentat de Paris ".
Napoléon III et son entourage avaient la rancune tenace.
Il est vraisemblable que quelques uns des transportés nivernais sont restés en Algérie où ils ont été parfois rejoints par leur famille

Je signale à leurs éventuels descendants, soucieux de retrouver leurs racines, que les archives de la Nièvre conservent de nombreux documents relatifs à ces transportations, et notamment des dossiers individuels très intéressants. Je suis prêt à les aider dans leurs recherches, s'ils le souhaitent.

Pierre MORTON
Bibliographie :
- La Révolution 1770 - 1880 de François FURET. Histoire de France Hachette,
- Les annales des Pays nivernais. Publication de la société La Camosine à Nevers.

http://www.genealogie-gamt.org/images2/nivernais.htm

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du dossier " Les transportés de 1848 "


Mis en ligne le 03 avril 2013

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