Transportés de 1848 - historique

Le 4 mai 1848, les représentants du peuple, élus au suffrage universel et issus des élections du 23 avril précédent, se réunissent pour former l'Assemblée Constituante et proclamer officiellement la naissance de la République. Quelques semaines plus tard, la fermeture des ateliers nationaux par un décret de la commission exécutive du 21 juin 1848 provoque à Paris un mouvement insurrectionnel de grande ampleur. Une violente répression est alors menée contre les insurgés parisiens par le général Cavaignac ministre de la Guerre au sein de la commission exécutive. Les opérations militaires se déroulent essentiellement entre les 23 et 26 juin 1848, contre les barricades dressées dans l'est parisien tant sur la rive gauche que sur la rive droite de la Seine. Quant aux insurgés qui ont survécu aux combats, un décret du 27 juin 1848 prévoit qu'ils seront soumis à la transportation :

"Seront transportés par mesure de sûreté générale dans les possessions d'outre-mer, autres que celles de la Méditerranée, les individus actuellement détenus qui seront reconnus avoir pris part à l'insurrection du 23 juin et des jours suivants."

Mais ce décret ne sera appliqué ni dans sa forme initiale, puisque la loi du 24 janvier 1850 désignera finalement l'Algérie comme lieu de transportation, ni dans toute son ampleur. En effet, si aux lendemains des journées de Juin, des commissions militaires examinent le cas de 11671 individus susceptibles d'être transportés, ce nombre sera considérablement réduit à la suite de travaux menés en septembre 1848, par 11 commissions "composées de magistrats appartenant à tous les corps judiciaires, cour de cassation, cour d'appel, tribunal de première instance", puis par ceux d'une "commission spéciale composée de deux magistrats et d'un inspecteur général des prisons" chargée, en novembre 1849, d'interroger "les détenus sur les pontons, dans les forts " (1). Enfin des mesures de grâces prononcées par le Président de la République Louis Napoléon Bonaparte après son élection en décembre 1849, ramèneront le nombre des individus concernés par la transportation à environ 500, tous détenus à Belle-Isle.

Les transportés de Juin 1848 font tous partie des détenus de Belle-Isle. En effet, l'article premier de la loi du 24 janvier 1850 prévoit :

"Tous les individus actuellement détenus à Belle-Ile, et dont la transportation a été ordonnée en vertu du décret du 27 juin 1848, par suite des décisions des commissions instituées par le pouvoir exécutif, seront transférés en Algérie, qu'elle qu'ait été l'époque de leur arrestation."

Un ultime examen est effectué par une commission de libération qui recense 462 individus auxquels s'appliquera la transportation. Deux états des détenus de Belle-Isle sont dressés et certifiés conformes le 26 janvier 1850 par le secrétaire de la commission de libération Eugène Demarquay.

Leur transport a en effet été effectué depuis Cherbourg et Brest par le Gomer et l'Asmodée, deux frégates à roues armées respectivement en décembre 1841 et en juillet 1842, (pour en savoir plus : dossiersmarine.free.fr).

Ces états sont conservés aux Archives Nationales sous la cote AN série Marine BB4 1039. Sous la même cote, on trouve également deux autres listes nominatives recensant les transportés embarqués sur l'Asmodée, mais pas la liste nominative des transportés du Gomer.

Dans le Moniteur du 25 février 1850, on peut lire :

"De Cherbourg, le 21 février 1850." [...] "Les frégates à vapeur le Gomer, capitaine Paris et l'Asmodée, capitaine Fourteu-Nauton, sont parties de Cherbourg et de Brest pour conduire en Algérie, les transportés de juin 1848, lesquels seront détenus à la Casbah de Bône. " (2)

La présente étude veut répondre à un double objectif. En premier lieu, mettre à la disposition des chercheurs et des lecteurs intéressés dans un tableau mis en ligne, les annotations et les renseignements reportés sur les états manuscrits de Belle-Isle. Ces renseignements concernant les transportés portent (dans l'ordre des colonnes) sur les noms et prénoms, les lieux de naissance, les âges, les professions, les domiciles, l'état-civil, les enfants, le classement à Belle-Île et les observations portées par l'Administration. Ont été signalés et donc ajoutés, par nos soins ceux qui sont embarqués sur l'Asmodée et ceux qui seront ultérieurement transférés en Guyane.
En second lieu, tenter d'analyser et de commenter l'ensemble de ces données afin de compléter et si possible améliorer nos connaissances à propos de la transportation des Insurgés de juin 1848.
Enfin, cette étude vient en complément d'un article intitulé "Transporter les insurgés de Juin 1848" mis en ligne sur le site Criminocorpus http://criminocorpus.revues.org/153

http://criminocorpus.revues.org/153
1 Extraits du rapport Crouseilhes : "Rapport fait au nom de la commission chargée d'examiner le projet de loi relatif à la transportation des insurgés de juin en Algérie", dépôt, Moniteur, 4e trimestre 1849, p. 3580, publication le 10 novembre 1849, p. 3607.
2 Moniteur, du 25 février 1850, p. 667.
3 Jacques HOUDAILLE, Les détenus de Juin 1848, Institut national d'études démographiques, dans Population 36e année n 1, janvier février 1981, p. 164 à 171.

Une étude statistique remarquable a déjà été menée sur les détenus de Juin 1848 par Jacques Houdaille, et publiée par l'Institut national d'études démographiques en 1981, mais elle portait sur l'ensemble des 11671 détenus destinés à la transportation (3). Nous y ferons plusieurs fois référence au cours de ce présent article lequel ne porte donc que sur les insurgés de 1848 qui ont effectivement été transportés en Algérie. Un problème de dénomination se pose donc d'autant plus que l'usage conduit à désigner sous les termes de "transportés de 1848 " des individus qui sont en fait transportés en 1850. Nous avons choisi de conserver la dénomination que l'usage a consacrée, "transportés de 1848 ", et de désigner les détenus initiaux étudiés par Jacques Houdaille en précisant, dans le texte où dans les graphiques ci-dessous, détenus ou condamnés à la transportation en 1848.



Mis en ligne le 26 fev 2011
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