Le Conseil économique et social
LES ASPECTS MATÉRIELS (I)

Plusieurs lois d'indemnisation ou d'aides diverses ont été successivement adoptées pour tout ou partie des difficultés rencontrées par les rapatriés.
La loi du 26 décembre 1961 (loi n°61-1439), relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'Outre-mer, concernait les salariés du secteur privé, les professions indépendantes et les retraités, les rapatriés en activité relevant du secteur public ou parapublic étant pris en charge par les différents services publics métropolitains de rattachement. Texte fondateur, elle définit la notion de " rapatriés " dans son article 1 ; " Français ayant dû ou estimé devoir quitter, par suite d'évènements politiques, un territoire où ils étaient établis et qui était antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ".
Cette loi a mis en place toute une panoplie de mesures, précisées dans le décret de 1962. Elle représentait un effort financier considérable : l'équivalent de 15 milliards d'euros. Pour la seule année 1963, la dépense a atteint l'équivalent de 4,5 milliards d'euros soit 5 % du budget de l'époque.
Plusieurs difficultés découlant du rapatriement ont été spécifiquement traitées et les mesures prises à des moments divers demeurent en vigueur pour certaines d'entre elles. Par commodité, plusieurs chapitres sont ici distingués.

I - LES RETRAITES

Dès 1953, un système de retraites a été institué en Algérie. Les droits accumulés auraient dû être versés par l'État algérien. Il est vite apparu que cela ne serait pas fait. L'État français a donc racheté ces droits et institué, dans la loi de 1961, une assurance vieillesse volontaire.

En 1964, l'État a accordé la validation gratuite, pour les personnes ayant cotisé en Algérie, de ces années d'activité. En 1965, il a été rendu possible la validation, à titre onéreux, des périodes passées hors de France.
En 1985, une aide dégressive de l'État a été instituée pour aider aux rachats de droits. Cette aide a concerné environ 100 000 personnes, l'aide par personne s'élevant en moyenne à 9 000 euros. Au total, ce dispositif a coûté un peu moins d'un milliard d'euros.

En 1988, un fonds de retraite complémentaire a été créé en faveur des salariés cadres ou non-cadres du régime général ou agricole, dont la gestion a été confiée à Groupama (1). Les dates de forclusion pour souscrire à ce fonds ont été repoussées à de nombreuses reprises. Environ 17 000 personnes sont concernées par ce dispositif.

Dans le secteur public, quelques cas doivent être examinés en raison de carrières atypiques (en particulier postes à temps partiel). Le non-reclassement de certains agents (pour des raisons de " services non faits ") se traduit par un préjudice lourd à supporter par le retraité ou par son conjoint pour lequel la pension de réversion constitue souvent un complément de ressources indispensable. Une solution au cas par cas permettrait à ces personnes de " retrouver leur dignité " et de subvenir correctement aux besoins de leur fin de vie. Les sommes en cause devraient demeurer faibles.

Le cas des médecins rapatriés doit également être porté au dossier. En effet, les médecins rapatriés ont été, à leur retour, peu encouragés à cotiser à la Caisse de retraite des médecins de France (CRMF) lorsqu'ils ont su que l'organisme, prétextant qu'ils avaient exercé hors convention avec la sécurité sociale (ce qui a été fortement contesté par les intéressés et a, finalement, été reconnu inexact), refusait le rachat des années passées en Algérie entre 1952 et 1962. Une jurisprudence ayant reconnu ce droit, à partir de 1997 la CRMF a finalement autorisé ces rachats assortis d'un droit d'arriérage dans la limite de la prescription quinquennale prévue au code civil. Mais ce droit a été appliqué d'une manière restrictive, n'ayant été ouvert qu'aux personnes nées avant 1922 ou ayant cotisé à partir de 1962 et avant 1972, date à laquelle la cotisation à la CRMF a été rendue obligatoire.
Les médecins rapatriés se sont donc sentis lésés puisque, d'une part, ils n'ont pas été traités dès leur retour comme leurs compatriotes métropolitains et que, d'autre part, on leur a demandé tardivement d'avoir rempli une condition dont, à leur retour, ils ignoraient la portée puisque cette nécessité n'a été établie qu'en 1997...
Malgré des accords passés en 2003 avec la sécurité sociale sur le rachat des cotisations de retraite, des lacunes subsistent pour certains médecins dont la situation ne pourrait être débloquée que par une modification de la réglementation des rachats, fort complexe, alors que le rappel d'arriérage attaché à ce droit se heurte quant à lui à la prescription quinquennale. En tout état de cause, le coût de l'opération serait très important notamment si un rappel complet des années effectuées devait être opéré.

Solution proposée

Il est désormais urgent, compte tenu de l'âge des bénéficiaires potentiels, de régler les derniers cas en suspens. Pour les pensions de réversion, il s'agit d'ailleurs parfois d'aides à caractère social. Ce règlement définitif ne paraît pas hors de portée.
Pour ce qui concerne les reclassements d'agents du secteur public, les cas encore en suspens ont été examinés avec succès dans deux ministères au moins : la Défense et l'Intérieur (partiellement). Il conviendrait qu'une cellule spécialisée soit mise en place au secrétariat d'État chargé de la Fonction publique avec pour objet de régler dans les 12 mois les dossiers en suspens ; les moyens financiers nécessaires devraient ensuite être attribués.
Pour les médecins, un comité, sous l'égide de la Mission interministérielle aux rapatriés, devrait être chargé d'évaluer le coût de l'opération de rappel et les modalités pratiques permettant, sur une base volontaire, d'obtenir des droits équivalents aux métropolitains en matière de reconstitution de carrière.

(1) Il est à noter que Groupama demande pour la constitution du dossier, des documents introuvables (perdus, détruits 26 ans après…), des " reconstitutions de carrière " bien difficiles parfois à retrouver et des preuves d'affiliations à des caisses de retraite dont les noms ne correspondent pas à ceux des organismes ayant perçu les cotisations. En cas de défaut de pièces demandées, et malgré les courriers de relance, Groupama reste silencieux et se garde bien d'indiquer la marche à suivre...ndlr

Conseil Economique et Social"



Mis en ligne le 08 mai 2011
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