Flagrant délit de mensonge
9 jours après la déclaration d'Evian, 8 jours après le cessez le feu, au lendemain du massacre de la rue d'isly, le gouvernement exprime son cynisme et sa légereté criminelle.

En ces jours difficiles que traverse l'Algérie, je m'adresse à tous les fonctionnaires et Agents des Services publics qui servent actuellement, à quelque titre que ce soit, dans les départements d'Algérie et du Sahara ; beaucoup d'entre vous s'interrogent et s'inquiètent sur leur propre avenir et je les comprends. Vous avez servi dans ce pays avec les qualités traditionnelles de la fonction publique française et vous vous demandez très légitimement de quoi votre avenir sera fait.
Je n'oublie pas que durant sept ans de guerre et de terrorisme beaucoup de vos camarades, européens et musulmans, sont tombés et que beaucoup d'entre vous ont souffert. Je n'ignore pas, enfin,
qu'aujourd'hui dans quelques villes d'Algérie encore bouleversées, certains d'entre vous subissent des menaces et d'odieux chantages.
Je voudrais d'une part, vous rappeler la mission que vous a confiée le Gouvernement de la République et, d'autre part, vous précisez les dispositions qu'il a prises et celles qu'il compte prendre pour la sauvegarde de vos droits.
Le Gouvernement compte sur vous pour continuer à assurer partout, en Algérie comme au Sahara, le fonctionnement régulier des Services publics et à faciliter l'action des forces qe l'ordre là où elle est encore nécessaire. Je veux dire ici nettement que la République n'admettra et ne couvrira aucune faute qui aboutirait à entraver cette action.
Je dois maintenant vous dire ce que le Gouvernement fait pour vous.
Dans le cadre de la coopération proposée à l'Algérie nouvelle, beaucoup d'entre vous pourront continuer
à servir en Algérie, les uns au titre de la coopération technique, les autres dans fa fonction publique algérienne, dès lors qu'ils remplissent les conditions prévues pour exercer les droits civiques 'en Algérie. Je tiens à préciser, en ce qui concerne ces derniers, que pendant la période de trois ans qui ira de l'autodétermination à l'acquisition définitive de la citoyenneté, ils seront assurés du maintien des avantages de carrière et de rémunération tels qu'ils découlent du système actuellement en vigueur. Je tiens à préciser aussi qu'aucun fonctionnaire en service en Algérie et au Sahara, quelle que soit sa situation du point de Vue des droits civiques, ne pourra après l'autodétermination, être maintenu d'office dans ses fonctions en Algérie s'il exprime une volonté contraire. Beaucoup d'entre vous appartiennent, soit depuis le début de leur carrière, soit depuis les fusions qui ont été réalisées ces dernières années, à des cadres métropolitains; votre retour dans ces cadres est possible à tous moments. l'intention, par contre, des fonctionnaires et agents des Services publics qui n'appartiennent pas à ce jour à une administration et à une entreprise publique métropolitaine, une ordonnance est préparée qui prévoit les intégrations et les reclassements nécessaires. Cette ordonnance sera soumise demain au Conseil des ministres.
D'une façon générale l'intégration ou le reclassement en Métropole doivent s'entendre dans leur sens le plus large. Des indemnités de réinstallation seront accordées ; vous pourrez être sûrs que toutes les mesures nécessaires seront prises, notamment dans le domaine social en faveur des fonctionnaires et des agents des services publics qui seront rapatriés. J'indique enfin qu'à l'égard de tous, les droits aux pensions seront garantis qu'il s'agisse de droits acquis auprès d'organismes français ou d'organismes algériens.
Tel est l'ensemble mis en ?uvre ;
le Gouvernement veillera à ce que ces garanties soient appliquées de façon loyale et complète.
Fonctionnaires d'Algérie et du Sahara, en ces heures décisives pour l'avenir des relations Franco-Algériennes, je voulais vous dire que le pays compte sur vous pour que, dans cette période difficile, vous donniez l'exemple de la cohésion nationale et de l'obéissance au Gouvernement de la République et à ceux qu'il a mandaté.
Je voulais aussi, au nom du Gouvernement,
affirmer fermement et solennellement, que nous saurons de main, en Algérie comme en France, veiller sur vous et faire preuve à votre égard d'une entière solidarité nationale.

Contre menaces, chantages, attentats et disparitions, le gouvernement en place fit preuve d'une incurie totale. Quant aux reclassements et à la solidarité nationale, il en fut pour eux comme pour le reste de la communauté : Eparpillement géographique, mesurettes, et aumônes dérisoires. Honteux est un terme bien faible pour résumer la réalité de cette bassesse qui a consisté à faire croire que les garanties de façade données par les accords d'Evian seraient honorées et surtout que l'on avait en haut lieu le désir de les faire respecter. A cette époque l'état n'en était plus à un vilenie près. Nous avions affaire à des experts de la manipulation et de l'infamie.

Alors qu'aujourd'hui on parle tant de demandeurs d'emplois, il est remarquable de voir qu'à l'époque le nombre de rapatriés inscrits au chômage était pratiquement nul. C'était une démarche qu'ils ne connaissaient pas et chacun eut à cœur de se recaser au plus vite. Quant aux fonctionnaires, ce ne furent évidemment pas les premières places qui leur furent réservées. (HISTORIA Spécial N°1867 juin 1987)

Paru dans "L'Echo des français d'AFN"

Nota : Pierre Guillaumat est ministre délégué auprès du premier ministre, chargé de l'énergie atomique, de la recherche et de la fonction publique de février 1960 à avril 1962. Il est ministre de l'Éducation nationale, par interim, du 22 novembre 1960 au 20 février 1961.

Retour en haut de la page

Retour au menu "et après"


Mis en ligne le 21 dec 2010

Entrée  - Introduction  -   Périodes-raisons  -   Qui étaient-ils?  -   Les composantes  - Les conditions  - L'attente  -   Le départ  -  L'accueil  -  Et après ? - Les accords d'Evian - L'indemnisation - Girouettes  -  Motif ?  -  En savoir plus  -  Lu dans la presse  -