C'est en 1583 que l'on situe les premiers rachats répertoriés. En 1585 une mission, sorte de nonciature apostolique, s'installe à Alger, sans parler des religieux esclaves volontaires qui accompagnaient les victimes en partageant leur sort.
Les riches pouvaient payer eux-mêmes leur rançon mais pour les pauvres ce fut l'Eglise, la Papauté qui la première s'en préoccupa en mettant en place des institutions spécialisées dans les négociations de rachat des esclaves car le but des pirates était, non seulement de procurer à leurs compatriotes la main d'œuvre qualifiée dont il manquaient (armuriers, artisans, jardiniers etc…) et de la " chair fraîche " à bon compte pour les harems mais aussi d'extorquer le plus d'argent possible aux Européens qu'ils savaient soucieux de ne pas abandonner leurs coreligionnaires dans la souffrance.
Tabarca. depuis 1540 comptoir génois sur un rocher minuscule ou s'entassèrent jusqu'à 2000 habitants, à proximité du rivage à quelques lieues à l'est de La Calle, fut un centre actif de rachat dès le début du XVIIème siècle.
On retrouve le cas d'une centaine de familles d'esclaves originaires de Tabarca encore, capturés par les pirates d'Alger en 1756 au cours d'un conflit entre les deux régences, déportés à Alger puis rachetés par le Roi d'Espagne qui seront installés, eux d'origine génoise, sur une petite île à 11 milles au sud d'Alicante nommée de ce fait Nueva Tabarca où ils feront souche et deviendront Espagnols.
En 1596, se fonde en Sicile " l'Arciconfraternità della ridenzione dei Cattivi " qui eut son siège en L'église Santa Maria Nuova à Palerme. " Au XVIIème siècle les corsaires algériens deviennent de plus en plus redoutables. La Méditerranée n'est plus assez vaste pour eux ; ils cherchent un autre théâtre pour leurs déprédations, et s'avancent jusqu'aux îles Canaries, où ils portent la désolation et la mort. Miguel de Cervantes auteur de don Quichotte, capturé au large de Rosas lors de son retour de Naples avait été déporté comme esclave au bagne d'Alger avec son frère Rodrigo le 26 septembre 1575. Au XVIIIème siècle à Cagliari, c'est le " bureau de rachat des esclaves sardes " qui participa deux fois, sous l'autorité du Roi de Piémont-Sardaigne et avec la contribution financière de bon nombre de souverains européens y compris le Pape à la libération des esclaves qu'il allait accueillir pour mettre en valeur son île de Sardaigne dont il venait d'hériter, jugée insuffisamment peuplée.
Saint-Pierre de Nolasque (1189-1256) natif de Ricaud et prêtre au Mas Saintes Puelles dans l'Aude
fut le précepteur du fils de Jacques 1er roi d'Aragon. Pourquoi le culte de Notre Dame de la Merci à Gairaut ? Au retour des libérés on organise de grandes cérémonies avec actions de grâces et parade du convoi dans les rues sous les acclamations de la foule. Ils portaient, parfois au bout d'un bâton sur l'épaule, un symbole de leur asservissement passé tel que des chaînes symboliques ou un petit pain noir, seule nourriture que leurs geôliers leur consentaient Premier pas vers une relative tranquillité, en 1816 le traité de Tunis mit un terme aux expéditions de pillage commanditées par son Bey à l'encontre du royaume de Piémont-Sardaigne, comme celle de 1798 à San Pietro.
Toutefois, Alger et Tripoli n'étant pas parties à cet accord, ce n'est qu'en 1830 avec le débarquement des Français à Sidi Ferruch que la pacification de la méditerranée occidentale sera définitivement acquise, paix qu'elle n'avait pas connu depuis près de 14 siècles.
" Ce qui nous amène à dire quelques mots du dernier des esclaves célèbres, le général Youssouf, né en l'île d'Elbe, capturé en mer à 11 ans, esclave puis Mamelouk à Tunis où l'élimination en duel secret d'un congénère jaloux de son idylle avec une fille de leur maître, suivie de la découverte du corps qu'il avait scellé dans un mur, le contraignit à prendre la fuite. Il se présenta alors aux Français arrivés de fraîche date et se mit à leur service comme interprète. Se faisant apprécier de ses supérieurs il deviendra officier, sera l'artisan de la prise de Bône, participera à fonder les corps des Tirailleurs et des Spahis et finira sa vie à Nice avec le grade de général de division après avoir servi dans de nombreuses campagnes hors d'Algérie." Sources : Jean-Bernard LEMAIRE St Germain-en-Laye le 25 novembre 2002 - Les cahiers de la Méditerranée
Une affiche de 1785 de l'imprimerie de la veuve Sibié imprimeur du Roi dans la ville de Marseille commandée par les ordres de la Trinité et la Merci nous détaille le rôle de 314 esclaves français rachetés à Alger. Ce document est une véritable source de renseignements. On y trouve un tableau donnant le nom, l'âge des esclaves au moment de leur capture, la durée de captivité et leur origine par paroisse et diocèse. Un rapide calcul statistique nous fait savoir que la moyenne des années d'esclavage dans ce groupe est de 9 ans. Sur le total, 25 d'entre eux proviennent de Guyenne, 32 du Languedoc et 11 du Roussillon.
Thomas Nivet de Montferrier (Perpignan), 68 ans, est libéré après 35 années d'esclavage. Jean Fillon, 59 ans, de Béziers, 30 ans de détention. Pierre Tourron, 46 ans, de Saint-Vincent (Carcassonne) n'a souffert que 17 ans. Prosper Cathala, 32 ans, de Brousse (Narbonne) n'a perdu que 7ans de sa vie. Nicolas la Faye, 22 ans, de Saintes n'a été détenu que 2 mois. De même, Baudire Michel, 35 ans, d'Argelès (Perpignan) n'a connu que 2 mois d'esclavage.
Pendant longtemps, l'Europe a tenté des expéditions pour faire cesser les raids des corsaires. Dès 1505, Diégo Fernandez de Cordoba occupe Mers-el-Kébir puis Oran en 1507. L' Espagne s'installe également sur l'îlot en face d'Alger puis à Bougie et Tripoli.
Baba Aroudj devenu Sultan d'Alger est tué en 1518 près de Tlemcen. Son frère Kheir-Eddin qui lui succède demande le protectorat de l'empire Ottoman pour résister à l'Espagne, et lutter contre le peuple berbère. En 1765, Suffren bombarde Salé au Maroc et trace les plans des côtes du Maghreb. Entre autres, c'est à l'initiative de l'abbé Grégoire que fut votée pour la première fois l'abolition de l'esclavage, le 16 pluviose de l'an II (1794).
Condorcet, Montesquieu, Thomas Reynal, Viefville des Essarts et bien d'autres intellectuels du XVIIIème siècle n'ont jamais cessé de condamner toutes les formes d'esclavagisme.
En 1816, l'expédition maritime anglo-hollandaise de Lord Exmouth arrive à faire cesser momentanément les raids.
En 1818, au congrès d'Aix la Chapelle, les grandes puissances européennes évoquent la nécessité de mettre fin une fois pour toutes au fléau et Chateaubriand appelle la France à prendre la tête de ce combat.
Lors de la prise d'Alger, il restait encore 130 esclaves européens détenus par le Dey qui furent immédiatement libérés. Ensuite, par esprit de tolérance religieuse à l'égard des indigènes, la France leur accorda un statut spécial. Si l'esclavage des noirs fut interdit dans les villes, chez les nomades et dans les campagnes il continua longtemps d'exister. Il fallut attendre la publication de la loi du député Victor Schoelcher en 1848 sous la seconde république et la forte autorité de l'administration française pour faire cesser définitivement ces pratiques scandaleuses. Claude Jacquemay |
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Mis en ligne le 02 juillet 2015