Mon pays, l'Algérie, est aussi le pays
des pieds-noirs
Entretien avec Yasmina Khadra, écrivain algérien. Auteur à succès, à la tête du Centre culturel algérien à Paris depuis deux ans et demi, Yasmina Khadra évoque cette Algérie fraternelle et accueillante où " jamais un étranger ne se sent étranger "
La Croix : Vous n'avez jamais caché, dans vos romans, votre nostalgie de cette Algérie fraternelle où les pieds-noirs avaient leur place. Pourquoi ?
Yasmina Khadra : J'ai toujours voulu montrer l'Algérie, dans sa générosité, dans sa sincérité, sans parti pris. Cela gêne bien évidemment certains apparatchiks en Algérie. Pour moi, cela ne fait aucun doute : l'Algérie, qui est mon pays, est aussi le pays des pieds-noirs. Chaque pied-noir, pour moi, est un Algérien, et je ne dirai jamais le contraire. Nous reste en mémoire, Français et Algériens, ces amitiés déchirées, ces voisinages dépeuplés…
Votre famille n'avait-elle pas elle-même des relations très étroites avec les pieds-noirs ?
Au Sahara, à Kenadsa (20 km de Colomb-Bechar), où je suis né, où ma famille vivait, il y avait Robert Lamoureux, qui était notre voisin. Avant de devenir l'artiste qu'on a connu, il était un très modeste employé des Houillères. Il travaillait au service de la comptabilité. Mon grand-père lui a même offert un pantalon, tellement il était pauvre. Mon père, jeune homme, avait une amie, prénommée Denise, une petite voisine, qu'il voulait épouser, qu'il aimait. Il l'a présentée à son père. Mais mon grand-père s'est opposé à son mariage. Aujourd'hui il me parle toujours de Denise avec nostalgie. Elle a été le grand amour de sa vie. Vous prônez sans cesse la réconciliation ?
Combien de pieds-noirs me racontent et m'ont raconté leur pays, et combien ils souffraient d'en être privés ! Ceux qui sont revenus au pays en vacances ont été si bien accueillis par la population. Les Algériens sont le peuple le plus fraternel du monde : il est, je dirais, " xénophile ". Un mot que j'invente pour la bonne cause ! Jamais un étranger ne se sent étranger, chez nous en Algérie. N'allez-vous pas vous faire de nouveaux ennemis en Algérie ?
J'ai l'habitude. Je suis sans cesse attaqué : la morsure prime la caresse en ce qui me concerne…
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