La citadelle romaine Sitifis à l'origine de la construction de la ville coloniale de Sétif dès 1837



Les nouvelles générations de Sétifiens, en évoquant les principaux quartiers qui constituent leur ville (Langar- Bilaire- Birgay- Boumarchi- Djnène- Chiminou- Combata- Tandja), sont irrémédiablement projetées vers le passé, celui de la construction coloniale de la ville de Sétif. Même si les mots subissent parfois les altérations du passage d’une langue à une autre, l’histoire est la même et une seule, présente dans la conscience collective prête à assumer sa mission, celle de livrer aux générations présentes une description spatiale et architecturale de leur cité.
L’ancien site Sitifis ne représentait à l’arrivée des Français en 1838 qu’un amoncellement de ruines abandonnées à la place d’un fort byzantin et un seul arbre près d’une source (signe de vie) au pied de cette ancienne citadelle.
L’histoire glorieuse passée de la capitale de la Mauritanie sétifienne, le tracé dense des anciens itinéraires, les signes de contrée fertile, la position stratégique du site et sa situation de carrefour militent en faveur de la fondation d’une ville, détruite par un tremblement de terre, mais sous une autre forme répondant à des objectifs spécifiquement militaires de l’époque.
Ainsi, Sétif fut une création du pouvoir colonial français en 1837.
Cependant l’armée n’ayant pas suffi seule à poursuivre les travaux d’édification, il a fallu le concours d’ouvriers civils qui formaient déjà une importante population. Une fois que l’édification de la forteresse militaire (nouvelles casernes à l’emplacement de la citadelle romaine et du fort byzantin) fut très avancée et devant l’afflux d’ouvriers civils, les constructions s’orientent vers les besoins de cette population civile.
En 1845, les maisons en toub, les tentes et autres constructions disparaissent définitivement pour être remplacées par des constructions élevées suivant de nouveaux alignements. Peu à peu, la ville de Sétif renaît à l’intérieur de sa structure intra-muros et possède déjà tous les caractères des centres urbains de colonisation.
En 1872, la ville de Sétif prend forme, sa structure se densifie et s’équipe à l’intérieur d’une muraille d’enceinte percée de quatre portes correspondant aux quatre points cardinaux, affirmant de la sorte sa position stratégique de carrefour. Au Nord, la porte de Bougie, à l’Ouest, la porte d’Alger, au Sud, la porte de Biskra, à l’Est, la porte de Constantine. Ce noyau colonial originel est constitué de deux quartiers de par et d’autre d’une voie dans le sens Est-Ouest (la route de Constantine). De larges rues sont tracées régulièrement avec trottoirs bordés d’arbres, magasins sous les arcades, maisons et immeubles ainsi que des équipements importants: recette des postes (1845), reconstruction de la mosquée (El Attik) en 1845, établissement bancaire (en 1855), l’hôtel de ville (en 1856), tribunal de 1re instance (en 1860), église Sainte Monique (future mosquée Ben Badis) en 1867, collège colonial (actuellement Lycée Kérouani), sous préfecture (en 1874), théâtre municipal (1896), fontaine monumentale (Aïn Fouara) en 1898). Après la Première Guerre mondiale, les autorités municipales de Sétif prennent en main le développement spatial de la ville en procédant à certains aménagements dans les environs immédiats de la ville intra-muros.
Le quartier «Bon Marché» est édifié par l’entreprise Levy.
Des villas avec jardins au profit des classes moyennes européennes ont remplacé un vieux campement établi sur un terrain communal loué à quelques noirs venus du Sud, qui seront recasés au nord de la ville, la cité Bel Air qui attribue une pièce par famille dont les membres s’adonnent à l’activité artisanale en rapport avec leur vocation traditionnelle de la laine (tapis ou burnous). Parallèlement, au sud-ouest de la muraille, on a construit des cités pour les combattants de la guerre 14-18 «Cité des combattants».
A partir de 1925, période marquée par l’avènement du chemin de fer et la construction de la gare au sud–est de la ville intra-muros, les remparts ont été démolis laissant la place à un large boulevard cernant le noyau intra-muros et permettant au tissu urbain de s’étendre au-delà des anciennes portes d’Alger, de Constantine et de Biskra.
La démolition de la porte de Biskra au sud laissant apparaître le faubourg de l’industrie et de l’artisanat (forgerons- tapissiers-selliers y étaient établis). La démolition de la porte d’Alger à l’ouest a entraîné l’intégration du faubourg des Jardins (Djnène), caractérisé par un habitat pavillonnaire clairsemé entouré de jardins mettant à profit la présence d’eau souterraine. La démolition de la porte de Constantine à l’est engendrait l’édification du faubourg de la gare (Langar) qui s’est structuré autour des docks et silos de la Compagnie genevoise et la gare, autour de la mosquée Abou Dhar El Ghifari, du cimetière chrétien, et la cité des cheminots caractérisée par un tissu en damier composée de maisons en tuiles entourées de jardins, résidences de la petite et moyenne bourgeoisie, s’étalant au bord de la RN 5 vers Constantine.
A la veille de guerre de libération, l’agriculture coloniale n’absorbait plus une main d’œuvre trop nombreuse, ce qui engendre un afflux vers la ville par la construction d’un habitat précaire dans les vieilles cités.
Initialement, les «exilés forcés» venus du mont de Megrès, de Aïn Kebira, de Amoucha, des monts de Babor, généralement agriculteurs doublés de maçons, ont acheté une parcelle de terrain à proximité de la ferme des Yahiaoui au nord de Sétif, pour construire une pièce. Peu à peu un pâté, un îlot, un district prenait forme. Il est construit en dur avec des ruelles tortueuses, des alignements fantaisistes, improvisés selon les besoins. On transpose les coutumes, les traditions, les conceptions du douar d’origine dans un site périurbain en formation. Devant l’afflux incessant de la population, les héritiers Yahiaoui s’adonnent à la spéculation foncière et, il s’en est suivi un chaos urbain ressemblant plus à un énorme village rural densifié qu’à un quartier structuré et lisible. La cité de Tandja regroupe plus de 100 000 âmes actuellement.
Dans le souci de contenir et d’endiguer l’extension démesurée de ce quartier, par crainte de son déferlement, les autorités ont vite procédé à son enclavement par l’entremise de dispositifs militaires et autres. Clôture grillagée, extension de la garde mobile (future brigade de gendarmerie nationale), construction de l’école maternelle (future école Cheikh Abdou) en 1956.
A cette époque, on note la construction des bâtiments collectifs de Diar Enakhla et l’implantation du lotissement de Pierre Gaillet au profit des citadins algériens de vieille souche pour alléger les maisons collectives de type «Hara» du faubourg de la gare. Le quartier Pierre Gaillet dit «Birgay», est un lotissement qui s’est organisé autour du marabout Bounechada au sud-ouest de la ville à proximité de la RN 28 vers Biskra.

 

La Fontaine d'Aïn Fouara

 

Sa naissance remonte à la fin du XVIIIe siècle. Ce chef-d’œuvre de la sculpture monumentale représentant une femme dénudée élevée sur un rocher haut de 2 mètres, narguant les passants en leur offrant une eau pure émergeant des interstices et des amphores -Aïn Fouara dépassant largement son centenaire-, n’a pas d’âge.
Vite adoptée et chérie par une population vaillante dont les valeurs se confondent avec l’humanisme, cette fontaine humanoïde au service de l’utilité commune trouva chez le Sétifien toute la protection et la gratitude.
Devenue symbole, Aïn Fouara, qui incarne une certaine histoire de Sétif, se confond aujourd’hui avec le quotidien sétifien bon an mal an.
Une histoire qui débute bien avant un 26 février 1898; ce jour-là, le maire donna communication au conseil municipal d’une lettre adressée en date du 3 février au directeur des Beaux-Arts au sujet de la date d’achèvement par Francis de Saint Vidal de la «Fontaine monumentale», le lieu d’où ce dernier allait expédier son œuvre vers Sétif de même que les frais pour l’emballage et le transport. Le directeur des Beaux-Arts, agissant au nom du ministre de l’Instruction publique, informe les responsables locaux que Aïn Fouara serait expédiée vers Sétif aux environs du mois de juillet 1898 après son exposition au Salon universel de Paris.
Les frais de transport de cette fontaine sont évalués approximativement à 2 650 FF, non compris les frais de débarquement au port de Skikda. La part de la commune pour la réalisation de cette œuvre est de 3 000 FF. Le maire dans sa réponse datée du 7 septembre 1897 donne son approbation au directeur des Beaux-Arts quant au règlement de ce montant après la réception de l’œuvre par la commission des beaux-arts et une fois cette dernière revêtue de l’estampille de l’Etat. Le conseil municipal vote alors par autorisation spéciale ce crédit dont l’inscription est régularisée au prochain budget additif. Début 1898, selon les rares informations recueillies, Aïn Fouara aurait été débarquée à Skikda et transportée de là sur une charrette. Il lui a fallu 12 jours pour arriver à Sétif accompagnée d’un garde champêtre dont la récompense en ce temps-là est de 200 FF.
Lors de la session de novembre 1898, Francionne, l’entrepreneur chargé des travaux de la mise en place de cette fontaine alimentée en eau à partir des bains romains au lieu-dit jadis «jardin Baral», situé à quelque 100 mètres de là, fait l’objet d’un différend avec l’architecte.
Les contraintes sont vite levées par la municipalité. Le maire fait ensuite un exposé sur l’avancement satisfaisant de la réalisation de cette œuvre sur le point d’être achevée. Ce projet, dit-il, doit être à la fois décoratif et servir aux besoins de la population. L’eau devait émerger des interstices du rocher et aussi des amphores que la statue allégorique tient dans ses mains. L’artiste sculpteur Vidal exprime alors son vif désir d’être présent à l’inauguration de son œuvre. Une inauguration qui ne semblait pas s’imposer aux yeux des responsables locaux parce que «le monument n’honorait pas un personnage ayant rendu un service d’utilité publique».
Du haut du monument, comme par enchantement, une eau pure coule au grand bonheur de la population sous le regard des calèches stationnées en file à proximité. Depuis que la dernière calèche a quitté définitivement la place en 1950, la place des taxis ne manque pas d’animation de nos jours. Les taxis sont là. Sétif tient à la tradition.

 

Samedi 8 Octobre 2005 Par Abdelhalim Benyelles
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Bertrand Bouret - Paru dans "L'Echo des français d'AFN"

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Mis en ligne le 18 nov 2010
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