LA CREATION DES CENTRES DE CHERAGAS (1842) ET D'AÏN SULTAN (1853)

Nous avions, dans un précédent numéro de Recherches Régionales (1), présenté un exemple de colonisation régionale en Algérie. le peuplement du centre de Bois Sacré (Abbo) par des colons venus des Alpes-Maritimes, et plus précisément de Castellar et de Moulinet. L'initiateur de ce mode de peuplement semble bien avoir été le Gouverneur général Bugeaud, et le premier essai avoir eu lieu à Chéragas grâce à des immigrants originaires de Grasse et de sa région et conduits par H.Mercurin. Placé dans une situation favorable, énergiquement soutenu par l'administration; ce centre de colonisation s'épanouit rapidement. Aussi lorsque, onze ans plus tard, devant des Bretons défaillants et des Alsaciens en nombre insuffisant, on ne suit comment peupler Ain Sultan fondé en 1449, on songe de nouveau à faire appel à un contingent de Varois, département de forte émigration, dont on confie le recrutement à H.Mercurin, devenu entre temps maire de Chéragas. L'histoire ne se répétant pas, ce sont deux exodes, deux installations deux destins collectifs que nous évoquerons.
Le 12 mars 1842, à la demande du Gouverneur général Bugeaud, le comte Guyot, directeur de l'Intérieur, présente un plan de colonisation concernant en particulier le Fais et le Sahel d'Alger, il y propose pour remplir l'espace entre Deli Ibrahim et la mer... la création d'un village sur l'emplacement qu'occupaient les Cheraga et qu'ils ont abandonné (2) en 1840. Le 26 avril, ce projet est approuvé par le ministre de l'Intérieur.
Située à 12 kilomètres d'Alger, dans une zone déjà assez fortement colonisée, où 'il ne reste à combler que quelques vides (3), cette création apparaît peu aventureuse; il y a bien quelques marais vers Staouéli mais ils seront rapidement asséchés il y a surtout quelques "débris" de la tribu qui occupait ces terres et qui et qui les considèrent encore comme leurs et dont on peut craindre une "attitude menaçante'' (4).
Le 8 juin 1842, un plan de village pour 66 familles est dressé et, dans un rapport du 22 août, le comte Guyot précise que ce village doit être presque' entièrement peuplé par une émigration venant des environs de Grasse et qui arrivera prochainement sous la conduite de M. Mércurin, colon qui était venu à l'avance reconnaître les lieux et assister à nos travaux préparatoires. Ce dernier m'a demandé que, pour favoriser l'établissement de ces familles et les installer dès le débarquement dans le village, il leur fût construit à l'avance par l'administration et à ses frais une ou plusieurs baraques où elles pourraient trouver un abri provisoire (5). Dans ce même rapport sont indiquées les modalités de la création envisagée: sur 400 ha, en majeure partie domaniaux, seront installées 60 familles, dont 50 imédiatement, et les premiers travaux comporteront le nivellement de l'emplacement du futur village, l'établissement des rues, la construction d'une fontaine, d'un lavoir, de deux abreuvoirs et d'une enceinte défensive "comportant un fossé de 1210 mètres, trois tours défensives... établies aux différents angles culminants" (6), enfin l'amélioration de la jonction du village à la route d'Alger à Dely Ibrahim. Le Conseil général du Gouvernement adopte ce projet et le décret du 22 août décide la création du centre de Chéragas et débloque pour sa réalisation un crédit de 47.156 f., plus 2500 F pour la construction d'une grande baraque destinée à abriter provisoirement 100 personnes (en fait, il sera édifié une baraque "fermant avec serrure" sur chaque lot à bâtir). Ces travaux d'aménagement sont menés avec diligence, à partir du ter septembre, par "400 travailleurs militaires".
Il y a, en effet, urgence. A grasse, et dans ses environs, le recrutement des future colons a été mené rapidement et avec succès par H.Mercurin sur la base de la Note sur les concessions rurales à titre gratuit et les formations des villages en Algérie (cf. annexe I). En ce qui concerne H.Mercurin, il avait été convenu qu'il obtiendrait, à titre d'indemnité de sa peine et de ses dépenses une double concession (7). Vous sommes très mal renseignés sur ce personnage: lui et son frère étaient propriétaires-électeurs à Grasse où ils résidaient et c'est à peu près tout ce que nous savons d'eux (8).
Si les candidats potentiels à l'émigration sont nombreux (essor démographique, décroissance de la prospérité de Grasse et de sa région), notables et autorités locales sont généralement peu favorables à leur départ, par crainte que l'agriculture ne manque de bras et qu'ils ne soient obligés de relever les salaires et d'améliorer les baux agricoles (9). Aussi des réticences, voire une réelle hostilité, se sont-elles manifestées: Les autorités du canton de Grasse, et même celles de Cannes où l'embarquement a eu lieu, ont manifesté la plus vive opposition au départ de ces émigrants. Des maires ont été jusqu'à refuser des passeports; les membres du clergé s'en sont même mêlés et ont été jusqu'à prêcher en chaire contre ces projets d'émigration, c'était surtout l'énormité des dangers qu'ils allaient courir que l'on faisait valoir auprès de ces pauvres gens (10).
Par contre Mercurin peut compter sur le concours actif des représentants civils et militaires, de l'autorité centrale, comme en témoigne une lettre adressée le 23 septembre 1842 au sous-préfet du Var Conformément au contenu de la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire aujourd'hui, je viens de faire prévenir M.Mercurin de l'avis que l'Intendant militaire de la sa division a donné à M. le préfet du Var au sujet du transport en Algérie des familles de colons recrutées par M. Mercurin. Ce dernier va faire ses dispositions pour se rendre à Marseille à l'effet de s'entendre avec M. l'Intendant (11).
Ce correspondant ajoute que le projet de colonisation de M. Mercurin lui parait très sérieux et que diverses familles.., lui ont promis de partir sous son patronage'. Malgré la réticence des uns et grâce à l'appui des autres, ce sont finalement 36 familles qui se préparent au départ et 29 qui embarquent, le 13 octobre 1842, à Antibes (plutôt qu'à Cannes), sur le navire à vapeur "Le Météore" spécialement affrété pour elles.
Dès leur arrivée à Alger, ces colons font l'objet d'une grande sollicitude car le comte Guyot désire que cette tentative de colonisation réussisse et donc que les premiers venus appellent auprès d'eux leur famille, que certains,"par motif de prudence bien naturel", ont laissée au pays, et d'autres colons pour compléter le peuplement de Chéragas (12).
Dès le 17 octobre ils sont transportés avec leurs bagages sur des voitures, le convoi étant conduit par le directeur de l'Intérieur en personne, et à peine installés à Chéragas, ils reçoivent leurs lots à bâtir à la suite d'un tirage au sort aménagé pour tenir compte des affinités. Le comte Guyot peut alors adresser au Gouverneur général un rapport triomphant : "L'état où ils ont trouvé les choses, la tranquillité du pays les ont rassurés... la fertilité de la terre, la beauté de l'atmosphère, la douceur de la température leur ont infiniment plut... . Cette population me parait faite pour inspirer une grande confiance, les hommes sont robustes... tout annonce l'aisance et la propreté"(13).

Un mois plus tard, le 15 novembre, un autre rapport signale la présence d'une centaine d'individus (grâce à l'apport de colons "choisis dans le pays même") ; chemin et enceinte sont en voie d'achêvement et certains colons ont commencé à cultiver un jardin. Le 17 février 1843, on dénombre 58 colons (56 lots de culture et d'activités diverses) et l'on attend encore une dizaine de familles varoises. Un nouvel arrêté porte alors la superficie du village à 600 ha et le nombre de lots à 67. Cette année-là le village sort véritablement de terre, les maisons s'édifient, un boucher, un boulanger et deux aubergistes s'y installent, 130 ha sont défrichés et mis en culture.
Les contemporains sont tentés d'expliquer la rapide réussite de Chéragas par son "peuplement régional (14). La majorité des colons est originaire de Grasse et de ses environs. Aux dires de M. Mercurin, il s'agit de "véritables travailleurs bien au fait de la culture de l'olivier, de la vigne, des mûriers et d'autres productions qu'il sera si utile de transporter de France en Algérie". La plupart de ces colons ne disposaient initialement que d'un modeste pécule mais ce handicap du début fut compensé par :
- la relative salubrité des lieux ;
- la localisation du village qui devint rapidement un carrefour sur la route d'Alger à Sidi Ferruch, donc un marché ;
- les aptitudes agricoles des colons, maraîchage, oléiculture et horticulture (15) cette dernière activité devant se révéler particulièrement importante ;
- la sollicitude de l'administration algérienne qui ne se dément pas et se manifeste par des corvées militaires pour aider au défrichement, par une aide de 800 F. par famille pour la construction (16), par des allocations en matériel, en semences, en bétail "provenant de prises faites à l'ennemi" (17) ;
- la présence, à proximité, de grandes fermes de colonisation solidement implantées et qui utilisent comme main d'oeuvre une partie de la population du centre. Parmi elles, "le grand établissement agricole des Trappistes à Eitaouéli (Staoueli Ndlr)", fondé à la fin de 1843, mais aussi la ferme De Launay, vendue 512 000 francs en 1845 (18)
- et les exploitations de MM. Mussault, Martin-Desplas, Mercurin (60 ha), Fruiti6... ;
- la diversification assez rapide de ses activités: à la fin de 1845 on compte déjà deux briqueteries et un moulin. En fait, nous sommes très mal renseignés sur les débuts de Chéragas, car, comme le relève E.Violard (19), "alors que la plus infime commune de France possède des archives qu'elle conserve jalousement, ici (à Chéragas) nous ne trouvons que le néant ou l'indifférence". Nous relevons, au hasard des informations, la croissance de sa population : 206 habitants en juillet 1843 (dont une cinquantaine d'ouvriers agricoles et de domestiques), 452 à la fin décembre1845 ; 35 maisons construites en juillet 1843, 73 en décembre 1845 ; 110 ha cultivés en 1843, 180 en 1845 (et 298 en 1850). Les colons reçoivent leurs titres définitifs de concession le 31 décembre 1846. En 1849, le centre s'agrandit de 710 ha supplémentaires avec de grandes concessions (9 comprises entre 15 et 25 ha, deux de 60 ha mais aussi 22 de 7 à 8 ha pour des "colons de Chéragas qui n'avaient pas de lots") et un vaste communal de plus de 100 ha.

Apparemment, ce n'est qu'en 1847 qu'eurent lieu, à Chéragas, les premiers essais de la culture du géranium rosat. Leur distillation sur place est attestée dès 1851, les produits étant envoyés à Grasse. Dans ce domaine aussi H.Mercurin semble avoir été un initiateur: "il cultive beaucoup de géraniums et en tire un parti avantageux, ainsi que des fleurs d'oranger et de plantes aromatiques du voisinage ; il a monté une distillerie dont les essences ont figuré à l'exposition universelle de 1855"(20). Plus tard, Chéragas fut gagné par la fièvre de la vigne, nouvel élément de sa prospérité.
Entre temps, H.Mercurin, à la demande du Gouverneur général de l'Algérie, avait repris son bâton de pélerin à la recherche de nouveaux colons varois pour tenter de rééditer, à Aïn Sultan, dans la vallée du Chélif, l'expérience réussie dans le Sahel d'Alger.
Aïn Sultan, situé dans la vallée du Chélif, en amont du futur Affreville, aurait dû être un des centres de colonisation prévus, après les journées de juin 1848, pour dériver une partie du prolétariat parisien ; malgré un début d'équipement réalisé par l'autorité militaire, ses terres ne furent pas attribuées. Puis on envisage d'y installer des Bretons... qui ne vinrent pas. A la suite du coup d'Etat du 2 décembre 1851, des déportés politiques y furent affectés pour défricher le territoire (environ 1500 ha se décomposant en 60 lots de culture de 15 ha, un communal de 300 ha et des lots de ferme couvrant en tout 300 ha), planter des arbres, creuser un canal d'assèchement et achever le village : maisons, mairie, église, école, lavoir couvert, abreuvoirs et fontaines (21).
Peut-être à l'initiative du préfet du Var qui s'engage, le 13 mai 1853, à demander au Conseil général du Var des crédits pour "la fondation d'un centre de population qui serait composé de familles originaires de ce département" (22) il fut décidé de peupler ce village fantôme avec des Varois et de confier à M. Mercurin, maire de Cheragas, une opération de recrutement dans l'arrondissement de Grasse analogue à celle qu'il avait menée avec succès en 1842. Mais il s'avéra plus difficile de susciter un puissant courant d'émigration "de familles possédant des ressources suffisantes pour s'installer entièrement à leurs frais" (23). Malgré cette modification de la conjoncture démographique locale, H.Mercurin est en mesure, le 14 octobre 1853, d'adresser au préfet du Var une première liste de 21 familles "qui possèdent des ressources suffisantes et voudraient partir de suite pour pouvoir faire leurs semailles en temps opportun' et une liste supplémentaire "de 6 personnes plus démunies et qui auraient besoin d'une avance pour s'installer" (24). En fait, ces engagements sont loin d'être définitifs, puisque sur la liste des partants, établie le 24 novembre par le préfet du Var, on ne retrouve que 9 des précédents candidats; au dernier moment Gent (Lambert), de Vence, renonce et est remplace par Trastour (Emmanuel) de Vence également.
L'attrait d'Ain Sultan apparaît donc très limité d'autant que Mercurin n'a pas caché aux futurs colons les difficultés qu'ils auraient à surmonter. Aussi ne réalisent-ils que partiellement leur avoir et nombre d'entre eux laissent au pays femme et enfants "pour faire la récolte des olives" et voir venir. Pour décider les hésitants, Mercurin s'engage à les accompagner et à les établir sur place, mais lors de l'embarquement, à Marseille cette fois, le 27 novembre, 7 familles seulement sont présentes; 15 autres partent quelques jours plus tard, dont 1 n'était pas prévue pour Ain Sultan.
Bénéficiant de beaucoup moins de sollicitude que leurs compatriotes de 1842, c'est à pied, au bout de six jours de marche sous la pluie, qu'ils atteignent Ain Sultan où les arrivées s'échelonnent entre le 7 et le 15 décembre 1853. Immédiatement a lieu le tirage au sort des lots d'une quinzaine d'hectares chacun et le 26 décembre au plus tard, les familles du Var, 22 au total, sont installées dans leur maison et sur leur concession après avoir reçu des céréales, un boeuf, une charrue et des instruments aratoires (25).
A côté d'eux sont aussi installées 10 familles originaires du Haut-Rhin. Par rapport aux prévisions initiales, il reste 28 lots disponibles et Mercurin propose de compléter le centre en puisant dans la liste d'attente ou en faisant appel à des parents de colons déjà établis, en particulier à leurs grands enfants venus avec eux; en accord avec le maréchal Randon, il pousse donc à la création d'un village départemental. A partir de mars 1854, avec le retour de la belle saison, les arrivées se succèdent: épouses et enfants de colons, mais aussi de nouveaux concessionnaires: Raybaud (J.B.) de Grasse, Andolin (J.) de Grasse, Pastour de Vence, Perrugues (J.B.) de Grasse, Palanque (J.) de Sartoux, Emeric (P.)de Saint-Laurent, etc. pendant que Focachon vend sa concession. Encore quelques arrivées tardives (Thomel de Grasse en décembre 1854, Teissere et Vance en janvier 1855) (26), et la plupart des concessionnaires sont en place au début de 1855 (27). Pourtant les débuts n'ont pas été faciles, les colons sont arrivés trop tard pour pouvoir semer et surtout ils manquent de liquidités pour s'équiper, réaliser travaux et plantations et attendre la prochaine récolte (28). On parle d'une immigration de la misère et l'on décrit les colons (et leurs enfants) mal vêtus, mal tenus, mal nourris. Ces difficultés ne facilitent pas leurs relations ni avec les colons du Haut-Rhin qui réussissent mieux, ni avec le capitaine Dupin, directeur du Centre de colonisation dont ils n'apprécient pas l'autoritarisme et en décembre 1854 on arrête nul, coupable "d'avoir médité l'assassinat du directeur de la colonie". En janvier 1856, un rapport du sous-préfet de Miliana les présente comme peu aptes au travail agricole (certains d'entre eux seraient perruquier ou cordonnier), comme "turbulents et même paresseux", laissant les neuf dixièmes de leur territoire en friche et se contentant de le "louer aux arabes".
Et malgré tout, même si elles parlent de temps à autre de repartir, la plupart des familles s'accrochent. Sur les 22 installées en 1853, 18 sont présentes sur leur concession en 1857. Le centre se développe lentement et en 1862 les terres sont décrites comme bien cultivées ; les maisons ont été agrandies, les lots initiaux ont parfois doublé ou triplé, et les colons varois sont bien enracinés (29).
Nous avons isolé, quelque peu artificiellement, au sein d'un courant régional constant - bien que variable en intensité d'émigration vers l'Algerie, trois moments particuliers 1842 vers Chéragas, 1853 vers Ain Sultan et 1873 avec la création de Bois Sacré. Dans tous ces cas, une ville, un ou deux villages, un arrondissement fournissent vingt, trente, cinquante familles pour peupler un centre nouvellement créé où elles seront majoritaires, réalisant ainsi des "colonies régionales" chères à certains gouverneurs généraux (Bugeaud, Randon, de Gueydon).
A priori, on suppose que la cohésion du groupe ainsi transplanté lui permettra plus facilement de surmonter les difficultés inhérentes à l'implantation pionnière et de s'imposer à un environnement, naturel et humain, différent et parfois hostile.
Ces trois créations ont été durables, ces trois centres ont "réussi", de manière plus ou moins éclatante, plus ou moins rapidement, en fonction de nombreux facteurs: dimension des lots, qualité des sols, aptitudes agricoles de la région, situation par rapport à Alger et aux axes de communication, etc., mais aussi en relation avec les capacités des "entrepreneurs" qui furent les "guides" de leurs compatriotes et qui, bénéficiant en outre d'une prééminence économique, furent consacrés par eux dans ce rôle, devenant leurs premiers maires (Abbo, Marcurin).
Il ne faut pas oublier, non plus, d'une part les faveurs le l'administration coloniale (terres gratuites provenant de séquestres sur les populations locales, premiers équipements, etc.), variables selon les époques et les soucis publicitaires des initiateurs des plans de colonisation (le comte Guyot par exemple) et, d'autre part, la ténacité des colons partant sans esprit de retour, après avoir réalisé leurs maigres biens, d'une terre que l'évolution démographique et économique rendait de plus en plus ingrate.
Les personnes qui désirent s'établir en Algérie comme colons concessionnaires, dans les centres de population et villages agricoles que le Gouvernement y fonde, doivent s'adresser au Ministre de la Guerre, soit directement, soit par l'entremise des préfets, ce qui vaut mieux. A la demande doivent être annexés des certificats authentiques constatant la moralité des pétitionnaires, leur profession, leur âge, le nombre et âge de leurs enfants, la quotité des ressources pécuniaires dont ils pourraient disposer à leur arrivée en Algérie.
Cette quotité des ressources n'est pas limitée ; elle doit être proportionnelle à la composition de la famille, et suffire aux dépenses de premier établissement et d'entretien, en attendant la première récolte. Pour une famille peu nombreuse, faut au moins 1,200 à 1,5oo francs au moment de la prise de possession.
Si les demandes sont jugées admissibles, le Directeur de l'Intérieur à Alger, à qui elles sont transmises, comprend les pétitionnaires parmi les concessionnaires d'un village, et il leur réserve des lots.
Il est alors délivré au concessionnaire, par le Département de la Guerre, un permis de passage gratuit de Marseille ou de Toulon à Alger, pour lui , famille et les personnes qu'il veut associer à son entreprise. On ne saurait trop recommander aux colons de se munir de cette autorisation avant de se rendre au port d'embarquement. afin d'éviter des retards ou des frais de traversée.
A son arrivée dans la Colonie, le concessionnaire est mis immédiatement en possession, par les soins du Directeur de l'Intérieur, d'un lot à bâtir dans le village qui lui est assigné, et d'un lot à cultiver.
Le premier est assez étendu pour recevoir une maison, des écuries, un four. Le lot à cultiver est de 4 à 1 2 hectares, selon les ressources du colon et le nombre des membres de sa famille.
Ce n'est que par exception, et en faveur de colons justifiant de moyens d'action considérables, que des concessions plus étendues peuvent être accordées par arrêté spécial, et sauf approbation du Ministre.
Le concessionnaire trouve un abri provisoire sous des baraques que l'administration fait élever en attendant que les nouveaux habitants puissent se construire des maisons il est de plus aidé dans l'établissement définitif de son habitation, quand il est reconnu qu'il ne dispose pas de ressources pécuniaires suffisantes, par des secours en matériaux à bâtir pouvant s'élever de 3 à 600 francs.
Pour la culture de ses terres, il peut lui être prêté temporairement est bêtes de labour. Des semences et. des instruments aratoires peuvent aussi être mis à sa disposition, tantôt à titre de don gratuit, tantôt à charge de remboursement. Il participe, enfin, à des distributions de plants et de graines provenant des pépinières de la Colonie.
Aussitôt qu'il s'est établi sur son lot, il lui est délivré, par la Direction de l'Intérieur, un titre provisoire de concession, sur lequel sont mentionnées les conditions de bâtir et de cultiver qui doivent être accomplies.
Quand le colon a satisfait aux clauses et obligations portées au titre provisoire ce qui est constaté par procès-verbal de reconnaissance, le titre provisoire est changé en titre définitif, lequel le constitue propriétaire incommutable dans les limites et les termes de l'article 544 du Code civil.
Les concessions rurales, comprises dans le périmètre des villages en cours d'établissement, sont faites à titre gratuit. Elles donneront lieu à une redevance légère après cinq années écoulées.
Jusqu'à présent, les terres de toute nature appartenant aux Européens, exploitées par eux d'Algérie, ont été exemptes de tout impôt foncier.
Les villages sont placés dans des positions d'une salubrité reconnue et pourvues d'eau. Ils sont entourés d'enceintes défensives, protégés par des brigades de gendarmerie et les camps. Les habitants sont armés et organises en indices. Des églises, des oratoires et des écoles sont répartis sur le territoire colonisé, selon les besoins des populations. Les centres de colonisation sont reliés entre eux et aux villes par des chemins qui assurent l'arrivé des matériaux, l'écoulement des produits, les échanges et les communications de toute nature. Des tournées médicales ont lieu, à des intervalles rapprochés, dans les divers villages.
N.B.: Cette note reprend les principales dispositions de l'arrêté ministériel du 18 avril 1841 et fit l'objet d'une large diffusion en France.

Alain SAINTE-MARIE
http://www.cg06.fr/cms/cg06/upload/decouvrir-les-am/fr/files/rr70-1979-03.pdf

Nota : Le Météore fut lun des premiers navires à vapeur de la marine française. Construit à Rochefort en 1833, il faisait partie dune série dune vingtaine davisos à roues construits sur les mêmes plans, mis au point par Jean-Baptiste Hubert, ingénieur des constructions navales à Rochefort. Petits bâtiments de liaison et de transport denviron 45 mètres de long, les avisos à roues comportaient un équipage dune centaine dhommes. Ils étaient à lorigine chargés de porter les avis, cest-à-dire le courrier, doù leur nom d « aviso».
http://www.maxisciences.com/navire/le-meteore_vid1789942.html

1 Des Alpes-Maritimes aux rives de l'Oued Sebaou dans Recherches Régionales n°1, 1978, pp.1 d 15.
2 Tableau de la situation des établissements français dans l'Algérie (T.E.F.), 1842/43, n,139.
3 L.de BAUDICOUR, Histoire de la colonisation de l'Algérie, Paris, 1860.
4 Archives Nationales(A.N.),Aix-en-Provence,F 80-1164.. Le territoire utilisé pour la création du centre aurait été abandonné volontairement par une partie des familles des Chéragas qui ne furent pas autorisées à s'y réinstaller lorsqu'elles en firent la demande en sent.1842".A.N., F 80-11511.
5 A.N., L 32. 6 T.E.F., 1844/45, p.216.
7 Lettre du directeur de l'Intérieur au Gouverneur général du 23 août 1842 (A.N. F 80-.1154 )
8 Aux Arch. départem. du Var, à Draguinan, on trouve bien un Mercurin, capitaine au 59e regiment de ligne(2 j 371) mais rien ne nous permet de l'assimiler ou de le relier au futur maire de Charagas.
9 Nous avons, dans notre précédent article, déjà évoque cet aspect dans sa lettre-circulaire du 3 sept 1873, destinee à rassurer les maires du département sur les conséquences des départs de ruraux vers l'Algerie, le Préfet des Alpes-Mmes rappelait: 'les familles des environs de Grasse qui sont allées peupler le village de Cheragas, aujourd'hui en pleine voie de prospérité. Recueil des actes administratifs de la Préfecture des Alpes-Maritimes, 1873, p.206.
10 Lettre du comte Guyot au Gouverneur général du 19 octobre 1842 (A.N., F 80-11 54).0n trouve aussi confirmation de ces réticences dans A.N., L 5.
11 Registre D19;Archives municip. de Grasse. nous devons la connaissance de cette lettre aux recherches et à l'amabilité de Madame. Auger, archiviste. Elle nous est d'autant plus précieuse que c'est à peu près la seule trace officielle de cet exode que nous ayons retrouvée dans les Archives de Grasse et de Draguignan.
12 Ce premier convoi en effet ne comporte que 29 chefs de famille, 12 femmes et "une quarantaine d'enfants".
13 Rapport du 19 oct. 1842.11 rédige simultanément un article relatant les conditions très favorables de leur installation qui paraît dans Le Moniteur algérien du 25 oct en même temps, des démarches sont effectuées auprès du maréchal Soult, président du Conseil, qui informe le Gouverneur général de l'Algerie, par une lettre du 21
nov. 1842,que le ministre de l'Intérieur a donné des instructions au préfet du var pour faire cesser toute crainte. 14 "Chéragas s'est peuple, comme on sait, presqu'entièrement de gens venus du même pays, du département du Var c'est là, sans contredit, une des causes de sa réussite.- (T.E.F.,1842/43, p.141).
15 T.E.F. 1842/43, p.171,
16 A.N. F 80-11 65
17 T.E.F. 1842/43, p.171
18 "300 ha y étaient cultivés dont 12 en tabac, plus de 30.000 oliviers y avaient été greffés et on y avait planté 15.000 mûriers; elle occupait journellement 40 à 50 ouvriers européens". L. de BAUDICOUPT, op.cit.p.422, démarquant le T.E.F. de 1846, p.138.
19 E.VIOLARD, Les villages algériens (1830-1870), t.I, Alger, 1925,p.23. La notice qu'il consacre à Chéragas est très approximative.
20 L.de BAUDICOURI, op.cit.,p.422. F.PEUT, Les annales de la colonisation, Alger, sept.1857, p.165, donne des détails sur cette participation. On trouve d'autres indications dans E.VIOLARD,op.cit.,p.23, dans le T.E.F. de 1850,p.208, dans un rapport de l'inspecteur de colonisation du 1er oct.1851 (A.N.,2 L I)etc. C'est en 1857 qu'Antoine Chiris crée une distillerie de géranium rosat à Boufarik, s'associant quelques années plus tard avec "un distillateur de Chéragas établi dans cette même ville"(J.FRANC, La colonisation de la Mitidja, Paris,1928, p.671).
21 Ce paragraphe résume succintement les origines du village d'Ain Sultan telles qu'elles sont retracées par X.YACONO,La colonisation des plaines du Chélif, Alger 1956, t.II, pp.96-99
22 A.N.,F 80-11 48.
23 Id. Lettre du préfet du Var au Gouverneur général de l'Algérie du 30 sept. 1853.
24 Lettre de Mercurin au préfet du Var,14 oct.1853. Arch.Dép. du Var, 11 M 3-2.
25 Lettre de Marcurin au préfet du Var, 26 décembre 1853. A.D. du Var, 11 M 3-2.Ces 22 familles comprennent un nouveau colon, le sieur Geoffroy(Léopold).
26 Liste des passages gratuits vers l'Algérie, A.D. du Var, 11 M 3-4.
27 A cette date le village compte 46 hommes, 40 femmes et 111 enfants.
28 Le ministre de la Guerre se déclare désagréablement surpris par la faiblesse des ressources en argent des immigrants varois. Encore en 1858,dans une lettre au préfet du Var, le général commandant la province d'Alger insiste pour que les immigrants aient un capital, aisément réalisable, de 2 à 3000 F, surtout "pas de mendiants"!).
29 Cf. X. YACONO, op.cit.,t.II, p.98.

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Mis en ligne le 15 janv 2011

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