Les colons d'Algérie
Quand les socialistes glorifiaient les colons et faisaient de la propagande pour la colonisation |
Il n'y a guère en France que les partisans de la royauté et les ultra-socialistes qui affectent l'indifférence sur ce qui est relatif à la colonisation de l'Algérie. Les uns, parce qu'elle est l'œuvre exclusive de la République et un de ses beaux titres de gloire, les autres, parce qu'en enlevant à la capitale un grand nombre d'ouvriers sans occupation on a retiré des soldats à une insurrection possible.
Mais tous ceux qui aiment la patrie et la République, tous ceux qui sont véritablement sympathiques aux souffrances que la misère fait endurer, tous ceux-là suivent d'un œil avide le travail de la colonisation car de ce côté la France grandit en chassant la barbarie devant elle et des milliers d'hommes que le besoin décimait dans nos villes trouvent là un bien-être honorablement acquis. Ce double but patriotique et humanitaire serait plus que suffisant pour expliquer l'intérêt qui s'attache à l'œuvre en elle-même mais pour la population parisienne il y autre chose encore ; ce sont les liens de famille ou d'amitié qui unissent chacun de nous aux colons et qui contribuent puissamment à nous intéresser au sort de la colonie.
Nous recueillons avec soin toutes les correspondances qui nous sont envoyées ou qu'on veut bien nous communiquer, et dans toutes nous y avons trouvé l'expression d'une véritable satisfaction. Ainsi nous lisons ce passage d'une lettre qu'un colon de la commune de Fleurus adresse à ses parents. C'est à peu près le langage de tous. Voici maintenant un extrait d'une autre lettre plus explicite d'un de nos amis, colon de la commune de Montenotte, et qui résume la situation générale de la colonie.
Ce reproche, le seul un peu grave que nous ayons pu constater, nous le retrouvons dans d'autres lettres, particulièrement dans celle d'un colon du village de Bou-Ismaël, qui écrit :
On le voit donc, l'œuvre de la colonisation se prépare sous d'heureux aspects. Pour nous, il est évident que si des républicains hommes d'Etat avaient voulu faire connaitre et aimer l'Algérie, il n'y avait pas un meilleur moyen de le faire. Les innombrables correspondances entretenues avec les colons ont déjà fait plus dans ce sens que les dix-huit années d'occupation et les noms glorieux de nos villages africains, Arcole, Fleurus, Lodi, Montenotte, etc., rappelleront le souvenir de nos deux Républiques en les symbolisant. La première, brillant éclair de gloire dont il ne reste qu'un souvenir, grand comme elle, il est vrai la seconde, fondation généreuse et puissante que l'avenir se chargera de développer.
Départ des colons pour l'Algérie. 5 novembre 1848
Amis, Comme aux sept premiers convois, celui-ci est composé de cinq grands bateaux plats attachés les uns aux autres et pouvant contenir chacun cent cinquante personnes, hommes, femmes, enfants. Chaque bateau est séparé par le milieu, et deux larges bancs avec places numérotées sont fixés sur chacun des côtés pour recevoir les voyageurs. Au-dessus de leur tête, un emplacement est réservé pour y déposer les matelas et les quelques petites choses que le colon peut emporter. Des fenêtres sont percées de loin en loin pour donner de l'air et du jour. Puis sur tout cela une double toiture en planche recouverte d'une toile cirée : voilà pour une huitaine de jours l'habitation des émigrants.
Quant au personnel de ce convoi, qui est, m'a-t-on dit, à peu près le même que celui des précédents, il se compose presque entièrement d'ouvriers de Paris de toutes sortes de professions, de quelques hommes de la campagne et d'un petit nombre d'anciens commerçants et d'artistes. Un fait remarquable, c'est le nombre considérable d'enfants de tout âge emmené par les émigrants. Ce fait se comprend, au reste, car, pour la plupart des colons, la cause du départ c'est la misère, et c'est sur les familles nombreuses d'ouvriers qu'elle se fait naturellement le plus rudement sentir. A dix heures, quand tous les colons ont été embarqués, le président de la commission pour la colonisation, M. Trélat, a prononcé quelques bonnes et dignes paroles d'adieu et d'encouragement ensuite le prêtre les a bénis en leur rappelant que la devise de la république était aussi une devise chrétienne ; puis la musique militaire a fait entendre les airs patriotiques, et le convoi s'en est allé aux cris mille et mille fois répétés : de Vive la France ! Vive la République ! En ce moment il y avait des larmes dans tous les yeux et un sourire sur toutes les bouches ; les larmes, c'était l'adieu, non pas à la patrie, comme le disait un des colons, car nous ne la quittons pas, nous l'agrandissons, mais adieu au sol natal, à la famille, aux amitiés qu'on laisse. Le sourire, c'était l'expression de l'espoir dans un avenir plus heureux. Et cet avenir se réalisera, nos frères vous allez porter la civilisation et l'abondance sur une terre barbare et inculte c'est une belle œuvre que vous allez réaliser.
Cette année aura vu s'accomplir deux grands actes, l'avènement de la République, et la colonisation de l'Algérie qui en est la conséquence. La monarchie ne voulait pas de la colonisation par la crainte de mécontenter l'Angleterre et par indifférence pour les misères publiques. La République en agit tout différemment peu lui importe le mécontentement des Anglais l'Algérie est à jamais française.
Le gouvernement issu de la souveraineté populaire ne pouvait voir sans s'en préoccuper l'agriculture délaissée quand l'industrie regorge de bras, là-bas des richesses immenses dont personne ne profite puis ici des populations entières souffrir et mourir de misère ; non ! La France républicaine a dit : allez, enfants, partagez-vous ces terres et rendez-moi en amour les sacrifices que je fais pour vous.
Dans quelques années, l'Algérie sera une nouvelle France, riche par les produits du sol et puissante par sa population. Pour amener ce résultat il faut deux choses, courage et persévérance du côté des colons, aide et protection de la part du gouvernement. Nous sommes sûrs des premiers et nous comptons sur le second.
Le départ des colons. Faits divers
L'Atlas, journal d'Alger, annonce que plus de cent colons appartenant aux colonies agricoles fondées en 1848 viennent d'en être expulsés par suite d'un ordre du gouverneur général. Il y a déjà là un fait exorbitant, un abus de pouvoir condamnable, mais ce qui est incroyable, c'est que le gouverneur se soit permis d'interdire à ces colons le séjour de l'Algérie, car il n'a pas ce droit. L'arrêté du pouvoir exécutif en date du 9 décembre 1848 le lui a retiré formellement.
Mais il s'agit ici d'intérêts trop graves pour qu'il puisse les négliger sans encourir une lourde responsabilité. La République, à qui ses colonies ont déjà coûté 15 millions, n'entend pas les avoir dépensés en pure perte ; et l'on sait que le plus sûr moyen d'aboutir ce résultat, ce serait de laisser le gouverneur de l'Algérie, usurpant un pouvoir qui lui a été refusé, traiter les colons algériens, des citoyens français, comme des Arabes insoumis.
Nous recevons de plusieurs colons de la commune de Novi (Algérie) une lettre qui contient des réclamations très-graves sur la gestion du capitaine chargé de la direction de ce centre de colonisation. Ces plaintes ont été adressées au gouverneur général, à l'Assemblée nationale et au président de la République. Nous croyons devoir joindre nos instances à celles des colons de Novi pour qu'un examen sérieux ait lieu à ce sujet.
Il nous paraît important que l'œuvre si difficile, si patriotique de la colonisation algérienne soit remise aux mains d'hommes dont l'administration soit d'abord habile et par-dessus tout paternelle et prévoyante, à plus forte raison à l'abri de tout soupçon d'intérêt personnel ou de favoritisme. |
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Mis en ligne le 07 janvier 2013