Le 5 juillet 1962 fut un jour de joie pour les combattants du FLN, un jour de deuil pour les pieds-noirs, les harkis et les Algériens qui avaient imprudemment continué de croire que la France s'étendait réellement de Dunkerque à Tamanrasset. Les uns célébraient une indépendance conquise dans le sang et les larmes, la naissance d'une nation qui restait à forger ; les autres allaient perdre le pays où ils étaient nés, parfois la vie.

À Oran, le 5 juillet, une manifestation dégénère et se transforme en pogrom. Des centaines d'Européens - deux mille, disent les organisations de rapatriés - sont massacrés, enlevés. Un million de pieds-noirs, accablés de chagrin, quitteront à jamais l'Algérie. Quelques milliers de harkis aussi. Les autres - des dizaines de milliers - finiront horriblement martyrisés.

" Vae victis " (malheur aux vaincus) : le vieil adage romain s'applique inexorablement à la tragédie algérienne. Les pieds-noirs étaient, après tout, aussi nombreux (et même un peu plus) que les Palestiniens qui, en 1948, furent chassés de leurs terres lors de la création d'Israël. D'où vient que les premiers sont recouverts du linceul de l'oubli alors que les seconds occupent régulièrement - et à juste titre - la une de l'actualité ? Beaucoup de pieds-noirs étaient en Algérie depuis trois, voire quatre générations. Combien de temps faut-il pour être véritablement " chez soi " ?

Enfin penser à l'avenir

L'histoire est hémiplégique : elle ne retient souvent qu'un côté des choses. Or la guerre d'Algérie ne peut être réduite à une vision simpliste ou caricaturale. Oui, la torture a existé. Oui, les méthodes de l'armée françaises ont été parfois très brutales. Oui, il y avait dans l'Algérie française des injustices criantes, des vexations humiliantes, une administration aveugle, des égoïsmes forcenés. Oui, les Algériens aspiraient à la souveraineté mais - à l'instar de Ferhat Abbas - ils ont longtemps hésité entre le combat pour l'intégration et celui pour l'indépendance. Oui, l'OAS a commis des crimes.

Tout cela ne transforme pas les combattants du FLN en douces colombes. Le FLN a imposé sa loi par la persuasion mais aussi par la terreur, liquidant systématiquement ceux qui n'étaient pas dans la ligne, notamment les partisans de Messali Hadj. Il a pratiqué un terrorisme aveugle. Il a mis en place le système totalitaire qui allait enserrer l'Algérie indépendante dans un carcan sclérosant. Il a, plus tard, instauré une police de la mémoire collective au profit d'une caste prédatrice, toujours au pouvoir aujourd'hui.

Les mythes fondateurs d'une nation prennent toujours quelques libertés avec la vérité historique. Mais cette phase est achevée. L'Algérie et la France peuvent peut-être maintenant enfin penser aux choses sérieuses : l'avenir.

Pierre Beylau

le Point.fr

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Mis en ligne le 08 juillet 2012

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