Saint Louis n'avait pas été découragé par les résultats désastreux de son expédition contre l'Égypte ; désireux d'assurer la liberté du commerce dans la Méditerranée et d'affranchir les chrétiens d'Orient, il commença en 1268 les préparatifs d'une seconde croisade. Il éprouva d'abord des difficultés à se procurer la flotte nécessaire pour le transport de son armé ; les Vénitiens, avec lesquels il avait conclu un marché, refusèrent de l'exécuter, et il ne dut qu'à l'intervention chaleureuse du pape d'obtenir des Génois les navires dont on avait besoin. Saint Louis concentra ses forces dans le Bas Languedoc et en Provence.
Les troupes françaises, auxquelles s'étaient joints cinq cents Frisons, un assez grand nombre de Catalans et environ dix mille hommes envoyés par les Génois, s'embarquèrent à Marseille et à Aigues-Mortes. Le roi mit à la voile de ce dernier port le 4 juillet 1270, accompagné de ses trois fils, de sa fille et d'un de ses neveux.

L'expédition aborda à Cagliari le 8 juillet.
Ce fut à Cagliari seulement que saint Louis fit connaître son intention de se porter d'abord sur Tunis, afin d'assurer les communications entre l'Europe et l'Orient par la conquête de ce royaume. Charles, frère de saint Louis et roi de Sicile, contribua puissamment à faire prévaloir cette détermination, dont il devait recueillir les premiers avantages, à cause de la proximité de ses États de Tunis.

L'expédition se dirigea donc vers les côtes d'Afrique, et prit la mer le 15 juillet ; elle arriva le 17, sans accident, en face des ruines de Carthage. Le débarquement s'effectua le lendemain sans opposition de la part des Arabes. Dès que l'armée eut pris terre elle fut rangée en bataille, et le chapelain du roi lut une proclamation par laquelle les croisés prenaient possession du sol africain.
Abou Mohammed Abd-Allah el-Mostancer fit sommer les troupes chrétiennes de s'éloigner de son royaume, et rendit responsables de l'exécution de cette injonction les chrétiens qui étaient établis en grand nombre dans Tunis.
Saint Louis ne tint aucun compte de ces menaces, qui d'ailleurs ne furent pas réalisées.

Les journées du 19 au 22 juillet furent employées à l'installation du camp, et furent marquées par des petits combats livrés contre les nuées d'Arabes qui entouraient l'armée chrétienne.
Mais au lieu de marcher contre Tunis et de profiter des succès que ses troupes remportaient dans ces luttes partielles, saint Louis fit entourer son camp de retranchements, et résolut d'attendre l'arrivée de son frère le roi de Sicile. Enhardis par cette inaction, les Arabes vinrent tous les jours attaquer le camp. Si on marchait à eux, ils fuyaient ; puis, lorsque fatigués de les poursuivre, nos soldats voulaient regagner le camp, ils reprenaient l'offensive, et harcelaient les Français jusqu'à ce qu'ils fussent à l'abri de leurs retranchements. Ces alertes continuelles épuisèrent la constance des troupes ; réduits au biscuit et à la viande salée, les soldats furent bientôt atteints par les maladies que le climat fait éclater toujours rapidement parmi les grandes réunions de personnes étrangères au pays. Le vent du sud (siroco), qui soufflait avec violence, ne fit qu'augmenter les souffrances et le découragement. Les chefs les plus illustres des croisés furent frappés ; le comte de Nevers, le plus jeune des fils de saint Louis, succomba. Bientôt le roi lui-même fut atteint par la contagion, et rendit le dernier soupir le 25 août 1270.

Les musulmans se réjouirent de la mort de saint Louis comme d'une victoire. Mais, le roi de Sicile étant débarqué le jour même où son frère expira, l'offensive fut reprise avec vigueur par les croisés. Le 28 août et les jours suivants les Arabes éprouvèrent de rudes échecs, et perdirent beaucoup de monde.

Leur camp fut surpris par les chrétiens, qui en rapportèrent un butin considérable. Après cette défaite, Abou Abd-Allah fit des ouvertures, et demanda la paix.
Le roi de Sicile, ayant obtenu des conditions favorables à son royaume, signa un traité, dont la durée fut fixée à quinze ans. Les rois de France, de Sicile et de Navarre s'engagèrent à protéger les musulmans qui voyageraient dans leurs États.
La même clause fut acceptée par le prince Hafside ; il consentit, de plus, a rendre les prisonniers, à payer 210,000 onces d'or pour frais de la guerre, et un tribut de 24,000 onces d'or par an au roi de Sicile, avec rappel de l'arrérage des cinq dernières années. Peu de jours après la signature Au traité, le 18 octobre, les croisés s'embarquèrent. La flotte essuya une tempête qui fit périr dix-huit grands vaisseaux.
Quatre mille soldats furent noyés. Le roi et la reine de Navarre, la jeune reine de France, le comte et la comtesse de Toulouse moururent pendant le voyage.
Ainsi cette expédition coûta à la famille royale de France six de ses membres outre saint Louis. L'armée chrétienne était restée trois mois sur le territoire tunisien. On sait qu'une chapelle a été récemment élevée sur la côte d'Afrique, au lieu même où campaient les croisés, pour perpétuer le souvenir de cette croisade, qui coûta si cher à la France, mais qui força les musulmans à reconnaître une fois de plus la supériorité des armées chrétiennes.

Abou Abd-Allah semble avoir compris l'avantage qu'il y avait pour ses sujets à favoriser le commerce avec les peuples les plus industrieux du bassin de la Méditerranée. Il renouvela fréquemment des conventions commerciales avec les Génois, les Pisans, les Vénitiens, les Florentins. L'activité qui régnait alors dans tous les ports de l'Afrique, non seulement dans les provinces de Tripoli et de Tunis, mais encore à la Calle, Bône, Collo, Djidjéli, Bougie, Dellis et Alger (qui dépendait alors des Beni Hafèz), contribua à amortir l'humeur turbulente des villes.

La présence des comptoirs européens au milieu d'elles, des relations journalières, avaient beaucoup adouci le fanatisme de ces populations. La prolongation de cet heureux état de choses pouvait amener les résultats les plus féconds pour l'avenir de l'Afrique. On verra plus tard quelles circonstances contribuèrent à ramener en quelque sorte ces contrées vers la barbarie

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Mis en ligne le 05 février 2013

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