Tacfarinas

La domination romaine ne s'établit pas sans contestation sur cet immense territoire. Dès la troisième année du règne de Tibère, l'Afrique et surtout la Numidie furent agitées par la révolte d'un audacieux aventurier, qui tint en échec pendant longtemps toutes les forces que Rome entretenaient dans ces contrées (l'an 17 de J. C.) ; il s'appelait, Tacfarinas. Nous allons emprunter à Tacite les principaux traits de cette guerre, qu'il a racontée avec étendue dans ses Annales. Tacfarinas était un Numide déserteur des armées romaines, où il avait servi comme auxiliaire. Il réunit d'abord des bandes pour le vol et le pillage ; bientôt il les disciplina ; enfin il devint général des Musulans, peuplades du Djurdjura. Peu de temps après, il entraîna tes tribus indigènes dans son parti : ces auxiliaires se répandirent dans le pays, portant partout le carnage et l'incendie. Vaincu une première fois par les troupes romaines, il recommença la guerre ; saccageant les bourgades, enlevant du butin et échappant toujours par la promptitude de ses mouvements aux poursuites ; il parvint à mettre en fuite une cohorte romaine près du fleuve Pagida, entre Cirta et Igilgilis (Djidjéli).
Enhardi par ce succès; Tacfarinas alla mettre le siège devant Thala (l'ouest de la Tunisie, ndlr), non loin du lieu témoin de la défaite des Romains ; mais un corps de cinq cents vétéran suffit pour tailler en pièces les bandes numides.

Le découragement ayant gagné les insurgés, leur habile chef renonça à toute espèce d'opération régulière, et se contenta de courir la campagne, fuyant dès qu'on le pressait, puis revenant à la charge. Ce plan déjoua les efforts des Romains, qui se fatiguèrent vainement à le poursuivre. Mais bientôt, s'étant rapproché du littoral, embarrassé par le butin considérable qu'il traînait après lui, Tacfarinas se vit obligé de s'assujettir à des campements fixes ; il fut atteint par les troupes les plus, agiles de l'armée romaine et rejeté dans le désert (de 18 à 20 ans après l'ère chrétienne).

Nouvelles courses de Tacfarinas ; sa fin

La Numidie ne jouit pas d'un long calme ; au contact des populations indépendantes du sud,Tacfarinas puisa une énergie nouvelle, recruta des partisans, et recommença ses incursions. On le vit pousser l'audace jusqu'à proposer la paix à l'empereur, à condition qu'on lui donnerait des terres pour lui et pour son armée.
Cette insulte exaspéra l'orgueil des Romains, qui adoptèrent enfin des mesures plus énergiques et mieux combinées pour mettre fin à la guerre. Ils formèrent trois colonnes, dont l'une ferma les passages par où les rebelles se sauvaient chez les Garamantes après avoir exercé leurs pillages ; du côté opposé, une seconde colonne couvrit les bourgades dépendantes de Cirta ; le troisième corps de troupes agissait entre les deux premiers, établissant dans les lieux convenables des postes fortifiés, enveloppant l'ennemi, l'attaquant, le harcelant sans cesse. Ces trois premiers corps furent ensuite subdivisés en détachements, qui tous traquèrent Tacfarinas, tuèrent un grand nombre de ses gens et firent beaucoup de prisonniers. Cette activité, qui ne se démentit pas pendant deux ans (jusqu'en 22), paralysa les efforts de la révolte, mais ne l'abattit pas. Les Maures, les Garamantes fournissaient toujours de nouvelles bandes ; du sein même de la province tous les indigents, tous les hommes d'une humeur turbulente, couraient sous les drapeaux de l'indépendance nationale. Les Romains entrèrent en campagne pour faire lever le siège d'une ville située entre Saldæ et Sitifis (Sétif, ndlr) que Tacfarinas avait investie.
Ils perfectionnèrent encore leur manière de combattre, en s'adjoignant des officiers indigènes qui dirigeaient les marches de l'armée et conduisaient au butin des troupes légères. Enfin, après deux ans d'une guerre acharnée (en 24), par un rapide mouvement exécuté de nuit, ils surprirent auprès d'Auzéa (Hamza) le camp numide, s'en rendirent maîtres, et massacrèrent un nombre considérable des insurgés. Tacfarinas périt dans la mêlée. La paix fut ensuite facilement rétablie. Ces agitations eurent principalement pour théâtre le pays compris entre le méridien de Djidjéli et celui de Dellis.

État de la Numidie et de la Mauritanie

Les détails relatifs à Tacfarinas nous avaient fait revenir sur nos pas ; car nous avions déjà vu que la Mauritanie avait été réduite en province romaine par Caligula après la mort du fils de Juba, l'an 40 après J. C. Deux faits résument l'histoire de l'administration romaine en Afrique pendant les premiers siècles de l'Empire : efforts des chefs du pays pour implanter la civilisation romaine ; défense des frontières du sud contre les peuplades indépendantes, qui les franchissaient souvent. Au commencement du règne de Vespasien, la Mauritanie Césarienne comptait seule treize colonies romaines, trois municipes libres ; au temps de Pline, la Numidie avait douze colonies romaines ou italiques, cinq municipes et trente villes libres. Ces deux provinces renfermaient en outre un certain nombre de villes tributaires. D'un autre côté, sous le règne d'Antonin le Pieux les Mauritanies paraissent avoir été le théâtre d'une insurrection qui s'étendit jusqu'à la province d'Afrique. Les rebelles furent refoulés avec beaucoup de peine vers les contrées méridionales. Du temps de Marc-Aurèle les Maures franchirent le détroit, ravagèrent une grande partie de l'Espagne, et armèrent de nombreux corsaires qui désolèrent ces parages.

Cependant, au commencement du troisième siècle la civilisation romaine s'était si bien répandue dans l'Afrique occidentale, que l'empereur Septime Sévère, qui régnait à Rome, était né en Afrique. Une foule d'Africains, venus dans la capitale de l'Empire pendant le règne des Sévère, y brillèrent au premier rang, à l'armée, au barreau, dans la littérature. Des routes nombreuses et sûres sillonnaient la Numidie et la Mauritanie.

Bientôt l'édit de Caracalla (216) éleva au rang de citoyen tous les habitants libres des provinces romaines. Mais liées aussi étroitement à la destinée et aux institutions de l'Empire, les possessions d'Afrique subirent généralement le contrecoup des troubles de l'Italie. En 237 l'Afrique donna même l'exemple du soulèvement en proclamant empereur le gouverneur Gordien. Mais après l'avoir élevé, les Africains abandonnèrent le nouvel empereur, et retournèrent sous le joug de Maximin. Le règne de Galien fut signalé par les désordres et les malheurs causés par l'invasion des barbares de 260 à 268. Parmi eux, les Francs, après avoir dévasté la Gaule et l'Espagne, arrivèrent jusqu'en Mauritanie. Cette invasion passa sans laisser de traces ; mais elle ouvrit la route suivie plus tard par les Vandales. L'administration de Probes en Afrique, sous les empereurs Galien, Aurélien et Tacite (de 268 à 280) préserva ce pays des violentes agitations qui troublaient l'Europe. Probes employa les armées romaines à des constructions d'utilité générale, voies publiques, aqueducs, temples, ponts, théâtres, portiques, etc.

Soulèvement des Quinquégentiens

Sous Dioclétien, en 297, les Mauritanies furent en proie à une insurrection formidable, qui nécessita la présence de Maximien pour la réprimer. Elle eut son siège et sa force parmi les habitants du pâté de montagnes comprises entre Saldæ et Rusuccurum (toute la chaîne actuelle du Diurdjura ; depuis Bougie jusqu'à Dellis), qui formaient une association de cinq peuplades désignées en commun par le nom de Quinquégentiens. Ces tribus étaient toujours armées les unes contre les autres, mais elles s'unirent pour échapper au joug des Romains. Maximien, pénétra dans ces montagnes, atteignit les rebelles dans leurs retraites les plus inaccessibles, les dompta, et, pour prévenir de nouveaux soulèvements, transporta dans d'autres parties éloignées du pays les populations qui s'étaient signalées par leur turbulence. Ce fut alors que Maximien opéra des changements dans les circonscriptions administratives. La proconsulaire fût subdivisée en trois provinces : la Numidie conserva son territoire et sa capitale Cirta ; la Mauritanie Césarienne lut divisée en deux parties, dont l'une eut Sétif pour capitale et l'autre Césarée ; quant à la Tingitane, elle fut annexée à l'Espagne.

Cette nouvelle organisation, qui se rapporte à l'an 312 après J. C., ne maintint pas longtemps la paix et l'ordre dans les six provinces africaines. Une révolte peu importante, dirigée par Alexandre, paysan pannonien, devint une occasion pour le cruel Maxence de déployer des rigueurs inouïes contre Cirta, contre Carthage, qui avait été rebâtie avec magnificence, et contre les principales villes d'Afrique. Cirta eut particulièrement à souffrir, et les ruines que la guerre y avait entassées ne furent réparées que par Constantin, qui, après avoir vaincu Maxence, releva Cirta et lui donna le nom de Constantine.
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Mis en ligne le 27 mai 2012

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