Utique (au nord de l'actuelle Tunisie, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Carthage, ndlr) était devenue le lieu de résidence du préteur qui gouvernait le territoire dont Rome s'était réservé l'administration.
Le long des côtes, les Romains héritèrent de la prospérité commerciale de Carthage. Quelques colonies italiennes, peu importantes d'abord, mais destinées à grandir, apportèrent sur le sol africain les mœurs et le langage des peuples latins ; par leurs relations avec les indigènes, elles préparèrent le développement de la Puissance romaine. La conduite des fils de Massinissa ne donna d'abord aucun sujet de plainte. Gulussa et Mastanabal ayant été enlevés tous deux à la fois par une épidémie qui exerça les plus terribles ravages en Afrique, Micipsa resta seul maître de la Numidie. Ami de la paix et des arts, il poursuivit l'œuvre de civilisation entreprise par son père ; il orna Cirta (Constantine ndlr), sa capitale, d'édifices et d'établissements utiles, et y appela une colonie grecque, qui contribua à accroître encore la prospérité de la ville.

Guerre de Jugurtha

La mort de Micipsa en 119 vint interrompre le cours de ces progrès. Il laissait deux fils ; mais parmi ses neveux, Jugurtha, fils de Mastanabal, s'était déjà concilié l'affection des populations numides, et avait gagné la protection romaine par les services qu'il rendit au siège de Numance, en Espagne. Jugurtha, dès son adolescence, avait montré par sa hardiesse, sa bravoure et son habileté ce que le royaume pourrait avoir à souffrir de son ambition. Micipsa crut prévenir ces dangers en admettant son neveu au partage de sa succession avec ses deux fils. Il avait à peine fermé les yeux, que les maux qu'il avait voulu conjurer éclatèrent. Jugurtha, appelé à régner sur le territoire compris entre l'Ampsaga (Le Rhumel ndlr) et la Mulucha (le fleuve Molouïa soit une grande partie de l'Algérie actuelle), fut mécontent de la part qui lui échut, et en appela aux armes. Il fit d'abord assassiner Hiempsal, un des deux fils de Micipsa, et dirigea ensuite ses efforts contre Adherbal, qui résidait à Cirta.
Son brillant courage attira auprès de lui un grand nombre de partisans. En vain Adherbal implora le secours des Romains, son adroit ennemi sut par des largesses faire taire la justice des envoyés du sénat, et réussit à s'emparer de Cirta. Adherbal fut livré aux supplices les plus atroces, en 112 avant J. C.
Quand ces nouvelles arrivèrent à Rome, elles soulevèrent l'indignation du peuple, et le sénat, dans lequel Jugurtha avait déjà acheté de nombreux amis, se vit contraint d'adopter des mesures énergiques. Mais tantôt par la ruse, tantôt par violence ou par corruption, le roi numide annula ou déjoua les ordres donnés contre lui. Cependant, mandé à Rome, il fut obligé de venir se défendre ; là, pendant que les accusations les plus vives s'élevaient contre lui, il fit assassiner, dans Rome même, un fils d'Adherbal, qui s'était soustrait jusque-là à sa vengeance. Cet acte d'audace inouïe rendit pour lui le succès impossible ; il quitta l'Italie, après avoir prodigué inutilement son or, et se mit en révolte ouverte (111 avant J. C.).

Les premières opérations des Romains contre Jugurtha ne furent pas heureuses. Ils avaient affaire à un ennemi habile, plein d'expédients, qui, par de feintes soumissions, paralysa leur ardeur, et leur fit perdre un temps précieux. Mais bientôt après, en 110, l'armée romaine ayant mis le siège devant Secthul, qu'on croit être la ville moderne Guelma, et où étaient déposés tous les trésors du roi numide, celui-ci la trompa par un stratagème, l'attira à sa poursuite loin de la place, la surprit pendant la nuit, et la força de passer sous le joug. Cette humiliation donna une nouvelle vivacité à la haine qu'on avait vouée à Jugurtha. Rome trouva enfin un général incorruptible ; à peine arrivé en Afrique, Metellus rétablit la discipline dans l'armée ; il endurcit les soldats aux fatigues par de rudes exercices, et leur enleva tout ce qui pouvait les porter à la mollesse. Le mouvement énergique imprimé à la guerre décida Jugurtha à avoir recours aux négociations pour éloigner de son royaume un ennemi aussi redoutable. A deux reprises différentes Metellus repoussa ses ambassadeurs. Pour inspirer aux Romains une confiance funeste, il avait ordonné aux populations que leur armée traversait de ne pas abandonner leurs habitations, de continuer leurs travaux agricoles et de laisser les campagnes couvertes de troupeaux ; les chefs des villes et des hameaux venaient au-devant de Metellus lui offrir des provisions et lui prodiguer des paroles de paix. Le consul, mis en garde contre la perfidie de l'ennemi, continua à avancer avec là plus grande prudence. Les cavaliers numides observaient ses mouvements en se tenant sur les hauteurs.

Jugurtha, désespérant de prendre en défaut la vigilance de Metellus, voulut tenter le sort des armes. Il attendit les Romains dans un défilé, auprès du fleuve Muthul (le Hamise, non loin de la frontière actuelle de Tunis), et les attaqua avec la plus grande vigueur. La victoire trahit ses efforts. Après ce succès, le consul se jeta dans la partie la plus riche de la Numidie, et la ravagea par le fer et par le feu. Quant à Jugurtha, n'osant s'opposer à Metellus dans un pays découvert, il tint son armée dans les lieux très boisés et fortifiés par la nature, et surveilla avec sa cavalerie seulement la marche des Romains, gênant leurs mouvements, profitant de toutes les occasions pour leur faire essuyer des pertes. Il brûlait les fourrages, empoisonnait les sources sur la route suivie par les troupes ennemies ; il attaquait l'arrière garde pendant la marche, et dès que les Romains se mettaient en mesure de le repousser, il regagnait les hauteurs au galop. Évitant d'engager une action, il ne laissait aucun repos à Metellus, en lui donnant des alarmes continuelles.
Tous les efforts du consul tendaient à amener Jugurtha à combattre dans la plaine. Après avoir vainement assiégé Zama (aujourd'hui Zouarin), Metellus essaya de se rendre maître du roi numide par trahison. Cette tentative n'eut pas plus de succès.

Enfin, en 108, les Romains purent joindre les troupes ennemies, les mirent en déroute, s'emparèrent de Cirta, et forcèrent Jugurtha à se réfugier à Thala, ville située dans le pays montagneux entre Sétif et Bougie. Poursuivi jusque dans cette retraite, il se réfugia dans le sud, chez les Gétules, peuple barbare, qui ne connaissait pas le nom romain. Il en forma une armée, et, appuyé par les troupes de Bocchus, son beau-père, qui régnait dans la Mauritanie, il alla attaquer Cirta. Le général romain fit établir un camp retranché aux environs de cette ville pour y attendre le choc des ennemis. Sur ces entrefaites Metellus fut remplacé dans le commandement de l'armée.

Marius succède à Metellus

Le consulat et la direction de la guerre de Numidie furent donnés à Marius. Débarqué à Utique avec des troupes fraîches, il reprit les hostilités avec une vigueur nouvelle, battit Jugurtha et ses alliés maures et Gétules, non loin de Cirta, alla détruire Cafsa (aujourd'hui Gafsa) située à neuf journées de Cirta, prit et brûla plusieurs autres villes ; puis, à l'extrémité occidentale de la Numidie, il enleva une forteresse réputée imprenable, où Jugurtha avait transporté ses trésors, depuis la première attaque de Suthul par les Romains. Marius fut rejoint par son questeur, le fameux Sylla, avec un corps considérable de cavalerie, et se mit en retraite vers Cirta. Dès que l'armée fut en marche, Bocchus et Jugurtha l'assaillirent avec le plus grand acharnement, mais ils furent repoussés avec perte ; une nouvelle tentative ne fut pas plus heureuse, et les Romains purent gagner Cirta.

Fin de la guerre ; mort de Jugurtha

Découragé par sa dernière défaite, Bocchus songea à traiter. Sylla fut chargé de suivre cette négociation auprès du roi de la Mauritanie. L'envoyé des Romains dut déployer la plus rare habileté pour triompher des irrésolutions de Bocchus. Entouré des sollicitations des agents de Jugurtha, celui-ci sembla hésiter longtemps s'il livrerait Sylla à son gendre ou s'il trahirait au contraire le roi de la Numidie. La crainte le détermina en faveur des Romain, et il consentit à livrer Jugurtha. Dans une entrevue assignée pour des conférences au sujet de la paix, où le roi numide s'était rendu sans armes, il fut enveloppé et amené pieds et poings liés à Sylla, qui le conduisit à Marius.
Cet événement mit fin à la guerre. Jugurtha figura dans le triomphe décerné à Marius ; il suivit enchaîné le char du vainqueur. On dit que l'excès du malheur et de la honte lui fit perdre la raison. Jeté dans un cachot où on le laissa sans nourriture, il mourut après avoir été en proie pendant six jours aux tourments de la faim en 104 avant J. C. (une autre source affirme qu'il fut étranglé au Tullianum, sur ordre du consul ndlr). Après la défaite de Jugurtha, ses États furent divisés. Bocchus obtint pour prix de sa trahison le pays des Massesyliens, et sa limite orientale fut portée à Saldæ (Bougie). Le royaume des Massyliens fut partagé en deux parties : l'une, la plus orientale, fut annexée au territoire directement soumis aux Romains, et dont Utique était le chef-lieu ; l'autre fut donnée à Gauda, fils de Mastanabal, frère par conséquent de Jugurtha, qui avait gagné depuis longtemps la protection de Marius. Cirta fut sa capitale.

Une autre version rapporte que le pays des Massyliens fut divisé entre deux princes numides, le sénat n'ayant pas voulu s'exposer à créer un État important qui aurait pu favoriser l'élévation d'un nouveau Jugurtha.
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Mis en ligne le 26 mai 2012

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