La dynastie des Almoravides (du mot arabe el-merabtin, les liés à Dieu) a été fondée par les Lemtouna, qui étaient une fraction de la grande tribu berbère des Senhadja. Ils demeuraient dans le Sahara le plus occidental du Maghreb-el-Aksa. Ces populations guerrières ne connaissaient ni le labourage ni la culture des arbres ; elles se nourrissaient de viande au moyen de la chasse et de lait aigre. Elles parcouraient sans cesse les déserts qu'elles habitaient, pour chercher de l'eau et des pâturages. Les Zirites avaient commencé l'intronisation des races berbères par le côté politique, nous les allons voir arriver à la puissance par l'exaltation des passions religieuses.
Les circonstances qui précédèrent et amenèrent l'avènement de ces dynasties indigènes méritent de fixer l'attention. Les détails ont ici une haute importance ; ils aident à caractériser l'ensemble. L'an 427 de l'hégire, Iahia ben Brahim, qui venait d'être nommé chef des Lemtouna, partit pour le pèlerinage de la Mecque. En revenant, il s'arrêta à Kairouan, et suivit les leçons d'un cheikh très savant. Celui-ci apercevant un étranger dans son auditoire, lui demanda des renseignements sur l'état des études religieuses dans son pays. Iahia confessa que sa tribu était fort ignorante ; il manifesta lui-même le désir de s'instruire des préceptes de la foi, et demanda au cheikh de désigner un de ses disciples pour aller enseigner parmi ses compatriotes. Le professeur ne trouva personne auprès de lui pour remplir cette mission ; mais il adressa le Berbère à un de ses confrères dans le pays de Néfis ; et là Iahia ben Brahim rencontra un taleb (étudiant du Coran, ndlr), du nom d'Abd-Allah ben Iassin, qui consentit à le suivre dans le Maghreb-el-Aksa.

Les Berbères de ces contrées vinrent en foule à leur rencontre. Abd-Allah reconnut bientôt que ce peuple était plongé dans l'ignorance la plus profonde des bases fondamentales de la religion musulmane. Il leur prêcha le Koran, et les exhorta à rompre avec leurs habitudes immorales et à pratiquer les préceptes du livre divin. Mais lorsque les Berbères s'aperçurent que le nouveau docteur voulait réprimer leurs vices, ils s'éloignèrent de lui. Abd-Allah, voyant leurs mauvaises dispositions, pensa à quitter le pays. Alors Iahia ben Brahim lui dit: " Je t'ai fait venir pour moi seul ; peu m'importe que mon peuple reste dans l'infidélité si tu veux obtenir les avantages de l'autre vie, tu n'as qu'à te rendre dans une île située près d'ici ; nous y passerons à pied lorsque la marée sera basse ; nous l'habiterons; notre nourriture se composera de poissons et de fruits sauvages ; là nous nous consacrerons à la piété pour le reste de nos jours. "
Abd-Allah accepta cette proposition ; ils passèrent dans l'île avec sept individus de la tribu des Kedala, bâtirent une cabane, et s'adonnèrent aux pratiques religieuses. De là leur vint le nom de Merabtin.

On parla bientôt de ces ermites. Ils eurent des visiteurs, dont le nombre alla toujours en augmentant. Abd-Allah vit enfin ses efforts couronnés de succès. Lorsqu'il eut réuni et instruit mille disciples, il leur dit : " Il faut maintenant que vous combattiez tous ceux qui repousseront votre foi. Il convient que nous visitions d'abord les unes après les autres les tribus auxquelles vous appartenez. Nous les engagerons à retourner à Dieu ; si elles s'y refusent, nous les combattrons. "
Abd-Allah et les siens se dirigèrent ensuite vers les Berbères, accordant à chaque peuplade sept jours pour se décider à adopter la doctrine nouvelle. Ils parcoururent ainsi les Kedala, les Lemtouna et les autres tribus, rangeant tout le monde sous leur loi religieuse ; leur influence pénétra jusque dans le pays des Nègres. Iahia ben Brahim resta à la tête des affaires temporelles des merabtin, Abd-Allah se réserva la direction spirituelle.
A la mort d'Iahia, Abd-Allah désigna son successeur et le fit reconnaître. Les merabtin étaient aussi appelés meltemia, parce qu'ils se couvraient le visage dans le combat. Voici l'origine de cette coutume. Un jour étant sur le point de livrer bataille à un ennemi de beaucoup supérieur en nombre, leurs femmes prirent les armes, et combattirent à leurs côtés, le visage couvert jusqu'aux yeux. Les hommes durent en faire autant pour que les ennemis ne pussent distinguer les hommes des femmes: de là le mot meltemia (voilés). Cette coutume, a été adoptée depuis par le plus grand nombre des tribus de l'Algérie, et aujourd'hui encore au moment du combat les cavaliers se couvrent le visage jusqu'aux yeux avec leur haïk.

Iahia ben Omar, le successeur choisi par Abd-Allah, fut chargé de diriger la guerre. Il conquit Sedjelmeça et Karia ; son frère, Abou Bekr, désigné pour lui succéder, attaqua avec le même succès la tribu de Masmouda et les peuples du Soudan. Abd-Allah fut tué en 451 de l'hégire (1071 de J. C. ),dans une expédition. Abou Bekr resta seul chef des merabtin. Il entreprit de soumettre le pays des Nègres. Avant de s'enfoncer dans le désert, il divisa son armée en deux parties, et laissa l'une à son, cousin Ioucef ben Tachfin, qu'il nomma son lieutenant dans le Maghreb. Celui-ci étendit les conquêtes, augmenta son armée, et profita de l'absence d'Abou Bekr pour s'emparer du pouvoir souverain. De ce moment s'ouvre le rôle politique de la nouvelle dynastie.

Ioucef ben Tachfin fut le plus célèbre des princes almoravides.
Il poussa ses conquêtes vers l'Afrique orientale jusqu'à Alger. Il bâtit la ville de Maroc. Les musulmans de l'Andalousie l'appelèrent à leur secours pour arrêter les progrès des chrétiens. Ioucef rassembla une puissante armée, et passa en Espagne. Il rencontra les forces chrétiennes sous les ordres du roi Alphonse; il leur livra bataille à Zellaka, dans les environs de Badajoz. La victoire trahit les braves Espagnols, qui combattaient pour l'affranchissement de leur territoire ; l'armée d'Alphonse fut mise dans une déroute complète, et le roi se réfugia dans la Castille avec un petit nombre de cavaliers. Cette bataille, qui exerça une si funeste influence sur les destinées de l'Espagne, eut lieu en 1083 (479 de l'Hégire). Le résultat de cet important succès fut pour Ioucef la possession de l'Andalousie, de Grenade, de Malaga et de Séville, car il se substitua aux petits princes arabes, dont les querelles et les rivalités désolaient l'Espagne musulmane. Arrivé au plus haut point de la grandeur le prince almoravide prit le titre de commandeur des croyants (émir-el-moumenin), qualification réservée jusqu'alors aux Fathimites qui régnaient en Égypte. Il fit battre monnaie en son nom.

Ioucef ben Tachfin fut un prince très religieux, ami de la justice et soigneux des intérêts des pauvres. Il était vêtu d'habits de laine ; sa nourriture ne se composait que d'orge, de lait de chamelle et d'un peu de viande. Cette simplicité dans les mœurs a toujours produit un grand effet moral sur les populations musulmanes de l'ouest de l'Afrique. Tous les aventuriers ou les réformateurs qui voulurent par la suite se créer un pouvoir souverain imitèrent en cela l'exemple d'Ioucef ben Tachfin. On n'a pas besoin de rappeler ici que l'émir Abd-el-Kader, le plus redoutable adversaire de la domination française en Algérie, affectait aussi de ne porter que des vêtements de laine, répudiait l'usage des étoffes de soie et des bijoux en or. Du reste, cette sévérité dans les habitudes de la vie est conforme aux recommandations expresses des traditions laissées par le prophète.
Ioucef ben Tachfin mourut à l'âge de cent ans. A ses derniers moments, il rappela aux personnes qui l'entouraient que dans le cours de sa longue vie il n'avait pas prononcé une seule condamnation à mort. En effet il avait aboli la peine capitale dans ses États.

Sous ses successeurs, la puissance des Almoravides , après s'être étendue sur tout le Maghreb-el-Aksa, sur la plus grande partie de l'Espagne et les Baléares, vit chaque jour se resserrer le cercle de ses possessions. Une nouvelle dynastie, celle des Almohades, issue comme eux des tribus berbères, vint les déposséder en Espagne et en Afrique. Les derniers Almoravides, poursuivis par leurs heureux compétiteurs devant Tlemsen, dans Oran et jusque dans le Maroc, succombèrent enfin, vers l'an 543 de l'hégire.
Tachfin, le dernier prince de cette dynastie, se rendant d'Oran à Mers-el-Kebir, où il voulait s'embarquer pour l'Espagne, fut précipité d'un rocher sur lequel passait la route, par son cheval, effrayé du bruit des flots. On ne compte que cinq princes almoravides, qui régnèrent pendant quatre-vingt-quinze années environ.
Ce fut l'époque la plus brillante de l'histoire du Magbreb.
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Mis en ligne le 03 septembre 2012

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