En 1962, 900 000 Pieds-noirs débarquent en France en quelques semaines, constituant une vague migratoire inégalée au 20ème siècle par son intensité. Parmi eux, 400 000 personnes sont originaires d’Espagne (Espagnols ou descendants) et près de 300 000 viennent de la seule Oranie. L’Oranie, département français de 1848 à 1962, a été une terre de peuplement à majorité hispanique dans l’Algérie coloniale française. Et ceci a eu de nombreuses conséquences culturelles, politiques, individuelles et collectives, aussi bien pour l’Algérie coloniale que pour la France du 20ème siècle. Cette situation permet des comparaisons utiles avec des faits migratoires contemporains. Je m’appuierai au passage sur l’exemple de ma propre famille maternelle, arrivée d’Espagne à Oran vers 1895.
1. Dans la deuxième moitié du 19ème siècle, l’Oranie a été une terre d’élection des
migrants espagnols.
1.1. Le peuplement espagnol de l’Oranie a été massif :
En 1833, on compte 6 300 Espagnols environ pour 3 700 Français.
En 1886 : 92 000 Espagnols pour 80 000 Français (Juifs naturalisés depuis 1871 compris).
Le nombre d’Espagnols est affecté après 1886 sous l’effet des lois de naturalisation automatique de
1889 et 1893. Selon JJ Jordi :
Français légaux | Espagnols | |
1910 | 218 000 | 93 000 |
1930 | 273 000 | 78 000 |
Mais les chiffres officiels cachent une autre réalité, culturelle autant que démographique :
En gommant les lois de naturalisation
Français | Eléments
hispaniques (Néos + Espagnols |
|
1910 | 110 000 | 230 000 |
1930 | 120 000 | 260 000 |
(Les chiffres ne correspondent pas tout à fait. Il est difficile de faire des statistiques pour ce pays et pour cette période.)
1.2. Les migrants ont quitté l’Espagne principalement pour des raisons économiques ; l’Oranie était une destination proche et attractive.
Dans la seconde moitié du 19ème siècle, l’émigration a été la conséquence des difficultés économiques
et sociales dans les régions du Levant (surtout Alicante) et d’Andalousie, principales régions de départ
des migrants vers l’Oranie [1].
La sécheresse, les accidents climatiques qui frappent l’Espagne, notamment le sud, le chômage des
ruraux, ont poussé les hommes à partir : au début, il s’agissait en partie d’émigration saisonnière, puis
les familles se sont fixées définitivement.
Ces difficultés ont frappé toute la péninsule ibérique qui connaissait à ce moment-là une forte
croissance démographique. Les habitants du centre et du nord sont plutôt partis vers les Amériques, et
notamment vers Cuba. Certaines régions, comme la Castille se sont vidées de leur population. Autour
de 1900, des villages entiers sont partis en Argentine.
1895 : arrivée à Oran des familles de Francisco Galdeano (né en 1884) et deMagdalena Lopez
(née en 1893). Avec des parents, frères et soeurs, ils viennent du même hameau proche de Adra
(Almeria), qui s’est vidé de sa population.
Ils étaient partis pour l’Argentine mais se sont établis près d’Oran (dans deux villages fondés
pour la mise en valeur de la plaine d’Oran par une grande société d’exploitation coloniale)
probablement parce que des gens de la famille y étaient déjà installés.
Francisco Galdeano épouse Magdalena Lopez en 1910 ; ils auront trois enfants : Antoine,
Joséphine et Madeleine.
Les Levantins et les Andalous ont aussi souffert du caciquisme (les grandes propriétaires terriens
bloquent toute évolution en maintenant un rapport de clientélisme avec la population); il est
remarquable qu’ils ont refusé toute transplantation de ce phénomène en Oranie.
Secondairement, ont eu lieu des migrations pour raisons politiques, mais elles concernent moins de
gens : Libéraux, Républicains et Carlistes au 19ème siècle, puis de nouveau des Républicains entre 1937
et 1939 (pour un total de sept à douze mille personnes environ, selon les sources). Les Républicains
ont été accueillis dans des conditions très dures : ils furent soit regroupés dans des camps pendant
quatre ans dans le Sud algérien, soit enfermés dans une prison d’Oran.
L’Oranie combinait plusieurs facteurs attractifs :
- la proximité géographique, avec des liaisons maritimes intenses, dès les années 1830/1840,
entre Alicante, Carthagène et même parfois des petits ports et Oran ;
- le besoin de main-d’oeuvre lié à la mise en valeur colonial ;
la fixation précoce d’une population espagnole a joué sur la mise en place de réseaux d’immigration,
principalement familiaux.
1.3. Les flux migratoires ont fait l’objet de politiques migratoires variables de la part des Français et des Espagnols.
Les réseaux d’immigration les plus efficaces ont été les réseaux familiaux et villageois. S’y sont
ajoutées les activités des capitaines et des patrons de la marine marchande espagnole, des
contrebandiers qui ont organisé des passages « clandestins » (tout le monde les connaissait aussi bien
du côté du gouvernement espagnol que français, mais on fermait plus ou moins les yeux).
Les grosses sociétés coloniales ont encouragé ces migrations en envoyant des émissaires dans l’arrièrepays
d’Alicante pour inciter les gens à venir. Le consul de France à Alicante jouait le jeu et envoyait
des rapports au gouvernement français.
Pour l’essentiel, les gouvernements espagnols ne se sont guère préoccupés de réguler l’émigration vers
l’Algérie, restée « une émigration clandestine par tous les détours possibles » (J-J. Jordi).
Cette attitude tient au fait que cette émigration joue le rôle de soupape de décompression par rapport
aux tensions sociales en Espagne durant toute la période qui s’étend de 1850 au début du 20ème siècle,
lorsque sont apparus des problèmes économiques sérieux dans la péninsule. Jusqu’en 1914, on est dans
un système de libre circulation.
En matière de politique migratoire, malgré quelques mesures contradictoires, la France n’a pas fait
d’obstacle majeur à ces immigrations au 19ème siècle. Elle les a même parfois encouragées, pour
favoriser la mise en valeur des terres. Ce n’est que dans les années 1920 que la tendance à la fermeture
se manifeste. Et en juillet 1936, est adopté un décret réglementant le nombre des immigrants espagnols
en Algérie.
Conclusion
Il faut souligner une spécificité : l’Oranie est devenue une terre de peuplement espagnol (puis
hispanique, quand il y aura les naturalisations) majoritaire, pratiquement jusqu’à la fin de la période
coloniale, et jusqu’en 1914 dans un contexte de libre circulation des hommes.
On observe dans ces migrations la conjonction de deux séries de facteurs : répulsifs et attractifs
(géographie et histoire ont joué un rôle important). Les Espagnols ont tendance à considérer que
légitimement cette terre devait leur revenir. Les Français ont préféré laisser dire pour ne pas créer de
polémique. Mais il y a en Espagne un courant africaniste qui a constamment maintenu la revendication
espagnole sur l’Oranie. Courant qui a eu l’oreille du gouvernement espagnol en 1940, quand le
gouvernement de Franco a essayé de négocier l’entrée en guerre de l’Espagne aux côtés de
l’Allemagne contre la cession de l’Oranie et du Maroc. Mais Hitler a estimé que c’était trop demander,
que cela créerait des problèmes avec le gouvernement de Vichy et que l’Espagne ne serait pas capable
de défendre ces régions contre les Anglais.
Il faut noter que, malgré la possibilité permanente d’un retour dans le pays d’origine, la majorité des
migrants espagnols se sont fixés dans la terre d’accueil, parce qu’ils y ont trouvé des conditions
sociales et économiques plus favorables, ainsi qu’un environnement très libéral qu’ils n’avaient pas en
Espagne.
Bientôt, les migrants espagnols s’émancipent de la dépendance de la « communauté » qui les a aidés
dans leur implantation et deviennent individualistes. A aucun moment ils ne créent des structures
communautaristes, sauf entre 1937 et 1940, à la suite des manoeuvres du consulat espagnol d’Oran
gagné aux idées africanistes.
2. Le processus d’intégration-assimilation des Espagnols en Oranie a nécessité plus de deux générations.
J-J. Jordi et Lamine Benallou sont d’accord pour distinguer trois grandes périodes dans l’histoire des
Espagnols en Oranie, du point de vue des flux migratoires et du processus d’intégration-assimilation :
- 1830-1856 : « l’ère des aventuriers » concerne quelques milliers de personnes.
- 1856-1906 : « le temps des défricheurs et des agriculteurs ».
- 1906-1920 : « le temps des naturalisés » (Lamine Benallou).
Les historiens reconnaissent une stabilisation des flux migratoires (autant de départs que d’arrivées
après 1914) et une poursuite des naturalisations après 1920.
2.1. L’intégration, puis l’assimilation des Espagnols d’Oranie s’est opérée à travers trois grands vecteurs : le travail, le service militaire (et la guerre), l’Ecole ; à quoi on peut ajouter les mariages mixtes.
Pour l’essentiel, le processus intégration-assimilation de la masse des Espagnols d’Oranie est achevé
dans les années 1930.
Jusqu’en 1906, les migrants ont pris pied et fait leur place dans la colonie grâce à leur travail : avec des
travaux très pénibles auxquels les paysans espagnols étaient particulièrement aptes (défrichage,
cultures irriguées…). Ils étaient d’autant plus compétitifs par rapport à la main d’oeuvre française
qu’ils disposaient des atouts de la frugalité et de la résistance au climat (les premiers colons arrivés de
France n’ont pas résisté au climat et sont tous morts). D’où leur succès économique et social.
Sous la 3ème République, l’Ecole obligatoire, puis le service militaire pour les naturalisés, ont joué un
rôle décisif dans le processus intégration-assimilation, avec l’apprentissage de la langue, l’acquisition
des valeurs républicaines, des bases de la culture française (littérature, histoire…). La guerre de 1914-
1918 consacre la place des Hispaniques dans la communauté nationale française : par le prix du sang,
ils ont fait la preuve de leur fidélité à la France et gagné de n’être plus des « Néos ». Quand on lit
aujourd’hui le témoignage de Pieds-noirs, tous insistent sur le rôle de l’école. Certains sont arrivés tout
à fait incultes mais beaucoup avaient déjà une sorte de fascination pour la culture française, au sens
des Lumières.
Progressivement, les mariages mixtes se multiplient, provoquant l’émergence d’une nouvelle
population à caractère méditerranéen, rattachée et attachée à la France, avec une double particularité :
- une, d’essence coloniale, connue : pour eux, l’Algérie c’est la France ;
- une autre moins bien repérée, identitaire, historique, quasi nationale : pour eux, la France, c’est l’Algérie
2.2. Autre facteur d’assimilation : la politique de naturalisation.
Jusque dans les années 1870, la France a compté sur le désir exprimé de devenir français pour accorder
la naturalisation. Le sénatus-consulte du 15 juillet 1865 a facilité cette acquisition en restreignant la
durée de résidence à 3 ans (au lieu de 10) et en supprimant l’autorisation préalable d’établir son
domicile en France. Les Espagnols n’ont pas répondu spontanément à cette attente : 6000 seulement se
font naturaliser, dont 4000 en Oranie, entre 1849 et 1889.
La croissance forte de l’immigration espagnole à partir des années 1870 inquiète l’Etat ; Jordi résume
ainsi la raison de cette inquiétude : « Que deviendrait la souveraineté française en Algérie si les
étrangers, ayant le droit de s’y établir sans limitation de nombre, venaient à y acquérir une supériorité
numérique ? »
C’est de là que viennent les lois de naturalisation de 1889 et 1893 qui visent à hâter l’assimilation :
elles établissent la naturalisation automatique sous deux formes :
- d’une part, « les enfants que les étrangers ont eus en Algérie et qui y sont domiciliés, sont
déclarés français dans l’année suivant leur majorité s’ils n’y renoncent pas formellement »
- d’autre part, « les enfants nés en Algérie d’un étranger qui y est, lui-même, né, sont aussitôt
déclarés français »
C’est-à-dire que le droit du sol est substitué au droit du sang.
Si les Espagnols ne s’étaient pas précipités pour demander la naturalisation avant ces lois, ils ne se
dérangent pas davantage pour garder la nationalité espagnole (d’autant plus que la France exige pour
cela un dossier lourd et coûteux !). Dès lors, la francisation avance à marche forcée et l’Espagne ne fait
rien pour la contrecarrer.
L’histoire familiale des Galdeano répond assez bien au schéma historique proposé par l’historien
J-J. Jordi :
Francisco et Magdalena ont appartenu à la classe du prolétariat ; Francisco est ouvrier
agricole (tailleur de vignes) jusque dans les années 1930, puis il occupe de petits emplois (comme
gardien de nuit) en ville jusqu’à sa mort en1951.
Son fils Antonio reste célibataire, les filles se marient avec des Français ; tous sont allés à
l’école française et sont des ouvriers (chemins de fer, marine nationale).
Les petits-enfants dont je fais partie (2ème génération née en Algérie) font des études
secondaires et supérieures et accèdent à des métiers intellectuels (enseignement et fonction publique).
La naturalisation s’est faite de façon échelonnée, pour des raisons diverses :
Francisco, mon grand-père a refusé de devenir français ; il a accompli son service militaire en
Espagne (Séville). On peut s’interroger : était-ce un choix individuel ou familial ? Y avait-il l’idée
d’un retour ?
Magdalena, ma grand-mère demande la naturalisation en 1960, pour « être comme ses
enfants ».
Madeleine est la première à être naturalisée française, à 13 ans (1930), à la demande de
Francisco, afin de pouvoir prétendre à une bourse d’étude.
Joséphine, ma mère, acquiert la nationalité par son mariage, à 20 ans (1934). Elle souffrira
longtemps du dédain qu’elle a rencontré dans sa belle-famille française.
Leurs enfants, nés de Français sur le territoire français, sont français (mais devront néanmoins
le prouver dans les années 1990 pour renouveler une carte d’identité nationale).
Conclusion :
- le processus intégration - acculturation – assimilation s’est réalisé en 3 générations ;
- le rôle de l’Ecole, des mariages mixtes (dans les deux sens : femmes espagnoles avec Français,
femmes françaises avec Espagnols), et du service militaire, voire de la guerre ;
- « assimilation » n’est pas incompatible avec sentiment d’une identité culturelle multiple, mais
ceci reste une démarche individuelle.
3. Le peuplement espagnol de l’Oranie a été source de tensions francoespagnoles récurrentes jusqu’au début des années 1940.
Deux exemples :
3.1. La réaction aux lois de naturalisation automatique : le « péril étranger ».
Les lois de naturalisation automatique ont provoqué une réaction nationaliste du côté des Français de
la colonie. Ils dénoncent « le péril étranger » ; ils doutent des sentiments intimes des « Néos » et
craignent les conséquences électorales. Un fort courant a réclamé le retour au jus sanguinis. Des
affrontements divers opposent Français et Espagnols jusqu’en 1895 ; de nombreuses expulsions
d’Espagnols sont prononcées, culminant entre 1893 et 1895.
Cependant, la crise antijuive oranaise (1895-1905) a été l’occasion de rapprocher Français et
Espagnols par un antisémitisme partagé : antisémitisme économique et religieux du côté des
Espagnols, politique du côté des radicaux-socialistes français. Des Espagnols participent aux violences
antijuives jusque vers 1897 puis s’en détachent (ils se rendent compte que sur le plan politique cela ne
leur apporte rien), ce qui leur vaut un regain de méfiance de la part des Français. Le thème du péril
étranger les visant perdurera jusqu’à la première guerre mondiale.
3.2. L’irrédentisme espagnol.
Le sentiment identitaire espagnol a toujours été présent malgré la réalité de l’assimilation française.
Des courants nationalistes espagnols ont exploité cette présence hispanique en Oranie, provoquant des
tensions avec la France. En Espagne, tout un courant dit « africaniste » a, depuis le 19ème siècle, avancé
la thèse de l’appartenance historique de l’Oranie à l’Espagne. A la fin des années 1930, les
Phalangistes soutiennent cette revendication. En 1940, le gouvernement de Franco, divisé sur la
question, a néanmoins tenté de négocier son alliance avec l’Allemagne en guerre contre la cession de
l’Oranie (et du Maroc) à l’Espagne. Il s’appuyait sur un assez fort courant pro-nationaliste espagnol en
Oranie, attisé par le consulat. L’échec de cette tentative (appelée « Opération Cisneros » par les
fonctionnaires français d’Oran) a mis un point final à cette revendication.
Du côté des Galdeano et Lopez, la famille étendue s’est comportée diversement. Leur histoire n’a pas
sa place ici. Deux remarques cependant :
la guerre d’Espagne a divisé la famille entre pro-franquistes (ceux qui avaient « réussi »,
petits propriétaires agricoles) et pro-républicains (les prolétaires comme Francisco, ou Manuel, frère
de Magdalena, engagé dans les Brigades internationales) ; jusque dans les années 1940, on a pas mal
discuté mais les ponts familiaux n’ont jamais été coupés malgré tout.
la deuxième guerre mondiale a mobilisé plusieurs cousins, l’un d’eux est tombé avec son
avion au-dessus de l’Allemagne. Le prix du sang était versé à la France, ce qu’aucun Pied-noir n’a
oublié.
Conclusion finale.
La plupart des questions relatives à la problématique des migrations sont présentes ici.
- pour quelles raisons sont-ils partis ?
Surpeuplement, volonté d’échapper à la misère, aux blocages sociaux et politiques… l’idée de retour
est abandonnée au bout de deux ou trois décennies.
- quelle destination ? comment l’ont-ils atteinte ?
Le pays d’accueil est proche, géographiquement et historiquement, offrant des moyens de vivre en
raison d’une croissance économique forte (un temps, jusque vers les années 1890). Il est ouvert aux
migrants, même si la plupart des passages sont clandestins. De nombreux nationaux y sont déjà établis.
Les allers-retours, fréquents au départ, sont suivis d’une installation définitive.
- comment ont-ils gagné leur place dans la société d’accueil ?
Facteurs d’intégration et de résistance de part et d’autre (rôle des représentations) ; question de la
naturalisation.
L’intégration puis l’assimilation se font par le travail, l’Ecole, le service militaire, les mariages mixtes
et la naturalisation ; le processus s’étend sur deux générations, (environ 50 ans). L’assimilation n’est
pas en contradiction avec le sentiment identitaire hispanique : des relations étroites avec l’Espagne
sont toujours présentes. Malgré la libre circulation jusqu’en 1914, les migrants espagnols ont choisi la
fixation dans le pays d’accueil parce qu’ils y trouvaient de meilleures conditions économiques,
sociales et politiques.
On observe des crises récurrentes d’acceptation réciproque entre Français et Espagnols, pour des
raisons identitaires et politiques : culminant dans le dernier quart du 19ème siècle, s’estompant après la
première guerre, réactivées dans les années 1930, elles ont disparu après 1942, ce qui couvre une
période de près de 80 ans.
Une question s’impose :
pourquoi ce silence de l’historiographie française sur cette question de la
migration espagnole vers l’Algérie entre 1930 et 1939 [2] ? La plupart des sources disponibles sont
espagnoles (et même algériennes) ; les sources françaises les citent amplement, la plupart émanent
elles-mêmes d’historiens d’origine pied-noire [3].
Silence à rapprocher de celui qui pèse toujours sur l’histoire des rapports entre la population pied-noire
et L’OAS. Mais ceci est une autre histoire.
Bernard Zimmermann. Président de Soleil en Essonne. Instituteur en Algérie jusqu’en 1966 puis professeur
d’histoire et géographie en Région parisienne.
soleilessonne.net/spip.php?article286
Notes :
[1] Noter que les difficultés ont affecté la péninsule dans son ensemble, dans un contexte de forte croissance démographique.
Les Castillans, les Galiciens, les Cantabriques et les Basques sont partis vers l’Amérique latine, Cuba incluse. A titre
d’exemple, la Province de Salamanque a perdu plus de 60 000 habitants sur les 320 000 qu’elle comptait en 1900, des
villages entiers se sont vidés de leur population, comme Alaraz, Boada….
[2] En 1939, Camus ne voit pas les Espagnols à Oran : pas un mot dans Le Minotaure ou la halte d’Oran. Emmanuel Roblès,
au contraire, en évoque avec émotion dans Jeunes saisons (Ed. Baconnier, 1961).
[3] Juan Bautista Vilar, Los Españoles en la Argelia francesa, Ed. Centro de estudios historicos, Univ. de Murcia, 1989
Jean-Jacques Jordi, Espagnols en Oranie, Histoire d’une migration (1830-1914), Ed. Jacques Gandini, Nice, 1996.
Lamine Benallou, L’Oranie espagnole, Approche sociale et linguistique, Ed. Dar el Gharb, Oran, 2002. Alfred Salinas,
Quand Franco réclamait Oran, Ed. L’Harmattan, 2008. Jeannine Verdès-Leroux, Les Français d’Algérie, de 1830 à
aujourd’hui, Ed. Fayard, 2001. Geneviève Dermenjian, La crise anti-juive oranaise (1895-1905), L’Harmattan, 1986.
Migrance Hors Série, Un siècle d’immigration espagnole en France, Ed. Mémoires-Générique, 2007
Mis en ligne le 30 oct 2010