La genèse
Nom officiel : MPC (Mouvement Pour la Communauté) créé le 9 juillet 1959 Président fondateur : Jacques Dauer adhérent du RPF ayant milité activement en métropole pour le retour au pouvoir du Général De Gaulle avant 1958 et la création d'une " troisième force ". Raymond Schmitlein en est le vice-président. Le MPC vise des objectifs politiques : il se veut " le noyau dynamique de la future coopération entre les deux pays ".

Lucien Bitterlin en est le principal artisan(1). Neuf mille affiches sont collées sur les murs d'Alger favorables à De Gaulle et à l'autodétermination L'implantation du MPC en Algérie débute en mars ou mai 1960, les avis diffèrent. Lucien Bitterlin, 28 ans, animateur (producteur ?) de radio à Paris, crée l'antenne algéroise du MPC (Mouvement pour la Communauté), qui débute en collant, sur les murs d'Alger, des affiches favorables à De Gaulle et à l'autodétermination. Lucien Bitterlin à toute latitude pour agir suivant les directives de la direction parisienne. Jean Dubuquoy sera responsable administratif pour Alger.
Yves le TAC prend la présidence de la Fédération algérienne. C'est un industriel en chauffage central, président de l'Association des anciens déportés de la Résistance
Membres du comité directeur : Charly Bonardi, Youssef Benhoura responsables de jeunes RPF de la région parisienne, son beau frère Nouar, et le père Badin.
Chef du service action : Barthélémy Rossello. Il s'illustrera dans l'infiltration des réseaux OAS. Il transmettait ses résultats au commissaire principal Gautray et à son adjoint Nivos, Jean Dubuquoy responsable administratif.

A l'automne 1960, Lucien Bitterlin, avait créé le "Comité de coordination pour le soutien de la politique du chef de l'état" dont l'activité essentielle consistait au collage d'affiches. La plus célèbre frappée d'une croix de Lorraine bleue, représentait un musulman et un européen se tenant par la main. Le slogan était : " Oui à de Gaulle ! Paix et justice ! ", pour inciter à voter " oui " au référendum du 8 janvier 1961. C'est l'occasion de nouer des alliances avec René Gentgen, colonel en retraite, Henri Jeunet, conseiller général d'Alger, gaulliste socialiste, tous deux représentant l'UNR, et Claude Raybois, secrétaire général de l'Association nationale pour le soutien à l'action du général De Gaulle, " un personnage jovial, solide, aux yeux clairs et à l'accent parisien prononcé ".

(1) Certains comme Patrick Sery dans L'évènement du Jeudi du 28 mars au 3 avril 91, en attribuent la paternité à

Jacques Foccart

(ci dessous), l'éminence grise de l'Elysée.
Alain Jaubert dans son livre "Dossier D. . . comme Drogue", éditions Alain Moreau 1976, émet aussi cette hypothèse.




Réunion de barbouzes à Alger. Bitterlin (l'homme à la cigarette)


Fausse carte d'ientité de Lucien Bitterlin
Au siège de l'association, 26, rue Carnot, face au port, Bitterlin fait la connaissance d'André Goulay (président du comité de salut public de l'arba le 13 mai 1958). Etabli à L'Arba comme blanchisseur avec femme et enfants, recousu de cicatrices, cet ancien des "commandos noirs" et de Corée a assuré avec le futur ambassadeur Ponchardier le service d'ordre du RPF.

Fin de l'été 1961, réunion Louis Joxe, Jacques Dauer, Raymond Schmittelein président du groupe UNR, qui prennent contact avec Lucien Bitterlin.

Le 15 octobre 1961 la section algérienne s'appellera " Mouvement Pour la Coopération "
Le 13 novembre, neuf mille affiches imprimées en France par les soins de Jacques Dauer arrivent à El-Biar. Deux thèmes : " Paix en Algérie par l'autodétermination " et " Ni la valise ni le cercueil , mais la coopération ".

Jacques Dauer
C'est à Paris, octobre 1961, (6 nov ?) cabinet de l'avocat maître Lemarchand,(2) qui sera interrogé plus tard dans " l'affaire Ben Barka "(3), que sont mises en places les nouvelles orientations concernant la lutte contre l'OAS. En présence notamment de Roger Frey ministre de l'intérieur et de son adjoint, Alexandre Sanguinetti (responsables du cabinet anti OAS), Lucien Bitterlin, Goulay et Fred Simon représentant parisien du MPC.

Premières recrues d'importance, Jean Dufour alias le " père Peysson " qui s'occupera de l'intendance et Pierre Lecerf.
Jacques Despinoy, alias colonel Foyer, recueille des " tuyaux " sur l'OAS auprès des musulmans des centres sociaux éducatifs. Les quartiers arabes sont un vivier d'indics.

But officiel : permettre la réconciliation et l'association France Algérie des communautés en vue de préparer le régime démocratique de l'Algérie nouvelle.
Le MPC mouvement à tendance Gaulliste de gauche, était donc chargé en quelque sorte, d'en assurer la devanture respectable et légale.

But réel : s'opposer à l'OAS par tout les moyens et mettre un terme aux agissements des commandos Delta de Degueldre et Z de Susini en enlevant pour les faire parler, avant de les exécuter, les sympathisants ou militants OAS.

Rayon d'action tout le territoire algérien en toute indépendance.
Les ordres devaient venir du cabinet anti OAS de Roger Frey et Alexandre sanguinetti.

Le 2 novembre 1961, Goulay et Bitterlin obtiennent par, Louis Joxe, un rendez-vous avec Jean Morin, délégué général en Algérie et ses deux adjoints Louis Verger et Claude Vieillecazes.
Jean Morin est installé à Rocher-Noir (aujourd'hui Bou-Merdes), siège de l'administration ; Alger est en effet considéré comme " peu sûr ".
Rocher-Noir ne l'est guère davantage. Morin sent sa police commencer à lui échapper, noyautée par l'OAS. Il écoute ses interlocuteurs et donne son accord " pour un essai d'un mois dans les départements d'Alger et d'Orléansville ".
André Goulay a la responsabilité d'un service Action à créer de toute pièce ; Guy Gits est son alter ego dans l'Orléansvillois. Lucien Bitterlin se charge de diverses tâches, dont la logistique.

A partir du 10 janvier 1962, D. Ponchardier ami de Roger Frey, chef du service d'ordre du RPF, frère de l'amiral Ponchardier, ancien des services spéciaux va prendre en main le MPC. Cet auteur, sous le nom de Antoine Dominique, publie des romans d'espionnage à succès Son personnage principal : le Gorille.
(C'est lui qui aurait popularisé le terme " barbouze.")

En Algérie le délégué général du gouvernement, Jean Morin sous les ordre de Louis Joxe et de son chef de cabinet Jacques Legrand et ses adjoints, Verger et Vieillecazes directeur du cabinet civil du gouvernement, devaient être mis au courant des actions de ces commandos.

L'avocat Pierre Lemarchand.


Suspendu du barreau durant trois ans, il reprit son cabinet où il eut comme collaborateur le petit-fils du général De Gaulle, Charles De Gaulle.

(2) Pierre Lemarchand indique que son "intervention n'a duré qu'un an, d'avril 61 à avril 62".
(3) Certains éléments d'information avaient amené le Comité pour la vérité sur l'affaire Ben Barka à affirmer publiquement, en 1970, sans recevoir de démenti, que ce questionnaire était de la main de Pierre Lemarchand, ancien député de l'Yonne, avocat et ami de Georges Figon, dont le rôle en marge de l'Affaire a été très controversé.
Dans sa plainte, la partie civile demandait que Maître Lemarchand soit entendu à ce sujet. Le 13 mai 1976, une expertise en écritures était ordonnée par le juge d'instruction en charge du dossier, M. Pinsseau. Les conclusions de cette expertise, déposées le 30 décembre 1976 sont formelles. Je cite le rapport :
... Les nombreuses concordances relevées entre le document de questions (les photocopies du questionnaire) et les spécimens de la main du témoin Pierre Lemarchand, désignent celui-ci comme l'auteur des documents en question (souligné par les experts). Informé de ces conclusions, Maître Lemarchand a maintenu ses dénégations et annoncé qu'il apporterait au juge les preuves formelles qu'il n'était pas l'auteur du questionnaire. Il a même laissé entendre qu'il pourrait être en mesure d'indiquer l'identité du véritable auteur. A ce jour, 22 ans plus tard, il n'a fourni aucune des preuves annoncées. A ce jour, malgré l'insistance de la partie civile, aucun des juges chargés de l'instruction du dossier n'a cru utile de le convoquer.

http://www.mvjfrance.org/textes/colloque98/benbarka.html

C'est donc une organisation secrète au service du pouvoir, qui avait pour but d'accélérer la mise en place de la politique d'abandon de l'Algérie et d'anéantir, par tous les moyens, les derniers opposants.

C'est une véritable police parallèle qui reçoit ses ordres des plus hautes sphères du gouvernement.

Le M.P.C. (Mouvement pour la Communauté) s'était imposé en Algérie en participant à la campagne pour le référendum du 8 janvier 1961.
Un comité de coordination des trois mouvements gaullistes avait été créé avec René Gentgen, représentant l'U.N.R., Claude Raybois, l'Association nationale pour le soutien à l'action du général de Gaulle, association qui venait également de s'implanter en Algérie, mais avec des moyens matériels infiniment plus importants que les nôtres, enfin Yves Le Tac et moi pour le M.P.C.
Si nous avions eu, au cours de ces journées de décembre 1960, la chance d'entrer en contact et de nous entretenir longuement avec des nationalistes algériens, nous pûmes, d'autre part, élargir le cercle des Français militants gaullistes. A l'U.N.R., je pus apprécier les idées généreuses de René Gentgen, colonel du cadre de réserve, et d'Henri Jeunet, conseiller général d'Alger, solide quinquagénaire qui, sous un certain aspect placide, avait des idées socialistes arrêtées et la froide détermination des gaullistes de la première heure.
Claude Raybois, secrétaire général de la fédération algérienne de l'Association nationale, avait fait la Résistance en France occupée et n'avait cessé de militer depuis pour le R.P.F. C'était un personnage jovial, solide, aux yeux clairs et à l'accent parisien très prononcé.
Les " commandos noirs "
Le siège de son organisation était situé dans un vaste appartement au cinquième étage du 26, avenue Carnot, face au port d'Alger. Je l'enviais, lorsque je lui rendais visite, d'avoir un secrétariat et du personnel permanent, alors que je ne disposai pour me loger et entreposer les documents et affiches du M.P.C. que d`un modeste studio au fond d'une cour du 10 rue des écoles près de l'immeuble de la R.T.A., boulevard Bru.
Le responsable de la propagande de Claude Raybois, André Goulay était également métropolitain. Apres avoir servi dans les " commandos, noirs " avec le colonel Barberot, Jean-Baptiste Biaggi et Jean-Jacques Servan-Schreiber, il s'était établi à L'Arba, prés d'Alger. Marié et père de deux enfants, cet ancien baroudeur cousu de cicatrices et couvert de décorations, qui avait fait la Corée et appartenu au service d'ordre du R.P.F. sous les ordres de Dominique Ponchardier, jouait lui aussi la carte gaulliste. " Le patron sait ce qu'il fait, disait-il. On n`a qu'a faire comprendre à tous ces Pieds-Noirs qu'il n'y a pas d'autre solution.
Si le " grand " ne peut pas régler le problème au mieux pour eux, personne ne pourra le faire ". Son langage était plus imagé que ces quelques lignes... Son nez cassé et son torse de lutteur étaient d'ailleurs aussi convaincants que les tracts qu'il distribuait.
Le référendum du 8 janvier avait été un succès pour le OUI. Plus de 17 millions de Français avaient accepté le droit à l'autodétermination des algériens, européens et musulmans. Mais en Algérie, si le OUI l'avait emporté, il y avait eu plus d'abstentions et de votes nuls que de votes positifs et 800 000 NON.
Depuis les événements de décembre 1960, provoqués par les Européens, mais qui avaient tourné à l'émeute lorsque les Algériens avaient manifesté à leur tour dans les rues, le Front de l'Algérie française était dissous, En revanche, en ce début d'année 1961, des tracts du F.A.F. clandestin étaient distribués de plus en plus fréquemment et leur contenu était très virulent.
Yves Le Tac avait été élu président de 1'Association des anciens déportés de la Résistance. De mon coté, je me rendis chez les libéraux d'Algérie pour essayer de contacter des Européens de gauche favorables a la politique algérienne du général de Gaulle.
Lucien Bitterelin " Historia magazine " - La guerre d'Algérie N°337 (1973)

C'est alors qu'apparait officiellement un nouveau mouvement qui était jusque-là peu connu des Européens. Ils découvrent un matin d`insolentes affiches collées sur les murs d'Alger et d'Oran. De couleur bleu ciel, frappées d'une immense croix de Lorraine, elles représentent un Français d'Algérie et un Algérien se tendant les bras avec cette inscription : " Oui à de Gaulle. Paix. Justice. " Elles sont l'expression d'un " Comité de coordination pour le soutien de la politique du chef de l'Etat ".
Derrière ce comité, il y a l'homme qui dirigera plus tard les " barbouzes " et deviendra l'une des cibles de l'O.A.S. : Lucien Bitterlin. Pour l'heure, on n'en est pas encore à la violence la plus sauvage et la plus meurtrière. Bitterlin est un ancien du R.P.F., ou il a milité très jeune et ou il a connu Jacques Dauer.
En 1959, à peine âgé de vingt sept ans, il a été élu maire adjoint de La Garenne.
En mars 1960, deux mois après les barricades, il a débarqué à Alger en qualité d'animateur aux studios algérois de la Radiodiffusion-Télévision Française.
En fait, ce garçon, qui ne paye pas de mine avec son physique quelconque s'occupera moins d'émissions de télévision que de la fédération algérienne du mouvement pour la Communauté. Le MPC a été fondé à Paris par Jacques Dauer et le cadi Benhoura pour tenter un rapprochement sincère entre les deux populations d'Algérie. Quand Bitterlin s'engagera à fond dans la lutte anti-OAS, Dauer lui refusera la caution du M P C et le " démissionnera ".
C'est Lucien Bitterlin qui a eu l'idée de grouper au sein du Comite de coordination pour le soutien de la politique du chef de l'Etat les rares groupuscules gaullistes comme " l'Association nationale pour le soutien de l'action du général De Gaulle " de Claude Raybois, un autre " parachuté " de Paris, et le mouvement de Rouland, député U.N.R. de Boulogne, qui essaie de rassembler les élus algériens. Ce petit noyau très actif est complété par Yves Le Tac, compagnon de la Libération et président de l'Association algéroise des déportés, Youssef Benhoura, le fils du cadi, Nouar, le beau-frère de Youssef et le journaliste sportif Charles Bonardi, dont les idées communisantes sont bien connues à Alger.
Par-delà la campagne en faveur du OUI au referendum, Lucien Bitterlin et ses amis veulent montrer aux Algérois qu'il faut désormais compter sur des défenseurs de la politique algérienne du chef de l'Etat, des hommes résolus à s'opposer aux braillards de la rue et à permettre aux musulmans de choisir librement leur propre destin.
L'entrée en scène du MPC survient juste au moment où les manifestations musulmanes d'une part, la répression qui s'est abattue sur les leaders " activistes " en fuite ou internés, d'autre part, ont complètement démoralisé les Pieds-Noirs, qui se sentent, en outre, trahis par l'armée. Ils savent à quoi conduira ce fameux exécutif algérien. Dans ces conditions, tenter de leur expliquer que leur seule chance de rester dans ce pays qui fait partie de leur chair et de leur sang est d'accepter le pari de De Gaulle, c'est agiter la muleta devant le taureau pour qu'il relève la tête.
Etant le seul mouvement à prôner le OUI à Charles de Gaulle en Algérie, le Comité de coordination pour le soutien de sa politique, bénéficie évidemment du plus large appui des milieux officiels et sur place, de Jean Morin, le délégué du gouvernement. Alors que les quartiers musulmans sont, plus que jamais, des citadelles ou les Européens n'auraient pas l'idée de s'aventurer seuls, les colleurs d'affiches de Bitterlin opèrent dans la Casbah et au Clos-Salembier comme chez eux. Il faut croire que les fonds dont dispose l'ancien animateur de télévision sont inépuisables, car la campagne qu'il mène suppose de gros moyens financiers.
Au même titre que les formations politiques, le Mouvement pour la Communauté dispose d'un temps réglementaire d'antenne à la radio et sur le petit écran. Mais rares sont les fois ou la propagande pour le OUI parvient dans les familles européennes. Les Pieds-Noirs, en effet, ont pris l'habitude de tourner le bouton de leur poste pour ne pas écouter la voix de ceux qu'ils considèrent comme des alliés du F.L.N. A Bab-el-Oued notamment, les affiches à la croix de Lorraine à la gloire de la politique du gouvernement sont systématiquement lacérées ou recouvertes d'inscriptions du style : " A bas de Gaulle! " ou " Algérie française ". Une multitude de tracts circulent en ville, invitant la population européenne à dire NON au chef de l'Etat.
Francis A'I'I'ARD " Historia magazine " - La guerre d'Algérie N°329 (1973) - Extrait

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Mis en ligne le 15 Juin 2005 - Mis à jour le 23 février 2015

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