Les débuts de l'église protestante en Algérie

Les difficultés d'implantation (1)

La religion protestante s'implanta en Algérie à la suite des armées françaises du Maréchal de Bourmont, immédiatement après la chute d'Alger en juin 1830. Les premiers protestants furent animés, dès les premiers instants de leur séjour, par le devoir moral d'aménager des structures propres à développer une mission évangélique parmi les autochtones maures ou arabes

Or à l'inverse de cette démarche, le gouvernement ne tenait pas à voir une quelconque action missionnaire prendre naissance et attiser l'hostilité de l'Islam envers l'occupant, parmi les populations qu'il désirait se concilier. Si bien que les missions d'évangélisation qui prirent pied dans le pays par la suite, ne furent que rarement l'œuvre des églises officielles mais essentiellement celles de personnalités privées agissant conformément à leur foi.
C'est dans ces circonstances que les premiers immigrants protestants s'implantèrent comme colons surtout à la campagne et près d'Alger. Quant à ceux qui habitaient la ville, ils prirent exemple sur les catholiques, et estimèrent en 1833 que puisque ces derniers avaient leur église, ils étaient eux aussi en droit de réclamer la fondation de leur culte, puisqu'à tous égards il était préférable de le faire reconnaitre plutôt que de profiter d'une sorte de tolérance passive de la part des autorités administratives.

Ils s'occupèrent avant toute chose de recenser la population protestante d'Alger. Une première estimation évalua les civils à 800 et les militaires à 2 à 3000. Lorsque ce recensement fut terminé, on l'adressa au Gouverneur Général en lui demandant une église et un pasteur. En cas de refus de sa part, on s'accorda pour demander qu'une autorisation d'établissement et de résidence soit accordée à des missionnaires, pour y remplir les fonctions de pasteur. On suggéra même pour ce premier poste le nom de M. Ewald, dont nous parlerons plus loin.

Le 31 janvier 1834, l'Intendant civil Genty de Bussy fit connaitre dans une lettre aux protestants d'Alger que le Président du Conseil les autorisait à y fonder un temple. Mais les choses trainèrent et le 11 décembre 1834, les délégués protestants Schnell, Mercier et Lafont Rilliet réitérèrent au Gouverneur Général, le comte Drouet d'Erlon, leur souhait de voir se concrétiser ce qui avait été promis par les autorités.
Ils étayaient leur demande sur le fait que la fondation d'un temple était devenue d'autant plus pressante depuis que le nombre de protestants s'accroissait d'un recensement à l'autre. Le 10 janvier 1835, les pétitionnaires furent convoqués chez le maire d'Alger, M. Cottin qui leur fit connaître la réponse ministérielle favorable au sujet de l'édification du temple qui serait entretenu, ainsi que leur pasteur à leurs frais.

Mais le désir des délégués était bien de faire figurer les frais de fonctionnement de leur église au budget des Cultes. En effet les protestants n'étaient pas assez nombreux pour avoir les ressources propres nécessaires à assurer les charges de leur église, la plupart d'entre eux n'étant que de simples agriculteurs sans le sou.
On attendit jusqu'au 31 décembre 1835, pour qu'une solution soit trouvée. Un arrêté du Gouverneur considéra à cette date, qu'il était utile d'accorder aux personnes qui le professaient, la permission d'exercer leur culte publiquement. Pour les chrétiens de l'église réformée domiciliés à Alger, une maison des Domaines située au 68 de la rue du Chêne servirait de Temple, et le culte serait desservi par Napoléon Roussel, ancien pasteur de Saint Etienne. .
Ce dernier ne resta pas longtemps en poste puisque dès le mois de décembre 1836, le consistoire prit pour président à sa place le candidat Bauman. Cependant Roussel avait fécondé l'organisation des protestants algérois, et ce fut lui qui le 7 janvier 1836, présida à l'élection de 9 Anciens et de 6 diacres qui constituèrent le premier consistoire.
Les 9 Anciens se nommaient Rilliet père (rentier) Alamand (négociant) Tobler (négociant) Bongrand (capitaine) Casanier père (sous intendant militaire) Trilin (vice consul d'Angleterre) Sol (chef de Bataillon à l'Etat Major) Lafon Rilliet (négociant) Schnell (négociant). Les 6 Diacres se composaient de Wolff (négociant) Vinclair (garde du Génie) Casanier fils (négociant) Nissole (marchand) Gineste et Mayer (nommé par la communauté allemande).
Dès sa première séance, le conseil se préoccupa de l'avenir. Il convenait de s'assurer des ressources financières indispensables à la survie de l'église On décida l'ouverture des inscriptions et la location des chaises du Temple à raison de 6 F par an chacune. On spécifia qu'un certain nombre d'entre elles seraient réservées aux étrangers et aux fidèles nécessiteux qui n'auraient pas les moyens d'en faire la dépense.
Le second souci fut de trouver un local mieux approprié à l'exercice du culte. Le conseil chargea une commission de visiter les mosquées désaffectées, puisque la maison de la rue du Chêne devant être reprise par son propriétaire. Le pasteur Hoffman offrit alors de louer une maison cultuelle aux frais de la Société de Toulouse, à laquelle il appartenait et sous les auspices de qui il était venu en Algérie. Les protestants algérois furent heureux de pouvoir recourir à ce moyen pour assurer la pérennité de leur entreprise.

Le 29 janvier 1837, leur consistoire résuma les résultats des démarches faites auprès de l'Intendance civile. Un local avait bien été désigné par cette autorité, mais il restait dans les faits à la disposition du Génie militaire qui refusait de s'en dessaisir, au moins d'une façon définitive. Jusque là le culte resterait célébré rue Duquesne, dans la maison de la Société de Toulouse.
Puis cette assemblée adressa ce même mois de janvier 1837, 2 pétitions à la Chambre des Députés et à la Chambre des Pairs par l'intermédiaire des consistoires de Marseille et de Paris. Il s'agissait de solliciter l'attribution au culte protestant d'une mosquée située dans le bas de la ville. Il fut produit à cette occasion, un certain nombre de certificats de maures et d'arabes, constatant " le plaisir qu'ils auraient à voir affecter leur mosquée au culte protestant plutôt qu'à des magasins ou à d'autres emplois ".

Le 1er mai 1837, le consistoire se réunit sous la présidence d'Hoffmann, mais c'était sur la demande d'un autre pasteur, François Sautter qui venait de Marseille, que les responsables avaient été convoqués. Il prit la parole et déclara que le moment était venu de faire des démarches fructueuses auprès du gouvernement pour obtenir définitivement pour l'église d'Alger, ce qui ne lui avait été accordé que provisoirement et à ses frais auprès de la Société de Toulouse.
Sautter s'offrait de faire les démarches nécessaires à condition d'être nommé, séance tenante, pasteur de l'église réformée d'Alger et président du consistoire ! Il fit valoir en plus de ses 20 années de ministère à Marseille, la puissante recommandation et l'entregent qu'il avait auprès du gouvernement à Paris et les assurances de protection qui lui avaient été données par les ministres des Cultes et de la Guerre.
Haufmann fit quelques observations. Il convenait selon lui de prendre d'abord l'avis de la Société de Toulouse mais il n'était pas mécontent de la proposition de Sautter car il était malade, et il souhaitait rentrer en métropole. Sautter le prit au mot. On conclut que la Société de Toulouse ne pourrait voir dans ce qui allait s'accomplir, que les résultats heureux de sa pressante sollicitude et de ses démarches.
Il convenait de la seconder en acceptant l'offre du pasteur marseillais. Celui-ci fut donc nommé pasteur d'Alger et président du consistoire séance tenante. Les protestants auraient un temple et leur pasteur serait payé par le budget Royal. Quant à la Société de Toulouse, Sautter lui fit rédiger une belle lettre de remerciement.

La reconnaissance officielle de l'église protestante

Le 23 septembre 1839, les membres du consistoire furent invités à se joindre au cortège chargé de recevoir l'un des fils du roi Louis-Philippe en visite en Algérie, à son débarquement à Alger. Ils savaient que leurs démarches avaient reçu un accueil favorable à Paris (1)
En effet un mois plus tard, l'établissement officiel de l'église protestante s'effectua par ordonnance royale du 31 octobre 1839, qui créa une église consistoriale pour le culte, église reconnue par l'Etat et desservie par un pasteur. Les termes en étaient les suivants :

" Art 1) Il y aura à Alger une église consistoriale pour le culte protestant. Le consistoire sera composé d'un pasteur et de 12 Anciens. Le pasteur présidera le consistoire.
" Art 2) Les Anciens seront nommés pour la 1ere fois par le Gouverneur et choisis parmi les notables protestants domiciliés à Alger.
" Art 3) Il pourra être établi par ordonnance royale, des oratoires sur les différents points d'Algérie où la nécessité s'en fera sentir. Des pasteurs auxiliaires du consistoire d'Alger seront attachés à ces oratoires.
" Art 4) Le traitement du pasteur d'Alger est fixé à 3000 F et celui des auxiliaires à 1500 F. Ces traitements seront payés sur les fonds du département de la Guerre.
" Art 5) Le pasteur d'Alger et les auxiliaires seront élus dans les formes ordinaires par le consistoire. Leur élection confirmée par nous, s'il y a lieu, sur proposition du Garde des Sceaux, ministre secrétaire d'Etat de la Justice et aux Cultes qui devra se concerter avec le ministre secrétaire d'Etat à la Guerre.
" Art 6) Les ministres de la Guerre et le de la Justice et des Cultes Garde sont chargés chacun pour ce qui le concerne de l'exécution de la présente ordonnance

L'ordonnance n'avait établi aucune différence entre confession réformée et luthérienne. Toutes 2 devaient cohabiter dans le même établissement consistorial. Le pasteur président résidant à Alger avait une situation prépondérante matérialisée traitement double de celui de ses collègues.
La direction de Strasbourg, autorité suprême de l'église d'Augsbourg luthérienne, estima alors que la population qui la concernait était supérieure à celle de la population réformée et chercha en vain à faire élire un pasteur luthérien à Alger. Mais ce fut Sautter, pasteur réformé, qui s'imposa car il était depuis 2 ans déjà pasteur officieux de cette église. Le consistoire demanda aussi la création de 3 oratoires à Délly Ibrahim, Philipeville pour la partie est du pays et Oran pour la zone ouest. (2)

Dès la nomination du pasteur Sautter à la présidence d'Alger en 1837, il s'était posé le problème d'une église protestante multiconfessionnelle. En effet, par une lettre du 22 mai 1840 au ministre des Cultes, le directoire de la confession d'Augsbourg avait réclamé la nomination d'un pasteur auxiliaire luthérien en soulignant que cette confession était majoritaire dans la population protestante, tant civile que militaire.(1)

Le 10 juillet 1842 parut l'ordonnance royale de création des 2 oratoires, luthérien à Delly Ibrahim et réformé à Oran. La même église comprendrait donc des oratoires des 2 confessions desservis par des pasteurs correspondant à ces 2 catégories. On respectait le principe de composition mixte qui avait présidé à l'implantation par l'Etat du consistoire d'Alger. Cette ordonnance ne satisfit pas le directoire de Strasbourg. Le directeur de l'Intérieur, comte Guyot, fut chargé de déterminer avec cette institution le nom du titulaire du poste à pourvoir. Il ne reçut pas de réponse à sa demande. (2)

A compter de 1842, les oratoires crées furent répartis en proportion égale par moitié aux 2 confessions. Les oratoires ne constituaient pas des paroisses, mais restaient des sections de l'église principale, desservis par des pasteurs auxiliaires du consistoire, et donc sans conseils presbytéraux officiels. La confession qui obtiendrait les 2 postes n'était pas précisée mais les 2 candidats Hoffmann et Saltet étaient nommés depuis plus d'un an et tous 2 étaient réformés, la force des choses l'emporta donc.
Une lettre du consistoire du 7 février 1843 resta aussi sans réponse. Ceci obligea l'assemblée le 9 mai, à s'adresser au président du Conseil par ailleurs ministre de la Guerre, pour faire appliquer le texte administratif. Le directoire s'exécuta enfin et le 24 juillet 1843 le consistoire élit le pasteur Dürr ce qui fut entériné par une ordonnance royale du 27 décembre suivant. (2)

En résumé Alger fut le premier poste officiel de l'église protestante en Algérie, fondée en 1839. Vinrent ensuite, Delly Ibrahim (luthérien) Douéra en 1842, Oran (réformé) en 1842, Philippeville (réformé) en 1845, Blida (luthérien) en 1849, Bône (luthérien) en 1850, Ain Armat (réformé) en 1853, Constantine (réformé) en 1853, Guelma (luthérien) et Mostaganem en 1857. (1)

Développement des structures religieuses

En 1844 la promesse de construction d'un temple à Alger fut tenue, et Louis-Philippe fit construire par le Génie, le temple de la rue de Chartres qui fut édifié entre 1844 et 1845. Il faut noter que Sautter fut singulièrement récompensé de ses services rendus puisqu'il fut destitué par le consistoire d'Alger en 1847 et remplacé par le pasteur Monod qui sera l'un des protagonistes majeurs d'une peu reluisante affaire à Oran. (1)
Le temple d'Alger fut donc légalement constitué auprès de l'Etat, en vertu de 2 arrétés du Gouverneur Général en date du 28 décembre 1839 et du 3 février 1843. Sa superficie et celle de son presbytère atteignaient près de 500 m2. Il était classé parmi les Monuments Nationaux entretenus par l'Etat.

Sautter rencontra des difficultés de recrutement pour les desservants d'Algérie. Il fit connaitre ses besoins par des placards dans le journal " l'Espérance ". Ce lui du 11 avril 1844 était le suivant :

" Il doit être pourvu à 2 places de pasteurs pour les oratoires d'Oran et de Philippeville. La 1° est vacante par la rentrée en France du pasteur Hoffmann et la 2° par création du poste par ordonnance royale du 10 février dernier. Les émoluments sont de 2000 F et l'indemnité de logement de celui d'Oran de 600 F. Celle du pasteur de Philippeville n'est pas encore décidée et sera probablement de la même somme. Peut être auront-ils quelques hectares de terre comme à Dely Ibrahim.
" Les fonctions du ministère ne sont ni très multiples ni très pénibles. Les protestants sont renfermés dans ces 2 villes, mais des villages sont projetés et appelleront plus tard des efforts plus soutenus et des visites fréquentes dans les campagnes. Le séjour d'Oran est agréable et le climat très sain. La ville ne renferme que quelques milliers d'habitants mais peut offrir au pasteur les avantages d'une cité considérable. Philippeville est de création européenne. Le climat moins sain que celui d'Oran, est quand même point mauvais. On n'aura bientôt plus à redouter les fièvres qui dans les 2 premières années ont fait des ravages.
" Les candidats doivent être jeunes, mariés depuis peu ou sans famille nombreuse, aptes à l'enseignement et connaissant l'allemand, les Alsaciens et Wurtembourgeois étant en assez grand nombre dans ces 2 églises. Mais le consistoire n'en fait pas une condition. Toutes les lettres de présentation doivent être affranchies et adressées au pasteur Sautter, président du consistoire. (3)

Par décret du 4 juillet 1856, le (temple ? ndlr) et son presbytère furent concédés gratuitement et en toute propriété à la commune d'Alger qui en pris possession le 4 janvier 1850. Sur le même décret l'Etat transférait à la commune de Douéra la propriété du temple de la localité, bâti également par les autorités administratives. Le temple d'Alger fut construit sur le modèle du temple de Marseille.

Le 25 décembre 1845, on célébra la cérémonie de la dédicace du temple d'Alger. L'assistance nota qu'il n'y avait pas encore de bancs, ni de table de communion, ni de chaire, vue la nécessité pressante de rendre à leur propriétaire les locaux précédents. La cérémonie soigneusement réglée comporta 2 services, l'un en français à midi, l'autre en allemand à 15h00.

À cette même époque, fut ouverte une école destinée aux enfants des familles ne parlant que l'allemand. Le ministre de l'Instruction Publique rendait ainsi hommage à l'entreprise patriotique des protestants qui, en enseignant le français aux étrangers, contribuaient puissamment à leur assimilation à la nation française. Le 2 décembre 1847 le traitement des pasteurs fut porté à 2000 F par an.

L'église d'Alger continua alors son développement normal d'église nationale. Les hommes qui s'y succédèrent se consacrèrent à cette tâche. Après les premiers desservants Roussel, Hoffmann et Sautter se succédèrent les pasteurs Monod et Dürr. Ce dernier fut considéré comme un apôtre algérien, à la fois missionnaire, pasteur, prédicateur et colporteur.
Il organisa les églises à Philippeville, Constantine, Bougie, Cherchell, Blidah, et Douéra. Il visita le pays jusqu'aux confins du désert à une époque où aucune infrastructure de communication n'existait. Il n'y avait ni chemin de fer, ni routes, ni la plupart du temps de chemins bien tracés. Il recensait dans le bled et les montagnes, les protestants isolés et dispersés, visitait les camps de soldats et annonçait l'Evangile aux musulmans qui l'accueillaient.

Le décret loi du 26 mars et l'arrété ministériel du 10 septembre 1852 fondèrent les paroisses et les conseils de presbytère dans les églises françaises. Mais ces textes n'étaient pas applicables en Algérie. Comme l'article 2 du décret attribuait la nomination des pasteurs luthériens au directoire de Strasbourg, celui voulut user de ce droit en Algérie. (2)
Le consistoire s'y opposa fermement et voulut maintenir l'ancien mode de nomination par son autorité, sur proposition du directoire. De là un conflit d'attributions qui culmina en 1858. Le directoire s'en tenait aux principes et le consistoire ne voulait que la conservation de la situation de fait. Le conflit n'avait d'autre issue que la modification de la législation.
Or depuis 1855, le ministre de la Guerre et celui des Cultes semblaient disposés à une organisation nouvelle pour satisfaire aux besoins exprimés. Un projet d'organisation fut soumis au consistoire, au conseil d'administration du Gouverneur Général et au directoire de Strasbourg. On nomma une commission ministérielle à Paris, composée d'hommes éminents des 2 confessions.

Le texte qui résulta de leurs travaux constitué celui du décret impérial du 14 septembre 1859 qui maintint l'union administrative des 2 confessions, avec un consistoire unique à Alger, représentant toutes les paroisses disséminées dans le pays. Les paroisses étaient instituées ainsi que leur administration locale par les conseils presbytéraux. En voici les dispositions :

" Art 1) Les églises protestantes d'Algérie sont administrées par des conseils presbytéraux sous l'autorit de 3 consistoires provinciaux.
" Art 2) Il y a une paroisse partout où l'Etat rétribue un ou plusieurs pasteurs. Lorsque que l'Etat rétribue 2 pasteurs dans une paroisse composée en nombre important de membres de l'église d'Augsbourg, il y a un pasteur pour chacune des 2 confessions.
" Art 3) Les protestants habitants des localités où le gouvernement n'a pas encore établi de pasteurs, sont administrativement rattachés à la paroisse la plus voisine.
" Art 4) Chaque paroisse a un conseil presbytéral composé de 4 laïcs au mois et de 8 au plus choisis en nombre égal si possible entre les 2 confessions.
" Art 5) Les conseils presbytéraux sont élus par les protestants de plus de 25 ans, établis en Algérie depuis 2 ans ou appelés à y résider pour le service public.
" Art 6) Pour être inscrit au registre électoral, il faut contribuer aux charges de la paroisse et établir par les certificats d'usage qu'on a été admis depuis 2 ans au moins dans une église protestante. Cette disposition applique à l'Algérie la règle adoptée en France par les 2 confessions d'après l'avis du consistoire central et du directoire. Pour la manière de contribuer au culte, c'est aux conseils qu'il appartient de la déterminer avec approbation du consistoire.
" Art 7) Le registre paroissial est tenu en double sous le contrôle du conseil presbytéral et du consistoire. Les inscriptions sont reçues sur un exemplaire déposé chez le président du dit conseil. L'autre exemplaire reste aux archives du conseil. " Les 2 communions réformée et luthérienne ont chacune des paroisses spéciales mais les conseils presbytéraux et les consistoires sont mixtes et préposés aux intérêts des 2 églises.
" Art 8) Le registre paroissial est révisé tous les ans. La liste des nouvelles inscriptions et radiations arrêtées annuellement par par le conseil est affichée dans le temple au moins 10 jours avant l'ouverture des opérations électorales. Pendant ce déai, les réclamations concernant les inscriptions et radiations peuvent être adressées au conseil.
" Art 9) Nulle réclamation afférente n'est prise en considération si elle n'est pas écrite et signée du réclamant. En cas d'indignité notoire ou d'incapacité résultant de condamnations judiciaires, la radiation est prononcée sans discussion et à l'unanimité des voix " Art 10) le conseil est présidé par le pasteur ou le plus ancien d'entre eux. Dans les paroisses où il y a des pasteurs des 2 communions, la présidence est exercée alternativement par année par le pasteur ou le plus âgé des pasteurs de chaque communion.
" Art 11) Les conseils se réunissent sur convocation du président, une fois tous les 3 mois, en séance ordinaire. Ils sont convoqués extraordinairement selon les besoins et sur la demande motivée de 2 membres.
" Art 12) Le conseil maintient l'ordre et la discipline dans la paroisse. Il veille à l'entretien du temple, du presbytère et de l'école. Il administre les biens de l'église et surveille l'exécution des fondations pieuses et des legs. Il nomme les employés de l'église. Il recueille les aumônes et en règle les emplois. Il accepte avec approbation du ministère les dons et legs faits à son église.
" Art 13) Le conseil soumet au consistoire les actes d'administration et les demandes qui par leur nature, exigent l'approbation ou la décision de l'autorité supérieure. Sont également soumises au consistoire, toutes difficultés entre pasteurs et conseils presbytéraux.
" Art 14) Chacun des 3 consistoires de l'Algérie est composé des pasteurs de la province et représentants laïcs choisis parmi des électeurs du ressort consistorial âgés de 30 ans. Chaque conseil nomme à cet effet des représentants en nombre double de ses pasteurs et pris par moitié dans les 2 cultes.
" Art 15) Les membres laïcs des consistoires et des conseils sont renouvelés tous les 3 ans par moitié. Les sortants sont rééligibles. Lorsque dans l'intervalle une vacance se produit, le consistoire décide s'il y a lieu de procéder à une lection partielle. L'élection ne peut être différée que si le conseil ou le consistoire a perdu le 1/3 de ses membres.
" Art 16) Le consistoire est présidé alternativement par l'un des pasteurs élu d'année en année parmi les pasteurs des 2 communions. Le secrétaire est élu parmi les membres laïcs qui appartiennent à une autre confession que celle du président. Des exceptions à la règle peuvent être accordées parle ministre des Cultes sur demande expresse du directoire.
" Art 17) Le consistoire soumet à l'approbation du ministre des Cultes les procès verbaux des élections en y joignant son avis sur la validité des opérations.
" Art 18) Les consistoires veillent à la célébration régulière du culte, au maintien de la liturgie et de la discipline, à l'expédition des affaires des paroisses, à l'observation de la loi sur les conseils presbytéraux. Ils surveillent l'administration des bien des paroisses, administre les biens du consistoire et les établissements de bienfaisance de leur ressort, acceptent avec l'approbation de l'autorité supérieure les dons et legs faits au consistoire ou aux églises de son ressort. Ils arrêtent les budgets, vérifient et approuvent les comptes presbytéraux.
" Art 19) Les pasteurs de l'église réformée sont nommés sous approbation du ministre, par le consistoire de la circonscription de la paroisse à pourvoir. Les pasteurs luthériens sont nommés par le directoire de cette église avec approbation du ministre après que le consistoire algérien ait été entendu par le ministre.
" Art 20) Les consistoires de province statuent sur la suspension des pasteurs, sauf approbation du ministre. Ils statuent sur la destitution des pasteurs sauf approbation du gouvernement. S'il s'agit d'un pasteur luthérien, le destitution n'est soumise à l'Empereur qu'après que le directoire ait été entendu par le ministre.
" Art 21 Le consistoire règle les tournées des pasteurs et déterminent les indemnités et gratifications auxquels ils peuvent avoir droit.
" Art 22 Les articles organiques de la loi du 18 germinal an X et les autres lois et règlements concernant les cultes en Algérie sont applicables aux églises d'Algérie dans tout ce qui n'est pas contraire aux présentes dispositions. Il est entendu que les pasteurs nommés par le directoire conservent avec elle des relations nécessaires qui ne sauraient diminuer l'autorité de leurs conseils presbytéraux et le leurs consistoires respectifs.

En 1860, le 2° poste de pasteur réformé d'Oran, qui avait été bien mal inauguré par le desservant Curie (voir affaire du pasteur André), devint vacant par suite du départ de son titulaire le pasteur Paira. Le directoire en fut informé et demanda à y pourvoir conformément à la législation. Le poste fut attribué à M Krieger, pasteur luthérien par arrêté du 13 mars confirmé par le decret ministériel du 2 mai suivant.(1)

Le pasteur adjoint d'Alger, M Dürr devenait pasteur titulaire par application du décret de 159. Le directoire et le consistoire furent consultés pour savoir si l'article 23 du dit décret suffisait pour conférer à M Dürr la qualité de pasteur titulaire de la confession luthérienne. On estima qu'une nouvelle nomination était devenue indispensable. Ce qui eut lieu au terme d' un arrété du 3 juillet 1860 sanctionné par décret impérial du 21 novembre.

Le pasteur réformé et le pasteur luthérien d'Alger furent ainsi mis sur un pied d'égalité. On créa aussi un poste de pasteur adjoint réformé reconnu par l'Etat comme 2° poste de titulaire réformé. On y nomma M Mouline en 1861. Alger eut donc alors 3 pasteurs dont un luthérien et devint paroisse protestante unie.
Il en fut de même à Oran en 1860 et à Constantine en 1864. Cette désignation officielle d'unie fut employée par le pasteur Corne, président du directoire dans ses instructions et lettres au pasteur Dürr et au directoire des 11 et 14 février 1861.

En 1862 furent crées les paroisses de Tlemcen (réformé) et de Cherchell (luthérien). En 1864 on institua un poste de pasteur luthérien à Constantine avec traitement égal à celui du pasteur réformé. Enfin en 1868, le consistoire d'Alger déclara que ses membres préféraient à tous le nom de " chrétiens protestants ".
Mais des problèmes sur le plan dogmatique apparurent plus tard, en 1872. Certains protestants, réformés évangéliques, étaient pour l'acceptation littérale de la Bible alors que les autres, fidèles à l'église protestante de France se référaient à une simple interprétation du livre saint.

Quant aux luthériens, ils choisirent de rester hors du conflit. Lors de la séparation de l'église de l'Etat, les églises luthériennes et réformées elles-mêmes divisées en 2 tendances, jusqu'alors unies en 3 consistoires mixtes se scindèrent en 2 églises indépendantes. Les 6 églises luthériennes formèrent alors un consistoire d'Algérie rattaché au Synode de Paris. L'église réformée évanglique forma bientôt une 3° église avec ses 11 associations culturelles qui constituèrent la Xe circonscription synodale. Quant à l'église réformée en Algérie, la plus importante des trois, elle constitua à partir de 1938 la XVIe circonscription de l'église réformée de France. (1)

La plupart des protestants venaient des régions françaises du Gard, du Queyras, de la Drôme, du pays de Montbéliard et des Charentes. Mais la communauté s'enrichit aussi d'étrangers : des anglais, des hollandais, des américains, des suédois et des norvégiens. On vit, par exemple des Prussiens en route pour le Brésil, et arrêtés à Dunkerque, et qui furent dirigés vers la région d'Oran où ils s'installèrent dans les villages de Sainte Léonie et Bled Touaria.
En 1849, des gens de Bade et du Palatinat rhénan, fuyant les mêmes prussiens aboutirent dans la région de Bône. La ville de Koléa reçut des Valaisans et Sétif des gens de Genève. Enfin en 1871, on vit débarquer en Algérie de nombreux alsaciens lorrains à qui l'Etat avait réservé près de 100 000 hectares de terres agricoles, essentiellement en Kabylie. (1)

Les missions d'évangélisation en Algérie (1)

Dès la prise d'Alger, le gouvernement français avait autorisé relativement facilement l'implantation des églises mais il interdit les missions et leur prosélytisme. Cette interdiction fut exprimée officiellement en octobre 1834 sur ordre du ministère de la Guerre. Pourtant en avril 1831, une société missionnaire anglaise, la Church Mission to the Jews envoya le premier missionnaire évangélique en Algérie.
Le révérend Nicolayson, représentant cette société en Syrie puis en Palestine avait été chargé d'une enquête sur les côtes barbaresques. Il arriva à Alger le 1er avril 1831 et il y resta jusqu'au 21 mai, visitant les familles juives et leur offrant des Bibles, des Nouveaux Testaments et des traités. Les familles juives étaient 4000 dans la ville.
Les juifs étaient de l'émancipation que venait de leur apporter la conquète française, par rapport à leur ancien statut de misérables sous les Turcs. Elles se montrèrent en général bien disposée aux prédications du révérend qui estima que le temps était venu de faire un effort pour les aider.
Sa mission répondit favorablement à cet appel, et dès l'année suivante elle envoya un autre missionnaire à Alger. Le 17 septembre 1832, Ferdinand Christian Ewald ouvrait dans la capitale de la colonie la première mission évangélique qui s'adressait plus particulièrement à la nation juive.

Il fut reçu fraîchement à Alger. Dès son arrivée l'officier des Douanes à qui son chargement de bibles avait été soumis, lui déclara qu'il avait choisi le plus mauvais endroit du monde pour travailler et " qu'il n'y avait rien à faire à Alger ". Le travail de terrain fut pénible ardu. Quelquefois le découragement perçait dans les lettres d'Ewald, qui offrait des bibles hébraïques aux juifs qui se montraient désireux de posséder le texte sacré

Mais le missionnaire ne négligea pas la population protestante européenne de la colonie. Il y avait à Alger près de 4000 protestants sans église, sans pasteur et sans école. Beaucoup d'entre eux étaient allemands, et ils désiraient ardemment l'établissement d'un culte. Ewald loua alors pour eux, une maison dont il convertit la cour en chapelle. Il se proposa d'y prêcher, tous les dimanches en allemand et en français. Il voulut aussi ouvrir une école et il la il dirigea lui-même jusqu'à l'arrivée d'un instituteur. Son œuvre progressait mais les problèmes apparurent bientôt. Le Gouverneur Général, duc de Rovigo, lui interdit purement et simplement de prêcher et Ewald dut partir pour Tunis

Si ce fut une société anglaise qui envoya le 1er missionnaire évangélique en Algérie, le protestantisme français s'était aussi préoccupé très tôt de fonder une mission dans la nouvelle colonie. Le 4 août 1830, 2 mois à peine après la prise d'Alger, le comité de la jeune Société des Missions Evangéliques de Paris désignait M Arbousset et Casalis ou comme ses deux premiers missionnaires protestants français en Algérie.

Ils avaient même appris l'arabe en vue de leur future mission. Mais les dispositions gouvernementales firent abandonner le projet. Alors la Société des Missions ne renonça pas à prendre sa part de travail, et 20 ans plus tard, en 1852, ce fut l'un de ses agents au Lesoto, le pasteur Jean Auguste Pfrimmer qui fut chargé d'un voyage d' tudes pour établir éventuellement en Algérie une base de missions. Mais ses conclusions furent négatives. Il avait été missionnaire en Afrique du sud de 1840 à 1845, et en comparant les possibilités d'implantation dans les deux pays, il ne pouvait qu'émettre une opinion défavorable quant à l'Algérie.

On pourrait citer aussi les efforts infructueux des missionnaires britanniques qui tentèrent de convertir des musulmans. Le pasteur anglican, John Furniss Ogle, un pasteur fonda une mission près d' Oran, en 1858, en liaison avec la Société d'Evangélisation espagnole d'Edimbourg. Il choisit de devenir colon avec une propriété de 50 hectares afin d'avoir une plus grande liberté financière dans son travail parmi les espagnols et les arabes.
Malheureusement il mourut et en mer en 1865. En 1861, ce fut John Muchleisen Arnold qui fonda une société anglicane d'évang lisation des musulmans qui devait s'installer dans l'ouest algérien. Il prit contact avec le pasteur Ogle mais la mort de ce dernier fit échouer le projet. Arnold partit donc d'Algérie en 1865 pour la Syrie.

En 1862, John Bagdon, l'aumônier de Gibraltar, membre de la Moslem Mission Society, fit le rencontre d'un jeune algérien du nom de Moustapha Moussa ben Yousouf, converti et baptisé en 1865. Il se proposait de créer une mission dans les faubourgs d'Alger pour Youssouf, pendant que lui s'installerait au Maroc. Cette association ne dura pas plus de quelques mois en raison de la distance géographique qui séparait les 2 hommes. (1)
jeanpaulmarchand.pagesperso-orange.fr/.../209-les-d-buts-du-protestantisme-alg-rien.pdf

Sources
NOUVEL la présence protestante en Algérie (1)
CHENOT notice historique sur la paroisse d'Alger (2)
MONOD Instruction pastorale aux protestants d'Algérie (3)

Retour au menu "composantes"



Mis en ligne le 30 mai 2011
Entrée  Introduction  -   Périodes-raisons  -   Qui étaient-ils?  -   Les composantes  - Les conditions  - L'attente  -   Le départ  -  L'accueil  -  Et après ? - Les accords d'Evian - L'indemnisation - Girouettes  -  Motif ?  -  En savoir plus  -  Lu dans la presse  -