Les Juifs, au rapport de M. Schaller (consul des U.S.A. sous le dernier dey, ndlr), étaient, en 1826, d’environ
cinq mille. Ils jouissaient du libre exercice de leur religion.
On ne pouvait pas les réduire à l’esclavage. Ils payaient une taxe
par tête et un double impôt sur toutes les marchandises qu’ils importaient.
On trouvait parmi eux beaucoup d’ouvriers pour les bijoux d’or
et d’argent, et seuls ils étaient employés par le gouvernement à la fabrication
des monnaies.
Les mercredis et les samedis seulement, ils pouvaient sortir de
la ville, sans en demander la permission. Mais s’il y avait des travaux
pénibles et inattendus à exécuter, c’est sur les Juifs qu’ils retombaient.
Plusieurs fois, quand les janissaires se sont révoltés, les Juifs ont
été pillés indistinctement, et ils étaient toujours tourmentés par la crainte
de voir se renouveler de pareilles scènes. Malgré le malheur d’une condition aussi décourageante, les juifs,
qui, par leurs rapports avec les pays étrangers, étaient les seuls Algériens
qui eussent une connaissance exacte des affaires du dehors, se mêlaient
à toutes sortes d’intrigues qui compromettaient leur existence et,
plus d’une fois, causaient leur mort. La place de chef de Juifs s’obtenait par l’argent et l’intrigue, et se conservait de même.
D’une source aussi impure découlaient naturellement l’oppression
et la tyrannie. Dans les beaux jours de la régence, quelques maisons
juives étaient parvenues, par le commerce, à une grande opulence ;
mais, dans ces derniers temps, une oppression toujours active et toujours
continue avait détruit entièrement la fortune de plusieurs d’entre
eux. Quelques-uns trouvèrent le moyen de passer dans d’autres pays,
tandis que les Maures, qui ont une grande aptitude pour le commerce,
supplantaient chaque jour ceux qui ne s’étaient pas exilés. « Le nombre
et la richesse des Juifs vont toujours s’affaiblissant, dit M. Schaller, et
je crois qu’aujourd’hui les Juifs d'Alger sont peut-être les plus malheureux du peuple d'Israël, leur vie n'était qu'un mélange affreux de bassesse et d'outrages".» (c’était en 1826 qu’il s’exprimait ainsi). Seulement, on doit se rappeler ce que nous avons dit à l'instant même, les Juifs d'Alger sont une belle race d'hommes : ils sont forts ; mais l'état d'abjection où ils naissent, et qui les suit dans toute leur vie, a marqué leurs traits de son empreinte. Plusieurs Juifs, vieux et infirmes, sentant approcher le terme qui doit les rendre étrangers à toutes les choses de ce monde, meurent, pour ainsi dire, d'une mort civile, livrant à leurs héritiers tous leurs biens terrestres, et se réservant à peine les moyens de soutenir à Jérusalem les derniers instants de leur faible existence. Livre numérisé en mode texte par : Alain Spenatto. 1, rue du Puy Griou. 15000 AURILLAC.
D'autres livres peuvent être consultés ou téléchargés sur le site : http://www.algerie-ancienne.com
Des Juifs d’Alger
La troisième classe des habitants d’Alger, sont les Juifs dont il y a trois castes. Les uns viennent d’Espagne, d’autres des îles Baléares, beaucoup enfin sont natifs de la terre d’Afrique.
Tous vivent — comme c’est leur usage partout — de quelque
genre de commerce ; la plupart ont des boutiques où ils
débitent de la mercerie ou toute autres menues marchandises.
Il en est cependant qui vendent les mêmes objets par les rues,
portant au bras des corbeilles ou des boites et crient : Qui veut
acheter ! D’autres sont tailleurs, bijoutiers en corail ou épiciers.
Beaucoup aussi achètent les objets pillés par les corsaires et les
revendent avec grand bénéfi ce aux marchands chrétiens. Il y en
a qui voyagent avec des marchandises, et se rendent à Tunis,
Djerba, Tripoli, Bône, Constantine, Oran, Tlemcen, Tétouan,
Fez, et vont même jusqu’à Constantinople.
La plupart des orfèvres d’Alger sont juifs ; il y a aussi
quelques renégats mais pas un seul Maure. Quelques maîtres enseignent aux enfants à lire l’hébreu,
et à écrire l’arabe en caractères hébraïques ; mais aucun d’eux
n’est instruit et tous sont grandement obstinés dans leurs cérémonies
et rêveries judaïques, ainsi que je l’ai constaté en discutant
souvent avec eux (1).
Les Juifs sont répartis en deux quartiers, contenant en tout
150 maisons. Dans chacun de ces quartiers il y a une synagogue
où ils s’assemblent les samedis et célèbrent leurs fêtes très scrupuleusement, en chantant à haute voix des psaumes hébraïques.
Beaucoup vont faire dans ces temples leurs prières tousles jours.
La congrégation toute entière paie au pacha un tribut annuel
de 1 500 doblas lesquels font 600 écus d’or (2). Ces gens sont tenus par les musulmans en un tel état d’abjection
qu’un enfant maure rencontrant un Juif, si considérable qu’il soit, lui fera ôter son bonnet, déchausser ses sandales, et
avec celles-ci, lui donnera mille souffl ets sur le visage, sans que le Juif ose se défendre ou remuer, n’ayant d’autre ressource
que de s’enfuir dès qu’il le peut. De même si un chrétien rencontre un Juif, il lui donnera mille gourmades, et si le Juif
va pour frapper le chrétien, et qu’il soit vu par quelque Turc ou Maure, ceux-ci prennent aussitôt parti pour le chrétien, fûtce
un vil esclave, et ils lui crient : Tue ce chien de juif ! Juste paiement et pénitence de leur grand péché et de leur obstination !...
Cette situation excite beaucoup de Juifs à se faire musulmans
même parmi les plus riches. Cependant il n’en est pas
un, quel que soit le nombre d’années écoulées depuis son apostasie,
à qui il entre dans la tête d’être un bon musulman et de croire à la loi de Mahomet ; ils sont toujours aussi juifs de cette
façon que de l’autre.
Le costume de tous les Juifs est identique. Ils ont des culottes
de toile, une chemise et un pourpoint long comme une
soutane et de couleur noire, et par-dessus ils revêtent un burnous
noir, et quelquefois blanc. Les Juifs d’origine espagnole
portent un bonnet rond de point de Tolède ; ceux de France
ou d’Italie coiffent une espèce de bonnet en forme de chausse
dont une extrémité leur tombe en arrière sur la nuque ; ceux
qui sont nés en Afrique portent une calotte rouge avec une
bande d’étoffe blanche enroulée autour, mais ils doivent pour
se faire reconnaître laisser pendre leurs cheveux sur le front ;
enfin ceux qui viennent de Constantinople sont coiffés comme
les Turcs mais leur turban est jaune ; ils chaussent aussi quelquefois
des bottes ou temmak noirs, car ils ne peuvent porter
leur chaussure d’une autre couleur ; en général, ils ne portent que des pantoufles.
Tous, même les plus riches d’entre eux, vivent comme des
misérables : ils ont beau se laver souvent, ils sentent toujours
le bouc, eux et leurs demeures. Ils ont des boucheries particulières,
attendu que par suite de leur superstition, et de leurs
coutumes judaïques, ils ne mangent pas de la chair d’un animal
tué par un Maure ou un chrétien, non plus de la même manière
que tout le monde la mange. Livre numérisé en mode texte par : Alain Spenatto. 1, rue du Puy Griou. 15000 AURILLAC.
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1. Cette assertion peut être fondée, mais Haëdo n’est jamais venu à Alger.
Les juifs sont en très grand nombre à Alger. Il y en a, selon Grammaye des descendants de ceux qui se réfugièrent après la destruction de Jérusalem par Vespasien, ou qui abandonnèrent la Judée pendant les persécutions qu'ils eurent à essuyer de la part des romains, des persans, des sarrasins & des chrétiens. Mais la plus grand nombre vient de ceux qui on été chassés de l'Europe, de l'Italie en 1342, des Pays-Bas en 1350, de France en 1403, de l'Angleterre en 1422, & de l'Espagne en 1462.
Chaque nation a ses tribus & ses synagogues. Il y a dans toutes les villes du royaume d'Alger des juifs d'Italie, qu'on appelle juifs francs, & particulièrement ceux de Livourne. Ils font le principal commerce de ce royaume, tant en marchandises que pour le rachat des esclaves, où ils font valoir leur industrie ou leur friponnerie, comme il sera dit en parlant du rachat des esclaves. Ceux-là sont libres & considérés comme marchands étrangers, sujets des princes des lieux d'où ils sont originaires, ou des villes où ils ont été domiciliés. Ils peuvent s'en aller quand ils veulent, pourvu qu'ils ne laissent aucune dette, de même que les autres étrangers turcs, maures & chrétiens. Ce sont les juifs de Livourne qui ordinairement, de société avec les principaux juifs de la ville d'Alger, prennent les fermes de l'huile, de la cire & autres semblables, où ils font des profits considérables. Les mahométans regardent les fermiers & les traitent, comme autrefois on regardait les publicains, & ne veulent point entrer dans ces sortes d'affaires.
LAUGIER DE TASSY, Commissaire de la Marine pour SA MAJESTÉ TRÈS CHRÉTIENNE, En Hollande. A AMSTERDAM,
Chez HENRI DU SAUZET- HISTOIRE DU ROYAUME D'ALGER p 88 à 91
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Tout en bas de l'échelle sociale il y a les Juifs. Arrivés au Maghreb avant les Arabes (586 après JC), ils parlent hébreu, langue abandonnée par les Juifs de Palestine qui ont eux, adopté l'Araméen. |
Mis en ligne le 14 juillet 2012