La colonisation maritime française en Algérie
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L'Algérie conquise et son littoral de près de 13000 kilomètres, pouvait paraître offrir un nouveau champ d'activité aux pêcheurs français et, de fait, les tentatives ne manquèrent pas de doubler la colonisation agricole d'une colonisation maritime. Dès 1843, le maréchal Soult, ministre de la Guerre et responsable de l'Algérie, envisagea d'y installer des colons maritimes.
Il évoquait bien une motivation économique mais en fait son principal mobile était d'ordre stratégique : fortifier la côte pendant que la colonisation progressait vers l'intérieur, afin qu'elle s'appuie sur un littoral bien peuplé. Un autre enjeu se situait à plus long terme : créer une " pépinière " de marins pour le recrutement des équipages de commerce et surtout de la flotte de guerre, ce qui impliquait l'obligation d'installer des Français.
Les autorités, au début, ne leur étaient pas défavorables, mais pour leurs grands projets elles tournèrent plutôt leurs regards vers les populations du nord, en faveur desquelles existait un authentique préjugé favorable : il fut question d'Irlandais, Bugeaud s'enflamma même pour les Suédois ; finalement on fit venir des Bretons, peuple " voué à la mer depuis des siècles ", considérés comme les meilleurs pêcheurs de France.
La complexité de la colonisation maritime ne fut pas comprise, avec ses impératifs techniques et commerciaux, et sa dépendance à l'égard des voies de communication et de la proximité des grands centres de consommation, surtout à la saison chaude !
Pendant plusieurs années il ne fut plus question d'installer des pêcheurs de la métropole, seul l'amiral Gueydon fit deux tentatives, infructueuses, en 1871 à Sidi Ferruch et à Herbillon, perdu au bout de sa presqu'île, à une époque où il fallait par exemple plus de onze heures pour relier la Calle à Bône. Cependant le flux des pêcheurs italiens et espagnols se renforçait sans cesse, et en ce dernier quart du XIXe siècle, période d'orgueil national exacerbé, cette sur-représentation étrangère dans le domaine de la pêche, apparut comme insupportable.
Aussi l'administration applaudit-elle à l'initiative d'un commissaire à l'inscription maritime de Philippeville, qui entreprit de lui-même d'installer des bretons dans son syndicat.
Le rapatriement fut le lot de la plupart. Une autre tentative faite également à Philippeville avec des pêcheurs catalans connut la même défaveur. Sans se laisser décourager, le gouverneur Cambon, en invoquant les mêmes arguments que Soult cinquante ans auparavant, fit procéder de 1892 à 1896, à de nouveaux essais de colonisation maritime en fondant trois nouveaux centres non loin d'Alger, dans la région du cap Matifou : Jean Bart, Surcouf et Lapérouse.
En vain, malgré aides et secours, certains prétendirent même à cause d'eux, les inévitables déceptions et difficultés provoquèrent le repli sur la métropole de la plupart des pêcheurs.
On reparla encore de la venue de Bretons au début du siècle, alors que l'Algérie connaissait une vive agitation politique à laquelle participaient activement les émigrés " latins " ; le ministre de la Marine exprima même sa méfiance, en cas de conflit, à l'égard des marins naturalisés. |