Une nationalité monnayée

En plus du prix du sang versé, certains Français ont du payer leur droit de citoyenneté !!

Le 17 mai 1963, la Justice de Paix d'Arles m'adressait, par voie légale, le commandement ci-dessous :

" Monsieur le Bachaga,
J'ai l'avantage de vous adresser la liste des déclarations de nationalité que j'ai établie pour vous et les vôtres ainsi que vous me l'avez demandé.
Vous pourrez constater qu'il a été établi 102 déclarations.
En conséquence, il m'est du, a raison de 10 F par déclaration, la somme de 1.020 F.
Bien entendu, je ne compte rigoureusement rien pour les frais de déplacements que je n'ai effectués que par sympathie pour vous-même. -
J'estime qu'a l'égard des Français ayant souffert pour la France, je me devais, en toute modestie, de faire ce geste de compréhension.
Je vous prie de croire, monsieur le Bachaga, a mon entier dévouement et a ma respectueuse sympathie.
" Le Greffier

Ainsi, le 25 mai 1963, j'achetais, pour mes hommes et moi-même, en acquittant la somme de 1.020 francs lourds, le droit de devenir des citoyens français a part entière, nous qui pensions, par notre loyalisme et nos sacrifices, avoir mérité, gagné, le titre de Français a part entière.

Mon fils Ali, lui, mettait en demeure le Tribunal d'Instances d'Arles, de lui reconnaitre la qualité de Français, qualité qui m'était refusée, a moi, son père, capitaine de l'armée française, ancien député et vice-président de l'Assemblée nationale française.
Et le 28 septembre 1963, jour anniversaire de ce référendum qui, de Dunkerque à Tamanrasset, consacrait l'Algérie française, le Tribunal d'Instances d'Arles rendait le jugement suivant :

N ° 52 DU REGISTRE D'ORDRE CERTIFICAT DE NATIONALITE FRANCAISE
Nous, Juge au Tribunal d'Instance d'Ar1es-sur Rhône, section Ouest, certifions sur le vu des pièces suivantes :
- Acte de naissance de l'intéressé
- Acte de naissance du père de l'intéressé
Que Monsieur BOUALAM Ali, demeurant à Mas-Thibert (B.-du-R.), né le 14 mai 1937 à TENES (Algérie), fils de Boualam Said et de Bouchenafer Aouda ;
EST FRANCAIS en vertu de l'article 17-1° du Code de la Nationalité Française comme enfant légitime né d'un père français. En effet, Monsieur BOUALAM SAID, son père, est français en vertu de l'article 1er-1° de la loi du 10 août 1927, comme né d'un père français.
Ce dernier, Monsieur BOUALAM AISSA, né à Taourira (Algerie), en 1873, était français par décret d'admission aux droits de citoyen français en date du 15 mai portant le n° 3.824 -1, 46.
En conséquence, l'intéressé, relevant du statut de droit commun (1), a conservé la nationalité française, sans être astreint à aucune formalité (art. 1er de l'ordonnance du 21 juillet 1962).(2)
En foi de quoi nous avons délivré le présent certificat de Nationalité Française pour servir et valoir ce que de droit.
Fait à Arles-Ouest, en notre Cabinet
L'an mil neuf cent soixante-trois et le vingt-huit février.
Le JUGE D'INSTANCE.

De quoi vous plaigniez-vous ? Vous vouliez être Francais ? De par le Juge d'Instance vous l'êtes.
Je déplore qu'on ait mendié 10 F à mes frères musulmans pour opter pour un pays qu'ils ont servi jusqu'au sacrifice, à qui j'ai fait aimer la France, se battre pour elle…
Bachaga Boualam : " l'Algérie sans la France " (extrait) - Editions France Empire

(1) Le régime du statut personnel est celui dans lequel, le droit applicables aux personnes est fonction non pas de leur citoyenneté, mais de leur groupe d'appartenance ethnique, religieux etc, le domaine des droits régis selon ce critère est bien entendu réduit à des questions non générales au pays, mais plus ou moins internes à la "communauté" d'appartenance, essentiellement le droit familial (polygamie, droit de succession, statut de la femme etc...).
Pour devenir Français de statut civil de droit commun, il fallait renoncer à ce régime du statut personnel et abandonner ainsi la loi religieuse pour se soumettre au Code civil.
La constitution de 1946 accorde la citoyenneté à tous les " ressortissants de l'Union française ".
Mais son article 82 leur permet de garder leur statut personnel tant qu'ils ne demandent pas à être soumis au droit commun français. La constitution de 1958 reprend ces dispositions dans son article 75 :
" Les citoyens de la République qui n'ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l'article 34, conservent leur statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé. "
(2) Art. 1. - Les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne.

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Mis en ligne le 31 juillet 2011

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