Précisions de M.Tricot sur les accords d'Evian et les droits Et garanties des Européens

Quelques jours avant la signature des accords d'Evian, le 9 février 1962, M.Boulin, Secrétaire d'Etat aux rapatriés, avait exposé au cours d'une conférence de presse en quoi consistait la charte du rapatrié.
Fin mai 1962, quelques semaines après ces accords, M. Bernard Tricot (1), Délégué général du Haut-Commissariat, précisait les droits et garanties des européens d'Algérie.

Dans sa déclaration, M.Bernard Tricot a commenté les droits et les garanties donnés aux Européens par les accords ; " Il faut distinguer les français dit de 'passage' et les français enracinés.
M. Bernard tricot dans la déclaration qu'il a faite aux journalistes a mis l'accent sur tout ce qui devait encourager les Européens à revenir, sinon à rester dans ce pays neuf.
Le délégué général du Haut-Commissariat a souligné les droits et les garanties des européens, définis par les accords d'Evian, ainsi que le contexte dans lequel ils vont entrer en application.
M. Tricot a d'abord précisé la valeur juridique des accords d'Evian en soulignant qu'il ne s'agissait pas seulement de déclarations de principes et ceci pour trois raisons :

1. - Lorsque le peuple algérien se sera prononcé, les accords entreront immédiatement en vigueur. Ils constitueront des règles de droit qui s'imposeront à l'Etat algérien, comme à l'Etat français.
2. - D'autre part, les représentants du FLN ont signé ces accords et se sont engagés.
3. - Enfin le contenu de ces accords est conforme à la nature des choses et correspond à l'évolution des relations de la France et de l'Algérie.
La valeur des accords a poursuivi M. Tricot, a d'autres sources que juridiques " les rapports franco-algériens sont unifiés, rendus organiques par les formules de coopération qui se sont dégagées à Evian. "

Pas de rupture à craindre

" Ainsi, la date du 1er juillet n'ouvre pas, comme certains Européens le craignent, un gouffre, une rupture. Il y a à cela deux raisons :
1. - D'abord parce que durant ces derniers mois, des responsabilités ont été confiées à des personnalités algériennes notamment musulmanes. Par exemple, préfets et sous-préfets sont en majorité musulmans.
2. - La France conservera en Algérie des structures qui sont importantes :
A) Armée. - Ses effectifs doivent être ramenés à 80.000 homes dans les douze mois. C'est-à-dire que, durant ce délai, resteront des effectifs supérieurs à ceux qui étaient stationnés en Algérie avant le 1er novembre 1954. A l'issue de trois années, il n'y aura plus d'armée, sauf à Mers-el-Kébir et sur certains aérodromes, notamment au Sahara.
B) Administration. - Demeureront aussi en Algérie divers offices et d'institutions français : Offices d'anciens combattants, office universitaire , office financier, représentation consulaire très compacte, une chaîne d'établissement d'enseignement.
"

La coopération

" Il y a encore d'autres raisons qui comptent plus que ces arguments " a poursuivi M.Tricot :

1.) Influence du passé. " Admettre que 130 ans de présence française puissent se trouver annulés en une nuit, représente une vue pessimiste des choses. L'Algérie se trouve liée au monde occidental ; je ne veux pas dire par là, à un système d'alliance particulier. "
2.) La langue française. " Je crois que cela doit demeurer. Aujourd'hui, il n'y a jamais eu autant d'hommes, de femmes, d'enfants, qui parlent français. La scolarisation a provoqué un développement massif du français Les accords d'Evian ont prévu l'usage conjoint de l'arabe et du français, notamment en justice. D'ailleurs, un pays qui a accédé au monde moderne par une langue, subirait un recul s'il s'en passait, ou, pire, s'il en changeait.
Je peux citer encore d'autres facteurs : le Plan de Constantine, qui a créé des besoins et des lieux nouveaux, le phénomène psychologique que constitue le mûrissement des musulmans, dans la masse et dans l'élite, mûrissement que l'on peut attribuer à l'effort de comprendre qu'ils ont fait durant les sept dernières années.
Je l'ai constaté, a dit M.Tricot, durant les négociations, quand nos interlocuteurs passaient de notions abstraites à quelque chose de plus élaboré et plus concret.
C'est dans ce cadre et ce contexte que seront appliqués à la date prévue, les accords d'Evian.
".

Encore des mots, toujours des mots....


1/Bernard Tricot : Né le 17 juin 1920 à Aurillac (Cantal), il est nommé conseiller technique au secrétariat général de la présidence de la République en 1959. Homme de l'ombre, il participe aux négociations secrètes entre le général de Gaulle et le FLN, de 1959 à 1962. Il avait été l'un des plus proches collaborateurs du général de Gaulle jusqu'à son départ de l'Elysée, en 1969.

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Mis en ligne le 15 avril 2011

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