Les contrées situées à l'occident de l'Égypte n'étaient connues des hordes arabes qui venaient d'envahir la vallée du Nil, au commencement du septième siècle de notre ère, que sous la dénomination vague de Maghreb (couchant). Ce n'est que longtemps après la conquête de ce pays qu'on trouve, dans les géographes arabes, une division du Maghreb en trois parties : Maghreb-el-Aksa, le couchant extrême, qui s'étendait depuis l'Atlantique jusqu'à Tlemsen, et qui correspond à l'empire actuel du Maroc ; Maghreb-el-Ouassath (du milieu), comprenant le pays à l'est de Tlemsen jusqu'à Bougie et qui n'était pas aussi considérable que l'Algérie, telle que la France la possède ; enfin la province d'Afrique proprement dite (Afrikia), dont la frontière orientale touchait à l'Égypte.

L'histoire de ces diverses contrées, soit qu'elles obéissent à un même pouvoir, soit qu'elles s'administrent isolément, est tellement confondue pendant toute la période de la domination arabe, qu'on est obligé, pour arriver à démêler les origines particulières à l'Algérie, de suivre à la fois le développement des faits qui concernent la totalité du continent africain. Mais à mesure que les événements modifient la situation qui a été la conséquence immédiate de l'invasion musulmane, lorsque les races indigènes interviennent dans les destinées de leur pays, le cercle politique et géographique que notre récit doit embrasser se limitera, et nous arriverons à pouvoir consacrer toute notre attention à l'histoire spéciale de l'Algérie.

Les traditions les plus anciennes, ayant également cours parmi les tribus de l'Arabie, et parmi les peuplades nomades qui habitaient le nord de l'Afrique, et qui allaient subir l'invasion musulmane, rattachaient les Berbères Africains à la grande famille abrahamique. Lorsque David tua Djalout, le chef des Kananéens, qui occupaient la Palestine ; ceux-ci, disent les chroniques ; se dispersèrent et se dirigèrent vers le sud et vers l'ouest. Établis au milieu de peuples nouveaux, les uns dans la plaine, les autres dans les montagnes, ils adoptèrent en partie les mœurs des habitants; mais, comme toutes les nations issues des souches patriarcales, ils gardèrent fidèlement tes traces de leur état primitif, et quelques-uns de ces traits ineffaçables qui, après les plus longs intervalles, malgré les distances les plus grandes, font que deux peuples d'origine commune se reconnaissent en se rencontrant et se rapprochent.

D'autres traditions font descendre les Berbères des colonies hémiarites (ou Hymiarites, partie méridionale de l'Arabie, ndlr) qui, au nombre de cinq, émigrèrent d'Arabie, à une époque très reculée, sous la conduite d'un chef nommée Afrikis. Les tribus composant cette émigration étaient : les Senhadja, les Masmouda, les Zenata, les Ghoumra et les Haouara ; leur postérité, à travers les vicissitudes de l'histoire si troublée des dominations arabe et turque, après des alliances et des croisements infinis, s'est perpétuée jusqu'à nos jours, et on trouve encore en Algérie des tribus berbères portant les mêmes noms que les cinq tribus hémiarites qui pénétrèrent d'abord en Afrique.

Cette communauté d'origine entre les Arabes et les peuplades indigènes que les conquêtes successives des Carthaginois, des Romains et des Vandales avaient refoulées vers les déserts du sud et dans les chaînes de montagnes les plus difficiles, devait faciliter beaucoup la rapide invasion du Maghreb. A ce moment, sur tous les points occupés de l'Afrique septentrionale, la puissance gréco-romaine était dans une décadence complète. La domination vandale, qui n'avait pas duré un siècle, avait suffi pour faire presque entièrement disparaître la civilisation romaine. Sous Justinien, une réaction brillante avait un instant rendu l'avantage sur les hordes, mieux organisées pour la destruction que pour la fondation des empires ; l'Afrique fut arrachée aux Vandales par Bélisaire, qui releva les ruines des villes les plus importantes, détruites au moment de l'invasion.

Cependant le pouvoir des empereurs d'Orient ne fut jamais solidement établi en Afrique. Il n'existait presque plus de colonies romaines pour l'appuyer ; les tribus indigènes avaient repris leurs habitudes d'indépendance ; les Vandales s'étaient retirés dans les montagnes où, unis aux indigènes, ils bravaient les efforts des gouverneurs grecs de Carthage. Salomon, successeur de Bélisaire, avait bien remporté quelques avantages sur eux, mais il n'avait pu leur faire reconnaître l'autorité des empereurs d'Orient.

A ces agitations, à ces luttes incessantes avec les Berbères, qu'on ajoute les effets d'une administration rapace et avilie ; des populations écrasées d'impôts, livrées aux querelles ardentes d'hérésies sans nombre, soupirant après un changement, épuisées par des alternatives rapides de revers désastreux et de succès éphémères ; des campagnes dévastées par la guerre, ou ravagées par des nuées de sauterelles ; des villes, deux ou trois fois renversées et réédifiées pour la plupart, et toujours sous le coup des attaques des Berbères de l'intérieur. Telle était la situation des dépendances africaines de l'empire grec aux premières années du septième siècle. Les Arabes, poussés par cette force d'expansion qui entraîne hors de leurs foyers les peuples travaillés par des révolutions religieuses ou politiques, attirés par l'appât du butin à recueillir dans une contrée dont la richesse et la fécondité étaient célèbres, aidés par les affinités d'origine, de mœurs, et presque de croyances, qu'ils avaient avec la partie la plus adonnée aux hérésies et la plus turbulente de la population africaine, pouvaient-ils rencontrer en pénétrant dans le Maghreb une, résistance sérieuse(1) ?

(1) Voyez Univers pittoresque, ARABIE, pages 249 et suivantes.
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Mis en ligne le 13 juin 2012

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