Sur un ton passionné, il dénonce la véritable " tragédie humaine " qu'a constitué le départ forcé des populations françaises d'Algérie en 1962. Il estime que c'est " plus qu'un crime, une faute " commise par le Front de Libération Nationale, dont il est un des chefs fondateurs et dont il était encore membre à l'époque. Il ajoute que cette faute a pris un triple aspect " politique, économique et même culturel ". En effet, d'après lui les citoyens non-musulmans auraient dû garder toute leur place dans l'Algérie indépendante car " les cultures juive et chrétienne se trouvaient en Afrique du Nord bien avant les arabo-musulmans, eux aussi colonisateurs, aujourd'hui hégémonistes. "
Sur un plan plus économique, Aït Ahmed regrette qu'en forçant les Européens au départ, l'Algérie nouvellement indépendante se soit privée d'un formidable réservoir de main d'œuvre formée, productive et compétente : " Avec les Pieds-Noirs et leur dynamisme - je dis bien les Pieds-Noirs et non les Français - l'Algérie serait aujourd'hui une grande puissance africaine, méditerranéenne. " Il sous-entend donc que le choix de tourner radicalement le dos à l'Europe occidentale et d'ouvrir l'Algérie aux professeurs arabes, Egyptiens, Syriens et autres Palestiniens ainsi qu'aux ingénieurs soviétiques fut une erreur coûteuse qui a conduit l'Algérie sur la voie du sous-développement. Il oppose à cette stratégie arabiste et tiers-mondiste, décidée à l'époque par le FLN, une sorte de " troisième voie " qui aurait vu l'Algérie s'appuyer sur ses compétences internes, alors essentiellement détenues par les " Européens ", pour créer les conditions d'une croissance économique saine.
Allant encore plus loin dans la repentance, Hocine Aït Ahmed déclare " il y a eu envers les Pieds-Noirs des fautes inadmissibles, des crimes de guerre envers des civils innocents et dont l'Algérie devra répondre au même titre que la Turquie envers les Arméniens. " Ce faisant, il évoque la longue liste de massacres commis contre les civils Pieds-Noirs pendant la guerre d'Algérie, depuis ceux de Philippeville (Skikda) en 1955 à ceux d'Oran en 1962. Ces tueries, provoquées par le FLN, ont eu pour effet d'instaurer une coupure radicale entre ceux que l'on appelait alors les " Européens " et les " Musulmans ", provoquant finalement l'exode des Pieds-Noirs vers la France dès la proclamation de l'indépendance de l'Algérie. Ce qui est particulièrement étonnant et qu'on avait sans doute jamais entendu dans la bouche d'un homme politique algérien, c'est la comparaison entre le sort fait aux Pieds-Noirs en 1962 et celui fait par les Turcs aux Arméniens en 1915.
- Avant ? Vous voulez dire du temps de la colonisation ? Du temps de la France ? Mais c’était le paradis ! laisse-t-il échapper, en un cri douloureux. Des fleurs, des fruits, des légumes partout, des restaurants. C’était la Côte d’Azur !
Christine Clerc. Hocine Aït Ahmed - Né le 20 août 1926 à Aït Yahia dans l'actuelle daira de Ain El Hammam dans la wilaya de Tizi Ouzou en Algérie, est un homme politique algérien. |
Mis en ligne le 13 oct 2010 - Modifié le 05 mars 2013