En mars 1962, l'imprimerie spéciale de la SNEP publiait
une brochure de 24 pages sur mauvais papier titrée : L'Algérie de
demain et sous-titrée " Voici tout ce que vous devez savoir
après le cessez-le-feu. " Cette brochure était destinée à tous ceux qui, en
mai 1958, "avaient été compris et avaient largement contribué au retour aux
affaires de celui qui allait les revendre aussitôt arrivé à ses fins. Pensez
donc ! Ceux qui l'avaient ramené au pouvoir étaient plus dangereux que ceux qui
l'en avaient écarté et il fallait les réduire.
Voici l'intégralité du texte. Tout le monde pourra,
avec le recul, apprécier le respect de la parole donnée et la valeur des
signatures au bas des accords entre la France et l'Algérie...
Les soulignements, les textes en gras ou en gros ne
sont que les reflets de la mise en page d'origine. On appréciera les bandeaux
noirs qui accompagnent le cessez-le-feu, la période transitoire et
l'autodétermination, bandeaux de deuil prémonitoires.
Le Général de Gaulle, le 16 septembre 1959, a défini la politique
algérienne de la France.
Cette politique a été approuvée à une très large majorité par le Parlement; elle
a été ratifiée massivement par le peuple français lors du référendum du 8
janvier 1961.
Elle repose sur le principe démocratique de l'autodétermination, c'est-à-dire
qu'il incombe désormais aux Algériens de fixer eux-mêmes librement leur destin.
Pour que ce choix puisse s'exercer, il importait auparavant :
• qu'il soit mis fin aux combats, d'où nécessité d'un cessez-le-feu ;
• qu'une période intermédiaire soit ménagée pour obtenir l'apaisement nécessaire
et organiser la consultation des intéressés ;
• que, pendant cette période, un Exécutif Provisoire, associant toutes les
communautés qui composent l'Algérie, soit mis en place avec pour tâche de
préparer les conditions d'un libre choix des populations.
Ces conditions devaient être réalisées pour que les Algériens fixent leur avenir
par le scrutin de l'autodétermination, qu'ils optent :
• soit pour le maintien du statut de départements français ;
• soit pour l'indépendance totale par la rupture de tons liens avec la France ;
• soit pour l'indépendance dans la coopération avec la France.
Cette politique a été depuis 1959 invariablement celle de la France.
Elle trouve, aujourd'hui, dans l'accord sur le cessez-le-feu qui vient
d'intervenir, le point de départ de sa mise en application.
Que va-t-il se passer pendant les différentes phases prévues dont
le déroulement va commencer maintenant ?
Le cessez-le-feu est proclamé entre les combattants; il s'accompagne d'un
ensemble de mesures politiques prises par la France :
• rétablissement des libertés individuelles et publiques;
• allégement des mesures d'exception ;
• libération dans les vingt jours des combattants pris les armes à la main et
des internés politiques ;
• proclamation d'une large amnistie ;
• Installation d'un tribunal d'Ordre Public destiné à sanctionner tontes
violences.
2e
LA PERIODE TRANSITOIRE |
-Celle-ci s'étend du cessez-le-feu jusqu'au scrutin sur l'autodétermination Les
Algériens n'ayant pas encore choisi leur destin, l'Algérie reste sous la
souveraineté de la France. Mais, pour donner tout son sens et sa valeur au
choix, l'exercice du pouvoir pendant cette période est assuré de la façon
suivante :
• par un Haut Commissaire de la République, assisté, pour le maintien de
l'ordre, du Général commandant supérieur ;
• par un Exécutif Provisoire composé de douze membres nommés par le Gouvernement
français, chargé d'organiser l'autodétermination. Cet Exécutif Provisoire
dispose d'une force de l'ordre composée d'Algériens des deux communautés
(auxiliaires de la gendarmerie, groupes mobiles de sécurité, appelés ..).
Tous les Algériens choisiront au suffrage direct et universel entre :
• le maintien du statut de départements français ;
• l'indépendance par la rupture des liens avec la France ;
• l'indépendance dans la coopération avec la France.
Quelle serait la signification de l'association ?
Les négociations l'ont ainsi définie :
1 - Quel sera le sort des Français d'Algérie ?
A - RÈGLES GÉNÉRALES
• La règle est que tous ceux qui possèdent actuellement la nationalité
française, qu'ils soient d'origine musulmane ou qu'ils soient d'origine
européenne, la conserveront à moins qu'ils ne manifestent, de façon explicite,
l'intention de l'abandonner.
• Tout citoyen français d'Algérie, quelle que soit son origine, pourra à tout
moment quitter l'Algérie en emportant ses biens ou le produit de leur vente. En
métropole, il bénéficiera de facilités spéciales prévues par la loi Boulin
d'aide aux rapatriés.
• Tous ceux qui servent dans l'armée française pourront soit y rester, soit être
libérés sur leur demande.
• Les anciens combattants et invalides de guerre qui resteront en Algérie
continueront à y percevoir leurs pensions.
• D'une manière générale, l'Algérie indépendante s'engagera à ne jamais user de
représailles pour les actes accomplis, avant le cessez-le-feu.
B - OPTION
L'option, ci-dessous décrite, est offerte à tous les citoyens dits de statut
civil de droit commun. On entend par là les Algériens de souche européenne, les
Israélites, les Musulmalns ayant dans le passé, par suite de lois particulières,
accédé à ce statut.
Tous ces citoyens qui voudront rester en Algérie auront à choisir entre deux
statuts possibles :
- devenir Algériens, tout en conservant, quoi qu'il arrive, la nationalité
française qui leur est maintenue par la France, à moins qu'ils n'y renoncent
expressément ;
- demeurer en Algérie avec le statut d'étrangers.
Pour que ce choix soit accompli en connaissance de cause, il devra être fait au
bout d'un délai de trois ans à partir du scrutin d'autodétermination, délai
pendant lequel ces citoyens conserveront les mêmes droits que tous les autres
Algériens.
A. - Garanties pour les Français qui voudront acquérir !a nationalité
algérienne :
• la langue française restera la langue usuelle, politique, administrative,
judiciaire ;
• les intérêts privés, les biens, les droits acquis seront garantis; nul ne
pourra en être privé sans indemnité préalablement fixée ;
• le statut personnel français (mariages, successions... ) sera maintenu ;
• la liberté de culte, la liberté syndicale seront assurées ;
• la représentation politique des Algériens d'origine française sera assurée,
proportionnellement à leur importance démographique, dans toutes les assemblées
et
municipalités. Pendant quatre ans au moins, le Président ou le Vice-président
des municipalités d'Alger et d'Oran sera français ;
• quand un Français sera jugé, le Tribunal comprendra au moins un magistrat (ou
si le juge est unique, un assesseur) de même origine et le jury un tiers de
citoyens de même origine ;
• des institutions spéciales seront créées pour assurer le respect des droits de
la minorité européenne (Association de Sauvegarde, Cour des Garanties).
B. - Garanties pour les Français qui voudront rester étrangers en Algérie :
Ils seront protégés par une convention d'établissement qui leur assurera le
droit de quitter librement l'Algérie, l'égalité de traitement avec les
nationaux, le droit d'employer leur langue, le respect des biens et des droits
acquis, etc.
2 - Comment sera organisée la coopération entre la France et
l'Algérie ?
• Coopération économique et financière : l'Algérie restera dans la zone franc; le
marché algérien restera ouvert à l'industrie française et le marché français aux
produits algériens; la France s'engage pour une période de trois ans,
renouvelable, à poursuivre l'aide financière en cours (plan de Constantine) ;
• Coopération culturelle : chacun des deux pays pourra ouvrir sur le territoire
de l'autre des établissements d'enseignement. Les grades et diplômes seront
valables dans les deux pays. La France mettra à la disposition de l'Algérie des
instituteurs, des professeurs et techniciens, et accueillera ses étudiants;
• Coopération technique : la France continuera à mettre à la disposition de
l'Algérie des fonctionnaires et techniciens. Ceux qui sont actuellement en
service ne seront licenciés qu'après consultation des autorités françaises.
3 - Comment seront sauvegardés les intérêts permanents de la
France en Algérie ?
• Au Sahara, le code pétrolier sera maintenu pour les permis déjà délivrés ; les
droits acquis seront intégralement garantis; pendant six ans, un droit de
préférence sera accordé aux sociétés françaises pour la distribution de nouveaux
permis de recherche et d'exploitation ;
• Pour poursuivre la mise en valeur du Sahara, un organisme franco-algérien, où
les deux pays seront à égalité, sera institué ;
• la France disposera d'une basé aéronavale à Mers el-Kébir pendant une période
de quinze ans renouvelable (l'aérodrome de Lartigue fera partie de la base
jusqu'à la construction d'un nouvel aérodrome);
• La France maintiendra ses installations expérimentales au Sahara (Reggane)
pendant cinq ans.
• la France disposera, pendant cinq ans, des aérodromes de Colomb-Béchar,
Reggane, In Amguel et de facilités d'escale à Bône et à Boufarik. Elle
disposerait ensuite, sans limitation de durée, de facilités d'escale et
d'utilisation sur certains de ces aérodromes ; pendant trois ans, la France
maintiendra des forces armées en Algérie.
Dans le monde d'aujourd'hui, apparaissent beaucoup de nations nouvelles. Les
Algériens de souche musulmane, qui sont la grande majorité, semblent vouloir
constituer une nation.
La France qui a créé l'Algérie leur donne une chance.
La France est décidée à marquer son intérêt pour l'Algérie nouvelle et à
continuer une oeuvre grâce à laquelle celle-ci existe aujourd'hui.
Mais c'est à l'Algérie, aux populations algériennes de choisir entre les deux
voies qui s'offrent :
• l'anarchie, la misère, sans cesse aggravée par un rapide mouvement
démographique, en cas de rupture ;
• l'ordre, la liberté, le progrès économique et social, en cas d'association et,
à l'intérieur de l'Algérie, de coopération des communautés.
C'est à cette Algérie-là que la France est prête à apporter son appui dans la
paix qui peut maintenant s'établir.
Paru dans l'Echo des Français d'AFN le 1er juillet 2005